Photos et Préjudices

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   Les murs étaient roses et le tapis était violet. Il ne faisait ni aussi chaud et sec qu'en été, ni aussi froid et humide qu'en hiver ; le temps semblait figé dans un entre-deux parfaitement agréable. Les nuages blancs filtraient les rayons de soleil et une légère brise faisait virevolter les rideaux.

   La chambre d'Olivia était la plus ensoleillée, la mieux orientée et, bien que pas la plus grande de la maisonnée, tout à fait charmante et chaleureuse. La grande porte-fenêtre, source de lumière principale de la petite chambre, donnait sur une terrasse qui elle-même donnait sur le jardin des Impicciche. Entretenu par Catherine, membre dominant de la famille, c'était, en concurrence avec celui des Dupont qui gagnait haut la main niveau organisation, le plus beau du quartier de part sa diversité et l'esprit rebelle qui s'en dégageait. Des vignes poussaient contre le mur, en harmonie avec une lignée de bambous entretenus par la mère Impicciche qui les chérissait comme la prunelle de ses yeux.

   Des buissons, des plantations et des micro-cultures de tous types jonchaient le jardin et il y avait même des plantes aquatiques autour et dans la mare artificielle. L'allée qui parcourait le petit paradis de la porte d'entrée à la petite mare était jonchée de fines herbes courtes, souvent vertes et dénuées de fleurs. Le seul arbre planté par Madame Impicciche – il avait coûté un bras ; les saules pleureurs ne couraient pas les rues à Marseille, quoique les saules ne couraient pas tout court où que ce soit sur Terre – se trouvait dans ledit fond du jardin, juste à côté de la mare.

   Olivia adorait s'asseoir sous ses branches, isolée du monde extérieur par les feuilles déjà longues de l'arbre âgé de seize longues années, planté à la naissance de la jeune fille. Elle venait là pour écouter du hard rock dans son gros casque vert fluo, ou bien pour réviser ses cours de latin dans une ambiance délicieuse.

   Le lit d'Olivia, positionné juste à côté de la porte-fenêtre, était à l'horizontale dans le coin droit de la pièce. Il était habillé d'un assortiment hétéroclite de draps et d'une couette dont les décorations allaient d'inexistantes à personnages My Little Poney multicolores. Un oreiller trop plat et dont le tissu était devenu rêche avec le temps soutenait les délicates tempes d'Olivia, et on voyait s'étaler dessus les cheveux mi-longs châtains de la jeune fille quand Morphée lui ouvrait les bras – ce qui arrivait de moins en moins souvent ces derniers temps.

   Des étagères étaient incrustées dans le mur gauche, et crouleraient presque sous la collection de livres vertigineuse d'Olivia qui dévorait les livres aussi bien que les bonbons à la réglisse, deux goûts que la plupart de ceux de sa génération ne partageaient pas assez d'après elle. Deux étagères étaient cependant consacrées à son arsenal de carnets de croquis et de brouillons de textes. Pour se vider de leur énergie négative, certains jouaient de la musique, peignaient, rêvaient, voyageaient ou se défoulaient sur un sac de boxe qui n'avait rien demandé à personne. En mettant de côté les moments où elle lisait – qu'elle considérait plus comme des moments sacrés que comme une manière de se distraire –, Olivia déversait toutes ses pensées, des petits tracas aux gros chagrins, en couchant des traits durs en crayon sur les pages vierges de ses carnets.

   Des dessins, des feuilles noircies d'écritures, des résumés de cours importants ou intéressants, mais aussi de simples feuilles blanches ornaient les murs de la petite chambre adorable. Des posters étaient accrochés ici et là, de toutes les façons possibles et imaginables. Simples ou encadrés, signés ou tagués au feutre noir. Des posters des dessins animés de son enfance qu'elle n'a jamais enlevés comme celui des filles de Magical Dorémi qui autrefois lui semblaient époustouflantes dans leurs poses géniales et n'étaient désormais plus que les bribes d'une époque oubliée qui semblaient la regarder tristement.

   De l'autre côté, elle vénérait ses autographes de boys-band comme la digne fangirl qu'elle était. Les signatures – bien que pas originales et seulement imprimées – de Liam, Niall et des autres One Direction donnaient toute sa valeur à une photo du groupe taille A3 encadrée et protégée par une mince plaque de verre sur laquelle il n'y avait pas une seule empreinte de doigts. Des photos de Jimin décorées de cœurs en rouge à lèvres étaient placardées à côté de son lit. Les autres posters changeaient de place dépendamment de l'humeur de la jeune fille, mais peut être ne changeraient-ils plus jamais à présent.

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