4- Jen

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J'ai mal, si mal que je peine à tenir debout. Je suis obligée de m'arrêter à plusieurs reprises pour éviter de m'écrouler et chasser les larmes qui me brouillent la vue. Un épais brouillard vient d'envelopper mon monde et derrière cette obscure couche, j'avance à tâtons. Je suis perdue dans une nuance de gris. Tout est fini. Aucun retour en arrière possible. Il m'a trahie et menti sur toute la ligne. Pourquoi ? Qu'ai-je fait de mal pour qu'il se moque ainsi de moi ? Je l'aime plus que tout au monde et il s'est joué de moi en me laissant croire que c'était réciproque. Je le hais !

Tel un automate, j'avance dans ce couloir qui me paraît interminable. Je titube à plusieurs reprises, comme si j'avais trop bu. C'est ironique, moi qui ne bois que rarement. Quand j'arrive aux portes de l'ascenseur, je me tourne vers l'appart que nous partagions. Mon cœur supplie Shawn de me rattraper, de me dire que tout ça n'est qu'un horrible cauchemar, qu'au moment où je me réveillerai, il sera là et on en rigolera.

Quand la cage métallique s'ouvre devant moi, je réalise qu'il n'en fera rien. Mes larmes redoublent de plus belle au moment où je m'y engouffre. La douleur me vrille l'âme. Jamais je n'aurais cru qu'un chagrin d'amour puisse être d'une telle intensité. En moi, tout autour de moi, il n'y a plus que souffrance.

Arrivée dans le parking souterrain, je me rends jusqu'à ma voiture. Je fouille mon sac à main à la recherche de mes clés, avant de réaliser que je les ai oubliées sur le meuble d'entrée. Je me maudis de ne pas y avoir pensé. Il est hors de question que j'y retourne. Brisée et épuisée, je me laisse tomber sur le sol dur et froid.

Mon téléphone sonne à ce moment. Je l'attrape machinalement et jette un rapide coup d'œil au nom de l'émetteur. Haley. J'avais complètement oublié qu'elle devait m'appeler.

— Ben, t'en as mis du temps à décrocher. Ne me dis pas que Shawn et toi....

Au moment où elle prononce son prénom, je ne peux contenir plus longtemps mes sanglots.

— Qu'est-ce qu'il se passe, ma belle ? s'inquiète mon amie.

Je pleure tant, que je suis incapable de lui répondre.

— Jen ? Quelqu'un t'a fait du mal ? Tu veux que j'appelle Shawn ?

— Non ! m'écrié-je.

— Ok, ma belle. Alors, dis-moi, juste où tu es, je passe te chercher.

— Dans le parking de chez moi, réussis-je à lui dire en retenant mes trémolos.

— D'accord. Alors, tu vas sortir et je te récupère devant ton immeuble dans moins d'un quart d'heure.

Tant bien que mal, je me lève. Toutes mes forces m'ont désertée, je peine à avancer. Il me faut plusieurs minutes pour rejoindre l'extérieur de l'immeuble. Une fois dehors, je jette un dernier coup d'œil à l'étage que j'ai quitté, là où l'homme que j'aime tant se trouve encore. Les lumières sont éteintes, alors qu'il fait déjà nuit noire. Je me demande ce qu'il fait, si son cœur, au même titre que le mien, a laissé place à un gigantesque trou noir. Souffre-t-il autant que moi ou va-t-il demander à cette pouffiasse de le rejoindre dès ce soir ?

À peine me suis-je posée la question que l'ombre de Shawn apparaît sur le mur, une bouteille à la bouche. Il est en train de descendre une de celles que nous avions achetées pour la pendaison de crémaillère, le week-end prochain, le seul alcool que nous possédions chez nous. Il voulait me présenter à tous ses amis ce jour-là. Maintenant tout ça n'a plus aucune importance.

Comme si ma vie ne craignait pas assez, la pluie vient se mêler à l'affaire. Le temps aujourd'hui semble aussi triste que moi. Fine et drue, elle met peu de temps à mouiller entièrement mes affaires.

Come back to me, Jen ( autoedition sortie le 04/01/2022)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant