02-Le loup solitaire

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— Haru, tu en as mis du temps. Je croyais qu'ils t'avaient encore enfermé, dit Lena avec douceur en le voyant approcher.

Elle sonda avec grand sérieux chaque bout de peau visible. Le garçon tira sur ses manches en un geste incontrôlé, puis baissa vite la tête afin qu'elle ne puisse pas lire en lui. Il la vit grincer des dents et il s'empressa de parler :

— Ils m'ont retenu, tu sais, je... je n'avais pas terminé toutes mes tâches et... et ils... Enfin, mon père surtout...

Elle stoppa son bafouillage en lui saisissant le bras d'un mouvement délicat, puis remonta sa manche pour dévoiler les hématomes violacés. Son père s'était déchaîné et sûrement en serait-il mort si sa nature ne le protégeait pas.

— Haru... souffla-t-elle, ils vont finir par te tuer !

Il fut surpris d'entendre sa voix vibrer de peur, de haine et de dégoût contre ceux qui l'avaient ainsi maltraité. Pour qu'un loup garde des séquelles, cela ne pouvait signifier qu'une chose : les coups avaient été d'une très grande brutalité. Les yeux de Lena, d'ordinaire si doux, s'embrasèrent sous la colère.

— Ne te fâche pas, supplia-t-il, effrayé à l'idée qu'elle ne l'aime plus. Je te jure que ça va, je vais guérir... je guéris toujours ! Et puis, c'est ma faute, j'ai un peu trop traîné aujourd'hui. Je savais bien pourtant que mon père se montrerait intransigeant.

Elle secoua la tête, serrant plus fort encore sa main.

— Haru, ne justifie pas leurs actes. Ce père n'en est pas un. Ce n'est pas cela un père et une mère. Je te l'ai déjà expliqué. Désigne-les par leur nom ! Ce sont des monstres, rien que des monstres !

Son regard dur se posa sur lui si bien qu'il se ratatina sur place. Il se retenait de pleurer, mais arriva à se contenir en y mettant toutes ses forces.

— Narro Vent et Idolenta Vent, murmura-t-il, la voix chevrotante, parlant si bas qu'il ne fut pas certain d'avoir émis un son.

Ses larmes commençaient à embuer ses yeux. Pour lui, malgré ce que désirait Lena, ceux-ci restaient ses parents. Il savait bien qu'ils n'agissaient pas de la bonne manière, mais c'était aussi un peu sa faute. Il n'aurait jamais dû naître.

— Haru... s'attrista Lena en voyant ses perles salines s'échouer sur le sol. Pardonne-moi, je ne voulais pas te forcer.

Elle le tira par la manche, puis passa ses mains autour de ses épaules, lui offrant la chaleur de son cœur et lui permettant de déverser sa peine. Haru eut le sentiment que son amie éloignait sa douleur tandis qu'il sentait ses bras le serrer de plus en plus fort. Elle avait beau être fine, il trouvait toujours du réconfort lorsqu'elle le gardait près d'elle. Il la voyait comme une déesse capable de réaliser tous ses vœux.

— Pardon Lena, j'ai parfois l'impression de ne savoir faire que pleurer.

Elle lui tapota la tête doucement, puis enroula d'un bref mouvement ses doigts autour de ses cheveux ondulés, avant de pousser un gentil soupire. Elle lui laissa un peu d'air et il en profita pour s'essuyer les joues, les yeux brillants maintenant d'avoir autant souffert.

— Comment t'es-tu échappé ? Je sais que ta cinglée de belle-mère t'enferme tous les soirs. J'ai peur pour toi, avoua-t-elle. Pourquoi ne te remets-tu pas à moi afin de te protéger ?

Il ne dit d'abord rien. Lui aussi aimerait s'en aller, disparaître de cette vie, mais la meute était puissante tant, que fuir ne servirait à rien et puis il y avait son frère. Il n'était pas entièrement paria et son statut restait plus enviable que de se retrouver seul.

Le loup du PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant