Chapitre 2 : La réserve

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SeongHwa

J'attendais impatiemment que mon maître de stage termine la lecture de mon article. J'avais passé un temps fou sur ce reportage, je suis content de mon travail mais j'ai besoin qu'on m'indique ce qui pourrait être améliorer. Être bon ne suffit pas, il faut être le meilleur. C'est ce que nous répète les conférenciers à la fac. C'est vrai. Dans notre société méritocratique, le travail fini toujours par payer. Je me suis donné corps et âme dans mes études ces dernières années et me voilà aujourd'hui stagiaire dans le cabinet ministériel de Kang JinYoung, le ministre de l'intérieur.

« Bon travail jeune homme. J'attends ton prochain article pour lundi ». Je le remercie, le salue et m'éclipse silencieusement pour ne pas le déranger davantage.

En sortant du bureau je tombe nez à nez avec Kang YeoSang, le fils du ministre. Je ne lui ai jamais adressé la parole. Il parait qu'il ne parle à personne, excepté quelques conseillers de longue date de son père, personne n'a jamais entendu sa voix. Il me fixe sans aucune expression sur son visage. Ses cheveux blonds qui encadrent son visage lui donne un air juvénile, malgré son regard glaçant. Je remarque qu'il est plus petit que moi. Nous sommes restés ainsi à peine quelques secondes mais cela m'a paru très long alors je l'ai salué de façon cordiale avant de m'écarter pour lui permettre l'accès au bureau. Je détourne le regard un instant pour briser ce moment de gène mais quand je redirige mon regard sur le jeune homme je constate qu'il est toujours au même endroit et me fixe toujours, il dégage autant d'émotions qu'une brique. Cela ne dure que l'espace d'un instant avant qu'il ne se détourne pour pénétrer dans le bureau. Je ne bouge pas, encore perturbé par le blond.

Je me ressaisi et me dirige vers l'open-space. Je m'installe à mon bureau et commence à travailler sur un nouveau sujet d'article. Cela fait deux mois que j'effectue mon stage au ministère de l'intérieur. Mon travail consiste à faire des articles et reportages sur le ministre, ses missions et plus généralement sur le cabinet ministériel. Je m'épanouis dans mes études, je consacre toute mon énergie à mes travaux et j'y prends du plaisir.

Après deux heures de recherches pour mon reportage je décide d'aller faire un tour à la bibliothèque en libre-service du ministère, j'y trouverai certainement des informations plus précises et fiables. En traversant le long couloir j'entends des morceaux de conversations et je me stoppe net lorsque je crois reconnaitre la voix du ministre Kang JinYoung. Je ne l'ai jamais rencontré officiellement depuis le début de mon stage mais je pense pouvoir affirmer qu'il est en train de passer un savon à quelqu'un, probablement à l'un de ses collaborateurs. Je constate qu'autour de moi tout le monde s'est également arrêté, comme si on avait peur d'être les prochains à se prendre une remontrance de Monsieur Kang. Une porte s'ouvre brusquement et je reconnais YeoSang sortant d'un pas rapide et se dirigeant vers la sortie sans se préoccuper une seule seconde des regards curieux qui pèsent sur lui, dont le mien. Je remarque le ministre dans l'encadrement de la porte qui semble gêné par la scène qui vient de se passer, il balaye le couloir du regard comme pour s'assurer que personne n'ait prêté trop d'attention à lui, puis il s'engouffre de nouveau dans son bureau.

