Il courait sous la pluie

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Il courait sous la pluie. Ses larmes s'étaient mélangées aux gouttes d'eau. Il courait sous la pluie aussi vite que possible. Il avait espoir de pouvoir le rattraper, parce qu'il savait qu'il avait tort. Il devait le voir une dernière fois.

Ce n'était pas dans ses habitudes de courir comme ça, surtout pas pour quelqu'un. Mais ce quelqu'un était spécial, il l'avait tant aidé. Il s'en voulait un peu plus chaque seconde. Son cœur battait si fort, si vite, que s'il y avait quelqu'un d'autre sous cette averse, il aurait pu l'entendre aussi.

Il aurait sans doute dû laisser passer, après tout, lui n'avait jamais cru mal faire. Mais il était trop gêné, il n'avait pas assez l'habitude. C'était trop dur. Trop dur de recevoir de l'attention, de ne pas se sentir impuissant face à cela.

Il était épuisé, mais rien ne pouvait l'arrêter. Il pensait à ce qu'il allait lui dire. Il avait peur de sa réaction, peur qu'un "désolé" ne suffise pas. Après tout, il était parti comme ça, sans rien dire. La déception s'était lue sur son visage. Il en était la cause.

Il avait toujours déçu les gens. Enfin, c'est ce qu'il pensait. C'est pour ça qu'au début personne ne l'appréciait, ils avaient raison. Ils auraient dû continuer. Et lui aussi. S'il l'avait détester ils n'en seraient jamais arrivés là. Et il ne pleurerait pas autant.

Il courait sous la pluie comme si sa vie en dépendait. Comme si le simple fait d'arriver à temps allait le sauver. Il avait besoin qu'on le sauve, qu'on le soutienne, qu'on soit là pour lui, mais il n'arrivait même pas à se faire aider. Même pas par lui.

Pourtant il avait envie d'être là pour lui, mais rien n'allait jamais quand il voulait aider. Tout était déplacé dans ce qu'il faisait. Là où lui était parfait, il n'était qu'un être insignifiant qui n'arrive pas à agir normalement auprès des gens.

Pourquoi est-ce qu'il se sentait obligé d'agir ainsi ? De dire ce genre de choses ? Des choses blessantes. Des erreurs. Comme lui.

Il courait sous la pluie, parce que c'était sa raison de vivre maintenant. S'il ne le revoyait pas, il s'en voudrait toute sa vie. Cela ne devait pas arriver. Alors il laissait ses larmes partir une bonne fois pour toute, et il courait.

Son rythme avait ralenti. Il devait s'arrêter, il était essoufflé. Un cri s'échappa de sa gorge et il reprit de plus belle. S'il s'arrêtait, il n'avait aucune chance. Alors il devait le faire, pour eux.

Eux, qui étaient tout et rien à la fois pour l'autre, comme un fil prêt à se casser. Et si ce fil se cassait et qu'il n'arrivait pas à faire un noeud pour le réparer ? Alors il l'aurait perdu, et il se serait perdu avec.

C'était le bon mot : perdu. Il l'était déjà, en fin de compte, depuis son enfance, depuis toujours. Personne ne pouvait mieux le comprendre que lui, et il lui avait fait comprendre. Il lui avait dit "je serais toujours là pour toi." Mais maintenant qu'il était parti, cela voulait dire qu'il lui avait menti ? Comme si ce n'était pas suffisant.

Il courait sous la pluie, et le temps passait. Il ressassait ce moment, où il avait hurlé. Maintenant que toutes ses gouttes d'eau avaient rendu ses vêtements trempés, et que son cœur l'était aussi, il ne comprenait pas sa réaction. Qu'est-ce qui l'avait mis à ce point à bout pour qu'il dise quelque chose comme ça ?

"Le problème, c'est toi."

Cette phrase sonnait faux. Et elle tournait en boucle dans sa tête, comme un vieux disque rayé. Le véritable problème était lui-même. C'était lui qui avait été si mauvais dès le début.

Il lui avait accordé sa confiance, il lui avait tendu sa main, mais qu'est-ce qu'il avait répondu ? "Le problème, c'est toi." Et rien n'était plus blessant que cette phrase.

"Est-ce que tout va bien ? Tu as un problème ?
- Le problème, c'est toi."

Il courait sous la pluie, parce qu'il devait s'excuser. Parce que rien n'allait plus maintenant. Le froid, les averses, la nuit, le noir, rien ne pouvait l'arrêter. Il irait jusqu'au bout, même s'il devait tomber de fatigue.

"Je serais toujours là pour toi."

Il aurait aimé avoir le temps de lui répondre. Il aurait aimé lui expliquer que ses questions le gênait, qu'il était énervé ce soir-là, et que ça l'avait énervé de l'entendre encore une fois.

"Est-ce que tu as un problème ?"

Il en avait toujours eu. Mais lui n'en faisait pas parti, c'est pour cela que sa réponse était une erreur depuis le début. Et il l'avait regardé afficher de la déception sur son visage, puis se retourner. Il l'avait regardé partir et il ne l'avait pas retenu. Il aurait dû.

Il courait sous la pluie parce que la simple idée de le voir partir sans qu'il lui ai dit le fond de sa pensée le rendait fou. Et il pouvait enfin voir la lumière de l'aéroport. Tout n'était pas terminé.

"Je t'aime."

C'est ce qu'il aurait dû répondre. C'est cette phrase qui changeait tout. C'est cette phrase qui allait le faire revenir. Il le savait. Il voulait y croire.

Il courait sous la pluie, jusqu'à ce qu'il l'ait enfin atteint. Jusqu'à ce que les mots soient dits, pour qu'enfin ils se retrouvent.

Il pénétra dans le bâtiment, exténué, à bout de souffle et trempé jusqu'aux os. Et il était là, seul, parce que les autres passagers avaient déjà embarqué. Il l'attendait, c'était évident.

Il releva son regard vers lui, des larmes et des gouttes de pluie coulaient sur son visage.

"Je suis vraiment rien qu'un sale con, pardonne moi, je t'en supplie ne pars pas !"

Il l'avait regardé, longtemps, jusqu'à ce que l'annonce déclare que l'embarquement était sur le point de s'achever.

"Je suis désolé, Caleb."

Jude tourna les talons, attrapa sa valise en ignorant les cris du garçon. Il allait partir pour ne jamais revenir. C'était la goutte de trop. Et c'était terminé.

"Mais, je t'aime..."

Il avait couru sous la pluie. Aussi longtemps que possible. Perdant son souffle et son bon sens.
Il avait couru sous la pluie pour se faire pardonner. Mais ça n'avait servi à rien.

"Je serais toujours là pour toi, Caleb, toujours. Je t'aime."

os book - inazuma elevenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant