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     Un portrait... Un portrait... Je ne suis pas la mieux placée pour me définir, je ne sais si les qualités que je me donne sont des éloges faites à moi-même pour me valoriser, ou si les défauts que je me trouve ne sont énoncés que pour me faire plaindre. Allons au plus simple. Je me prénomme Ève. C'est un peu nul, mais ma mère m'a appelée comme cela parce que je suis l'unique fille qu'elle a pu avoir, l'unique enfant d'ailleurs, et devinez quoi : elle aurait appelé son fils Adam si elle en avait eu un. Le pire dans tout cela, je pense, c'est qu'elle se fiche de façon grotesque de la religion, et de tout ce qui est, de près ou de loin, rattaché au spiritisme. Bref.

Ici, Ève je me nomme, et je ne peux pas changer cela. Que dis-je ? Bien sûr que je peux changer de nom, mais c'est trop de tracas pour un nom en trois minuscules lettres. J'ai 23 printemps - d'ailleurs c'est pas un peu bizarre de dire "printemps" - et je m'apprête à souffler ma vingt-quatrième bougie cette année, en octobre plus précisément. Oui, oui, le pire mois de l'année, l'été est terminé depuis un mois, il pleut sans cesse, il fait froid et très humide et je n'ai que deux mois pour avoir de nouveaux cadeaux... Pourquoi est-ce que je fête Noël sans n'avoir aucun lien avec une religion ? La société. La nourriture aussi, et le partage.

Voilà encore dix minutes de gâchées sur le choix de mon repas du midi, celui du soir, et peut-être sur mon petit déjeuner de demain matin à force de rêvasser dans mon lit, pourtant complètement sortie des couvertures. Et encore vingt secondes à penser au temps perdu. Merde. Bien que ma journée ne soit pas remplie de rendez-vous aujourd'hui, j'ai un nouveau patient que je vais devoir apprendre à connaître, à cerner, et, surtout, à comprendre. Je suis nerveuse. Peut-être aussi nerveuse que lui, ou plus ? Je m'efforce à sortir de mon lit. Je fais chauffer de l'eau pour mon thé matinal ; j'ai vraiment HORREUR du café. C'est tout ce qui me dégoute en ce monde : une odeur forte, un gout amer. Berk. Je reçois un message de mon petit copain. Je n'ai même pas envie de lui répondre. Aurai-je dit petit copain ? En fait, Dav et moi nous sommes rencontrés en boîte un soir, le seul et unique soir où j'y suis allée d'ailleurs. Je lui ai donné mon numéro par totale inadvertance et le voilà en train de m'envoyer des "Hi babe" tous les matins, sans exception, à 7 heures 30.

David est le genre de mec totalement inintéressant qui vient à nous parler de banquise et de désert d'Afrique dans la même phrase, il se donne un genre théâtralement exagéré et pense que c'est en bombant le torse qu'il sortira de nouveau avec quelqu'un.

  - Et voilà, je recommence... Je fais ma psy, me dis-je d'un air totalement dépassé.

Maintenant qu'il ne me reste plus qu'une cinquantaine de minutes avant de partir à mon cabinet, je commence à stresser. Il faut que mon look soit professionnel, mais détendu à la fois.

  - Ne te prend pas la tête, Ève, tu vas y arriver.

Je bois mon thé d'une gorgée ou deux, enfile un jean évasé avant de me rendre compte que je n'ai pas encore prit ma douche. Bon... Restons zen... Je fais couler l'eau en vitesse et, en attendant qu'elle chauffe, tente de retirer mon jean trop serrer. Oui, il était pourtant à ma taille il y a une semaine... Problème de machine certainement. Je rentre : l'eau est bouillante. Je la baisse : voilà d'où viennent les idées de banquise de Dav. Je me lave le corps d'une façon si peu douce que je n'aurai pas à me raser les jambes en sortant. J'attrape une serviette et me sèche de manière rapide. Je ne dois pas être en retard. J'enroule mes cheveux dans un tissu et sort sur mon porche fumer ce qui semble être la dernière cigarette de mon paquet ; cela veut également dire nouveau détour, nouvelle perte de temps. Bon, Ève, savoure-la ! Tu en fumeras une de nouveau quand tu sortiras ce soir. Je rentre de nouveau dans la maison, toujours la clope en bouche, tentant d'enfiler mon jean "trop petit à cause de la machine" et n'y arrive pas, mes jambes collent dû à l'humidité. Il ne me reste plus qu'une solution : assumer que je ne rentre pas dans un 40. J'attrape un jean plus grand, fonce dehors jeter ma cendre de cigarette et me rend compte que je suis seins nus. Je pense que les Dieux sont en train de me faire payer le manque de gratitude de ma mère envers la religion le même jour.

Je cours à l'intérieur, met un débardeur noir et fonce attraper les clés de ma voiture après m'être lavé les dents. Ouf. J'ai de l'essence...

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⏰ Last updated: Jun 30, 2020 ⏰

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