Le carnet

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Ça faisait longtemps.
Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi seul. Tellement longtemps que j'avais presque oublié cette sensation, ce sentiment. J'aimerais tellement que ça change, que tu me regardes et que soudain, tout soit clair pour toi. Mais non, toi tu es aveugle. Enfin non, pas vraiment, disons plutôt que tu ne me vois pas. Parce que lui tu le vois. Lui, tu le regardes avec cette même passion que j'apprécie tant. Cette passion si particulière qui te qualifie et qui fait de toi quelqu'un d'aussi admirable. Pourtant tu ne veux pas te l'avouer, tu préfères le regarder de loin. Lui et pas moi. Tu me dis que ce n'est pas ce que je crois, et que tes sentiments, tu les a balayés il y a longtemps. Mais moi je le vois, quand tu le regarde, ce n'est pas de l'amitié que tu éprouves, c'est de l'amour. Le même amour que moi j'aimerais partager avec toi. Ça me fait si mal, tu ne peux pas imaginer. Tu ne vois pas comme j'attends que tu te tournes vers moi et que tu dises "Pardon, c'est sur toi que j'aurais dû compter pendant tout ce temps."
Nos différences nous ont rapprochés, mais c'est sa différence avec toi qui t'attires, pas la mienne, comme d'habitude. J'aimerais un jour te fixer droit dans les yeux et te hurler que je suis là quoiqu'il arrive, mais que vas-tu faire ? Tu me répondras sûrement "Cool, mais tu n'es pas lui donc ça ne compte pas."
Ça ne compte pas.
J'en ai marre de pleurer pour toi. De me sentir mal à cause de toi. D'avoir l'impression que tu t'en fous de ce que je pense. Ça me saoule. Même quand on parle de tout et de rien, même quand tu me souris en me disant que je suis important à tes yeux, même quand tu viens me serrer dans tes bras parce que tu sais que je vais mal, à chaque fois je me rappelle que tu aurais préféré que ce soit lui. Lui que tu aurais serré dans tes bras, lui à qui tu aurais raconté tout, lui qui est si important et si parfait. Je suis minable, je ne suis rien, je ne peux pas ne serait-ce qu'imaginer rivaliser avec lui. Je n'aurais jamais dû choisir cette chambre, parce que je la partage avec toi. Rien de tout cela ne serait arrivé, on serait restés rivaux. On ne se serait pas rapprochés. Je n'aurais pas autant souffert. Tu aurais pu rester avec lui.
J'aimerais que tout cela s'arrête. Que ces sentiments disparaissent. Que, en un simple claquement de doigts, je t'efface de ma vie. Mais ils ne veulent pas partir, ces foutus sentiments. Ça m'énerve. Ça me donne encore plus envie de pleurer. Je suis à deux doigts de craquer, bientôt je te dirais tout, dans un torrent de colère et de larmes. Ce sera violent. Ce sera direct. Et je veux qu'il soit là quand ça arrivera. Pour qu'il voit à quel point je t'aime comparé à lui qui ne te considères que comme un simple ami. Je voudrais que-

"Qu'est-ce que t'écris ?"

Haizaki se retourna en sursaut, fermant le carnet aussi vite que possible et lâchant le stylo comme si ça allait changer quelque chose. Hiroto sourit.

"C'est un journal intime ?
- Et puis quoi encore !? Je n'ai pas quatre ans.
- Je peux lire alors ?"

Haizaki serra le carnet contre lui.

"Hors de question.
- Donc c'est bien un journal intime."

Le démon du terrain lâcha le carnet et se pointa devant Hiroto. Il le fixa droit dans les yeux.

"C'est pas un journal intime !!"

Le plus petit lâcha un rire amusé. C'était dans les habitudes d'Haizaki de posséder ce genre de truc niais, mais comme il n'assumait pas, c'était assez drôle de le taquiner là dessus. Le grand souffla avant de retourner s'assoir à son bureau.

"En tous les cas ça ne te regarde pas."

Ce qui était faux bien sûr, puisque la plupart des pages remplies parlaient d'Hiroto lui même. Haizaki avait pris soin d'extérioriser ses pensées négatives dans ce carnet, et cela concernait principalement Hiroto. Si son précieux bouquin tombait dans des mains mal intentionnées, il serait dans une très mauvaise position.
Hiroto s'allongea sur son lit, appuyant sa tête sur ses bras en fixant le plafond. Haizaki, lui, était assis à sa chaise, une jambe relevée sur l'autre avec un bras appuyé contre le dossier en bois. Il jouait avec sa gomme tout en fixant son camarade. Les deux garçons restèrent ainsi pendant cinq longues minutes avant qu'Hiroto ne brise le silence :

os book - inazuma elevenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant