Sur son bureau, les bras posés sur les accoudoirs de la chaise, son regard était vide. Il essayait de faire la part des choses. Erwin était mort. Et c'était entièrement sa faute. Il en était l'unique responsable. Les images repassaient encore dans son esprit et il ne cessait de se demander s'il avait fait le bon choix. Sa conscience le rongeait peu à peu et sa jambe tressautait nerveusement. Ses phalanges blanchissaient au fur et à mesure qu'il serrait de ses doigts tremblants les bords de la chaise. Des larmes salées coulèrent jusque dans sa bouche et il se rendit compte qu'il tremblait de rage. S'en voulait-il à lui-même ? Ou en voulait-il au monde entier ?
Après tout, c'était la faute d'Erwin s'il avait intégré le bataillon d'exploration.
Il avait sentis, la première fois que son regard s'était posé sur lui, Livaï avait sentis à quel point Erwin Smith, Major du bataillon d'exploration, était un homme à craindre. Embarqué dans un bordel sans nom, il avait eu pour mission d'assassiner le blond, mais rien ne s'était passé comme prévu.
Isabel, puis Farlan avaient dévoués leurs cœurs à la cause humaine. Livaï avait plus tard compris que c'était sa propre faute s'ils étaient morts. En voulant protéger Ian, il les avait mis tous les deux en danger et avait même au final tout perdu. Erwin Smith, ayant surement tout organisé, avait réussi à ouvrir les yeux du délinquant. Et, avec le poids de leurs morts sur la conscience, Livaï Ackerman s'était engagé auprès du bataillon d'exploration. Ce fut là sa deuxième mauvaise décision.
Plus tard, alors qu'il avait déjà été nommé Caporal-chef, il avait rencontré Eren Jaëger et avait, sous l'accord directe d'Erwin, décidé d'en avoir la garde exclusive. Ce merdeux suicidaire avait surement fait partit d'une de ses erreurs, mais il n'en tenait même plus rigueur. Ce gamin avait réussi à éveiller en lui ce sentiment d'injustice : ils étaient du bétail, comme il aimait le crier.
Alors Livaï s'était doucement mis à rêver. Un espoir ravageait l'humanité. L'espoir de pouvoir échapper à leurs destins funestes. Le Caporal-chef s'était alors imaginé un avenir, sans titan, et entouré de la seule personne qu'il lui restait. Alors son regard s'attardait, il lui arrivait d'être dans la Lune une fraction de seconde, mais suffisamment pour que son supérieur le remarque.
Sa troisième plus grosse erreur. Erwin Smith l'avait convoqué pour lui parler d'Eren Jaëger, surement pour lui expliquer un de ses plans macabres. Et il n'avait pipé mot. Le Major Smith lui avait fait remarqué qu'il avait changé, que son regard s'était adoucis, et qu'il semblait apaisé.
« Je rêve de liberté. J'ai espoir que notre fin ne soit plus. J'ai espoir d'un avenir, et je ne le vois qu'avec une personne. Je suis amoureux Erwin, et ça me rend dingue. »
Il ne savait pas si le Major avait compris qu'il parlait de lui, mais il n'avait pas envie de le savoir. Le regard du blond s'était fait vide, si vide qu'il eut peur de s'y plonger trop longtemps.
« L'humanité n'est pas au bout de ses peines Livaï, nous saurons à quoi nous attendre lorsque nous aurons repris Shinganshina, et qu'Eren aura mis la main sur ce qu'il se trouve dans la cave. En attendant, oublie les fantaisies et reste concentré Caporal-chef. »
Sur le coup, le brun avait été choqué par ces propos. Erwin aurait normalement dû être plus du genre à favoriser ce genre de pensés, surtout le concernant lui. Mais son regard lui avait glacé le sang. Alors Livaï s'était repris. Il avait poussé ses idées paradisiaques sur le côté, et avait décidé de se concentrer sur ce qu'Erwin attendait depuis le début : la reconquête de Shinganshina.
Mais ce jour-là rien ne fonctionna comme prévu. Erwin avait pris la décision de mener une attaque frontale pour laisser le temps à Livaï d'attaquer le Bestial par surprise, et bien sur il comptait mener ses troupes en passant en première ligne. Avant de partir, Erwin lui avait rapporté des propos rempli d'espoir et d'humanité. Livaï allait vaincre le titan Bestial quoi qu'il en coûte, ils retrouveraient la cave d'Eren, découvriraient tous les secrets des titans, sauveraient l'humanité et il pourrait à son tour vivre paisiblement, se prendre une petite maison et peut-être même cultiver des plants de tomates cerises. Et, le tout avec Erwin Smith à ses côtés, peut importe sous quel prétexte.
Mais deux choses s'ajoutèrent à sa liste de regrets. Il n'avait pas battu le titan Bestial. Et tout le bataillon d'exploration de son côté semblaient morts. Alors, en arrivant du côté d'Eren, et en voyant Armin Arlelt brûlé au troisième degré, il avait déjà eu du mal à réfléchir correctement. Ses émotions prenaient le dessus sans qu'il ne le puisse, et il avait hésité à donner la seringue. Après tout, il avait tout perdu. Pourquoi devait-il encore sauver quelqu'un ? Pourquoi les autres ne souffriraient pas autant qu'il l'avait fait lui ? Ses pensées avaient été très vite sombres.
Et quand, par un miracle qu'il ne soupçonna pas, Floch arriva avec sur son dos le Major lui-même, à l'article de la mort, ses yeux s'étaient humidifiés. Il allait lui donner la seringue. Qu'importe lequel était le plus apte à combattre pour l'humanité, lequel méritait le plus de vivre, le seul qui comptait pour lui était Erwin. Alors, même si Eren et Mikasa en avaient fait de leurs siennes, il allait enfin administrer la seringue au Major. Et ce fut la dernière chose qu'il regretta, bien que, pour une fois, ce ne fut pas de sa faute. Coincé entre la réalité et l'illusion, Erwin Smith, fils d'un professeur trop curieux, avait levé la main.
« Comment sommes-nous sûr qu'aucun autre Homme n'a survécu en dehors des murs ? »
Livaï Ackerman en avait eu des frissons dans tout le dos. Il comprenait enfin. Erwin n'avait plus la volonté de vivre. Il avait cavalé vaillamment jusque dans la mort, rejoindre ses camarades morts pour ce qu'il pensait être juste, mais dont il ne savait même pas le quart de la vérité. Erwin Smith, Major du bataillon d'exploration, était mort sur le champ de bataille, avec la plus honorable des motivations : le courage. Erwin Smith avait fait preuve de courage et s'était battu jusqu'au dernier moment, maintenant, il était temps pour lui de se reposer en paix.
Alors après avoir essuyé ses larmes, Livaï avait planté la seringue dans la nuque d'Armin Arlelt.
Alors que les autres recevaient les premiers soins, il s'était isolé avec Hanji Zoe, il voulait au moins lui rendre hommage comme il se devait. Ils entrèrent dans une chaumière, le corps sans vie d'Erwin sur le dos, puis le déposèrent délicatement sur un lit. Un bouquet de fleurs dans les mains, les yeux fermés, paisible. Livaï avait posé ses lèvres contre le front froid du Major, signe d'adieu, et Hanji, habituellement enjouée, n'avait pas non plus parlé à ce moment-là. Ils avaient observé la dépouille un temps, puis le Caporal s'était permis d'arracher une page d'un carnet posé non-loin de là, remplissant la page de sa plume avant de la placer à côté du cadavre.
"A toi, accablé par la mort de tes camarades.
A toi qui sût nous mener jusqu'à la dernière de tes batailles.
A toi, Erwin Smith, qui portait mieux que quiconque les ailes de la liberté, nous te la rendons.
Puisses-tu être expié de ton poids là où tu te trouvera."
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Sans adieu.
عاطفيةErwin Smith est mort. Et Livaï n'arrive pas à accepter, trop de regrets le submerge et il aurait aimé revoir ses choix.