Après l'étrange traversée du couloir, je me retrouve enfin dans la bibliothèque. La responsable de la gestion des livres m'a donné un accès à la réserve personnelle du ministre et ses conseiller, elle pense que certains ouvrages que j'y trouverai m'apporteront des informations qui ne seront pas dans les livres accessibles au public. Cette petite réserve est ma mine d'or, je peux y passer des heures. J'ai pu découvrir des anecdotes très surprenantes sur la vie politique de mon pays. Au fond de la pièce, sous la fenêtre, une petite étagère comporte des dossiers confidentiels sur chaque personne étant accréditée au sein du ministère. Cela va de l'agent d'entretien jusqu'au ministre lui-même, bien évidemment les stagiaires comme moi ont aussi droit à leur petit dossier monté par les services de renseignements. Si je le voulais je pourrais fouiller dans ces dossiers mais je me fixe des limites, je ne veux pas risquer de trahir la confiance de mes employeurs. Cependant, une pochette est posée sur l'étagère en question et l'un des tiroirs est grand ouvert. Je m'approche et je lis le nom du dossier qui a été sorti, « Kang YeoSang ». Je me dis que si je ne mettais pas imposer de stupides principes j'aurais pris le temps de lire ces documents pour en savoir plus sur cet intrigant jeune homme.

Je baisse les yeux vers le tiroir ouvert. Les dossiers sont classés par ordre alphabétique et je constate que je tombe pile sur les noms en « P ». Je cherche alors mon nom, Park SeongHwa, je suis curieux de savoir quel genre d'informations ils ont pu récolter à mon sujet. Je remue de fond en comble le tiroir mais je ne trouve aucun document à mon nom, rien du tout.

J'entends au loin des voix arriver. Sans réfléchir je glisse le dossier de YeoSang dans mon sac et je retourne dans la bibliothèque. Je me faufile entre les allées de livres et prends au hasard des ouvrages, je fais semblant de m'intéresser, comme si faire l'innocent allait me laver de mes pêchés. Je quitte la bibliothèque et je pense aux documents que j'ai en ma possession, je suis pris d'une vague de curiosité alors je décide de rentrer chez moi pour consulter ces informations sur le fils du ministre. Après tout, j'ai le dossier, le mal est déjà fait, au diable les principes moraux.

Il est 22h30. Déjà une heure que je suis rentré. Le dossier est posé sur la table, je ne l'ai toujours pas ouvert. Je suis en plein débat avec moi-même. Devrais-je le consulter ? Oserai-je encore croiser le regard du blond après l'avoir stalké de la sorte ?

Je réfléchis en gobant mon kimchi. Je débarrasse mon assiette et m'arrête devant mon reflet dans la fenêtre. Oserai-je de nouveau affronter son regard après cela ? Ce n'est pas comme si notre rencontre d'aujourd'hui avait été bien glorieuse, la situation ne sera finalement pas pire qu'elle ne l'est déjà. Je jette un œil aux documents et je prends ma décision : je vais le lire.

Je prends place sur mon canapé, feuilles en main et commence ma lecture. Les premières pages ne sont pas très surprenantes, essentiellement le détail de son parcours scolaire. En revanche les pages qui suivent ont capté mon attention et je reste stupéfait par ce que je lis. YeoSang a été diagnostiqué dépressif à ses 12 ans, cela accompagné de phobie sociale et de troubles du comportement. Il est précisé que le jeune homme a tenté à plusieurs reprises de se suicider. Sa dernière tentative remonte à sa dernière année de lycée quatre ans auparavant. Je reste perturbé par ces informations et je pris de remords en me rappelant que je l'ai insulté mentalement après avoir fait face à son regard noir. Je l'ai qualifié de « connard arrogant », il ne l'est pas, il souffre juste de devoir affronter autrui. Quand j'y réfléchi, de nous deux, c'est surement lui qui a été le plus troublé par notre rencontre.

Je continue ma lecture du dossier et apprend qu'il suit des études de sciences politiques, dans la ligné de son père mais apparemment il excelle surtout dans les arts. D'après le document, il serait un très bon danseur et aurait même obtenu une bourse pour la School of Performing Arts à Séoul et des labels lui auraient proposé des auditions. Visiblement, il a été trainee chez Big Hit Entertainment mais a été obligé d'abandonner pour se consacrer à ses études, probablement poussé par son père.

Je termine ma lecture plus vite que je ne le pensais mais les questions fusent dans ma tête, j'espère que j'aurai un jour la possibilité de faire réellement sa connaissance, bien que sache déjà beaucoup de chose à son sujet.

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