Bonjour déprime

44 4 1
                                    

Je ferme les yeux, serrant très fort les paupières comme si ça pouvait atténuer l'horreur que je vais vivre. J'attends presque qu'il en finisse maintenant. Mais soudain, plus rien. Plus de pression sur mon bassin, de main baladeuse. A-t-il renoncé ? Le cœur battant, je rouvre les yeux, craignant ce que je vais découvrir. Et j'ai raison, mais pas dans le sens que je pensais. Je peine à croire ce que je vois ; à un mètre de moi à peine, Seokjin attrapé Jimin au collet, le serrant dans une poigne dont il a manifestement peine à se défaire à en juger par ses efforts désespérés pour y arriver. Il a du le tirer loin de moi par l'arrière.

- Alors en plus d'être une sale petite ordure, t'es un lâche, dit mon colocataire, visiblement furieux. T'allais faire quoi là, espèce de connard ?! Le violer ?!

- La ferme, c'est pas tes oignons ! rétorque Jimin en essayant toujours de lui échapper.

- Tu crois que je vais te laisser faire sans rien dire ?! Tu rêve ! Les gens comme toi me dégoûtent !

Sur ces mots, Seokjin lui décroche un coup de poing à assommer un bœuf et je le fixe, ébahi, alors que, comme dans un rêve (et certainement à cause de la fièvre, il n'y a pas d'autre explication), mon colocataire semble revêtu d'une armure de chevalier occidental, tout son être brillant comme une étoile. J'ai l'impression d'être la damoiselle en détresse sauvée par son preux chevalier... sauf que je n'ai rien d'une damoiselle, même si niveau détresse, on est en plein dedans. Il faut que j'arrête de regarder les chaînes documentaires, ça attaque le cerveau on dirait.

Certainement pris par surprise, Jimin tombe à terre, comme sonné, mais se relève et le frappe à son tour. Seokjinin réplique et, halluciné, je les regarde se battre. Pour moi. Je devrais les arrêter mais n'en suis pas capable. Déjà parce que je suis affaibli, mais aussi parce que la scène est tellement surréaliste qu'elle me cloue sur place. Ils échangent encore une collection conséquente de coups, puis le plus jeune se redresse en titubant. Il a la lèvre supérieure et l'arcade sourcilière droite éclatées, preuve que son adversaire n'y est pas allé de main morte et des ecchymoses partout sur le visage. Il tourne la tête vers moi et crache :

- J'en ai pas fini avec toi ! Il sera pas toujours là pour te protéger ! Tu seras à moi !

Il tourne les talons, gagne l'entrée et la porte se referme sur lui. Je n'arrive à croire rien de ce que j'ai vu/entendu/vécu au cours des dix dernières minutes. Sous le choc, je tourne la tête vers Seokjin... juste à temps pour le voir s'écrouler à genoux. Je me précipite vers lui et, par réflexe médical, pose la main sur son front. Il est toujours brûlant de fièvre.

- Se battre dans ton état, lui dis-je, inquiet d'une éventuelle aggravation dudit état. Babo...

Mon colocataire tourne la tête vers moi et me fait un sourire faible. Il est bien amoché aussi.

- Je le savais, que tu t'inquiétais pour moi.

- Ce n'est pas le moment de parler de ça, répliqué-je.

Tant bien que mal, car je ne suis pas en meilleur état que lui, je l'aide à se relever et nous dirige vers sa chambre. Il reprend place dans son lit, moi sur le matelas et je m'absorbe dans de noires pensées. Jimin a joué avec moi. Je n'ai jamais rien représenté pour lui. Tout ce qu'il voulait, c'était mon corps et rien d'autre. N'ai-je donc et ne suis-je donc que ça ? Un corps et rien d'autre ? N'ai-je pas d'autres attraits ? Je me sens si mal, si minable, si naïf d'avoir cru ses belles paroles qui n'étaient que des mensonges ; de m'être laissé envoûter par son visage et sa voix... Moi, j'étais sincère et lui... Peut-on avoir le cœur plus brisé ? Plus jamais je ne tomberais amoureux, ça fait trop mal... Je sens les larmes revenir et renifle pour les chasser. Je sais qu'il ne mérite pas que je pleure pour lui, mais j'ai trop mal. Mes larmes débordent malgré moi et je hoquète, de petits gémissements plaintifs d'animal blessé franchissant mes lèvres sans que je puisse les en empêcher. Soudain, je hoquète de nouveau, mais pas pour les mêmes raisons. C'est de la surprise. Sans que je le sente ni ne l'entende bouger, Seokjin s'est glissé près de moi et m'a pris dans ses bras. Sa main caresse mes cheveux en un geste apaisant et ses lèvres frôlent ma tempe tant il est près. Je retiens mon souffle.

En coloc [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant