J'étais maintenant devant la paroisse et mes larmes n'arrêtaient toujours pas de couler. Qu'avais-je fait? Je me sentais l'être le plus criminel au monde. Je n'arrêtais pas de me dire qu'Hitler valait mieux que moi. J'étais toujours entrain de sangloter lorsqu'une main me toucha l'épaule.
-Ma fille, qu'as-tu ? Viens, suis moi!
C'était le prêtre qui me parlait. Je le suivais, toujours en larmes, lorsqu'il m'invita à m'asseoir sur un banc de l'église.
-Qu'as-tu à pleurer ma fille ?
-Mon père, je...
Je ne terminais même pas ma phrase que je me retrouvai entrain de pleurer sur l'épaule de l' « Homme de Dieu ». Quelques instants plus tard je relevai la tête et me résolus à parler.
-Mon père, je suis venue me confesser.
-Enfin tu parles ! Je t'écoute.
-Je suis... hésitai-je
-N'aies pas peur ma fille, parle !
-Je m'appelle Ciara ; je suis jumelle. Mon frère jumeau se prénomme Cédric. Notre mère a perdu la vie en nous mettant au monde. Nous avons donc grandi sans mère jusqu'à nos six ans. Nous avons passé ces années dans l'harmonie et le bonheur total. Mais mon père avait décidé de se marier à une femme que Cédric n'appréciait guère. Elle s'appelait Carmelle. Je l'aimais bien et je reprochais à Cédric l'antipathie qu'il avait développé à l'égard de notre belle-mère. Le plus content était mon père car, selon lui, il avait trouvé une mère pour ses enfants. Carmelle s'occupait certes bien de nous mais jamais elle n'a pu combler le vide qui était en nous. Toute chose ayant une fin, notre bonheur connut son déclin lorsque Carmelle tomba enceinte. Nous commençâmes à faire les travaux domestiques ; très tôt le matin, on faisait la vaisselle avant d'aller à l'école. Le soir venu, après les cours, on balayait la maison etc. Cette souffrance s'accentua lorsque le bébé naquit.
Carmelle n'avait d'yeux maintenait que pour Enzo, son fils. On faisait tout comme corvée. On partait souvent en retard à l'école soit parce qu'on lavait les habits du bébé, soit parce qu'on nettoyait la maison. Mon père, lui, n'était pas au courant de tout cela car, en sa présence elle ne nous commissionnait point.
Maladive et faible de mon état, j'avais du mal à supporter cela. Cédric faisait ses corvées tout en m'aidant. A chaque fois que je pleurais, il me consolait. Je voyais en lui un très grand ami. Il se sacrifiait pour moi, recevait les coups à ma place quand je cassais un verre...
On vivait dans une parfaite souffrance et comme si cela ne suffisait pas, la mort ne tarda pas à s'emparer de mon père. Eh oui ! On était orphelins de père et de mère à neuf ans seulement. Carmelle ne tarda pas à se remarier et nous fûmes mis à la rue. Là, Cédric se tuait nuit et jour pour moi. Il arrivait qu'on n'ait rien à manger et qu'on dorme le ventre creux. Je me rappelle lorsque je suis tombée malade une fois, il a été obligé d'arracher à une femme son sac à main afin d'avoir un peu de sous pour aller à la pharmacie. Il était plus éveillé et plus responsable que moi. Je me faisais aussi beaucoup de soucis pour lui.
-Vous n'aviez personne pour vous aider ?
-Non, dis-je ! On n'a jamais connu la famille de mon père et la famille maternelle nous traitait d'en- fants maudits car elle nous reprochait de lui avoir pris un être cher.
-Mais où dormiez-vous ?
-Dans un chantier que le propriétaire semblait avoir oublié.
-Je vois...
-Cédric ne tarda pas, heureusement, à trouver du travail dans un garage. On y dormait entre temps et se nourrissait de ce qu'il gagnait, aussi peu que cela était. Il s'y habitua très vite et eut grâce aux yeux du propriétaire. Pendant ce temps je vendais des cacahuètes. Il n'appréciait pas cela parce que selon lui, j'étais exposé à beaucoup de dangers. Je lui fis comprendre que je n'avais d'autre choix que d'être marchande ambulante. Que pouvais-je faire d'autre ? Il finit par accepter à contre cœur.
Une fois alors que j'étais entrain de vendre, Cédric vint me chercher et me demander de le suivre. Je ne comprenais rien, mais le suivit quand même. Il m'emmena dans le garage où il travaillait et là je vis pour la première fois son patron, le propriétaire. Cédric lui avait tout raconté et il avait décidé de nous adopter. Il nous supplia presque, car dit-il, quand le ciel vous donne une chance, il faut la saisir. Sa femme était stérile et son désir le plus ardent était d'avoir des enfants.
Il nous traitait avec beaucoup d'attention à tel point que nous en étions quelques fois gênés. Sa femme nous adorait et aimait dire que la vie lui a donné des jumeaux. Cependant, nos vécus avaient créé un lien très fort entre mon frère et moi. Je ne voyais plus en lui un frère mais bien plus que ça. Une jalousie subite m'envahissait quand il me présentait une de ses copines. Mais, ses relations amoureuses ne duraient pas car disait-il : « J'aime quelqu'un que je ne devrais pas aimer ». Cela me réjouissait car je pouvais l'avoir pour moi toute seule.
Un jour, quand nous étions dans sa chambre, révisant nos leçons, il y eut soudainement un délestage. Je ne compris pas ce qui m'arrivait mais je sentis une attraction charnelle et eut l'impression que c'était réciproque et, tout doucement nos lèvres s'accolaient et au moment où je voulus me rap- procher, l'électricité revint. Il se leva et sortit précipitamment, revint quelques instants après, s'excusa et me pria de le laisser seul.
Depuis ce jour, je n'arrivais plus à supporter son regard. Je tremblais quand j'entendais sa voix. Je ne savais que faire. Mais je savais au moins que je ne regrettais pas cette nuit là. Deux semaines plus tard, ses amis organisaient une fête et lui, ne voulant pas y aller seul, m'invita à l'accompagner. Je n'eus point le temps d'hésiter ! Durant la soirée, j'étais du moins transparente car, il ne faisait que discuter avec ses amis.
J'étais moi, plongée dans mes pensées quand il vint vers moi et me parla : « Tu te sens seule ? ». Je répondis alors par l'affirmative et il sourit. Il s'est alors assis près de moi. Nous buvions, causant de tout et de rien. Sans qu'on s'en rende compte, on avait terminé pas moins d'une dizaine de bouteilles de boisson à alcoolisation modérée. Nous étions tant bien que mal saouls ! On se racontait du n'importe quoi, faisant même l'objet de moqueries de nos camarades. Ne pouvant pas rentrer à la maison vu notre état, on nous logea dans une même chambre. Nous n'étions pas les seuls à ne pas rentrer bien sûr, d'autres étaient encore plus saouls que nous et étaient restés...
Cette fois, c'était plus fort que nous et je la sentais tendre l'atmosphère. Une fois la lumière éteinte, l'irréparable s'était produit et... Je ne me suis rendue compte de cela qu'à mon réveil. C'est alors là que j'ai compris. Dieu pourra-t-il de par sa miséricorde, nous pardonner un jour ?répétais-je sur les épaules d'un Père étonné, dégoûté et compatissant à la fois.
DIENE#