Feuille 1ere

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Presque midi. Il était presque midi. L'horloge et son tintement agaçant ne semblaient pas pressés d'atteindre le sommet du cadran. Je croisais mes bras derrière ma tête dans un soupir. J'étais encore réticent à me lever mais il le fallait ; j'avais à plier bagages. Je partais pour Paris. Paris ? Charleville ? Roche ? Je m'assis au bord du lit, et passai ma main sur mon visage pour tenter de me réveiller, et dans mes cheveux batailleurs pour tenter de les démêler. Je devais partir, et avant qu'il ne revienne. D'ailleurs sa longue absence m'alertait. Je repensais à ces beaux temps de la belle époque ; temps révolu ! ; à ces jours précédents : cette fois-ci c'était moi qui partais. Entre chaque nombreuses querelles nous jouions la bonne entente. Et cette folie me rendais violent ; nous rendait violent. Cessons donc !

J'enfilai mon pantalon, attrapai ma chemise, attachai mes bretelles. Où sont mes chaussettes..? Ah, là. Je me passai de l'eau sur le visage, et devant le petit miroir je pris tout de même le soin de nouer un ruban à mon cou. La porte sur ses gonds grinça avant de se refermer en claquant. Je m'immobilisai, et je pris un temps avant de tourner la tête.

Manifestement mon compagnon avait écumé les bistrots... Je surpris son regard arrêté sur ma valise.

« Que fais-tu ? » s'étonna-t-il.

- Ma valise.

- Pour aller où ?

- Paris. »

Je coupai court à la conversation en refermant bruyamment ma valoche. Il n'ajouta rien, préférant jouer avec- ?

« C'est un revolver que tu as là ? » plissai-je les yeux en froncement mes sourcils.

- Effectivement » répondit-il d'une voix limpide.

- Pour quoi faire ? »

Il releva des yeux alertement innocents sur moi. Sans me répondre il se décolla du mur, vint s'asseoir sur le lit. Il regarda la petite commode, puis le bureau, la chaise, le papier peint douteusement fleuri ; tout cela dans l'attente que je m'assois à mon tour pour me répondre. Je pris le temps de réfléchir en faisant de même, en passant sous mes yeux bleus notre chambre meublée, dépourvue de superflu, dotée de bois fatigué et dolentant. Je daignai finalement poser un cul sur ma valise, à côté de lui.

Il me le tendit ; j'hésitai à le saisir.

« C'est pour moi, pour toi, pour tout le monde. Il a un petit canon, six coups, pratique.

- ... Facilement dissimulable. » constatai-je. « Tu l'as eu où ? »

- Aux galeries Saint-Hubert. »

Il me sourit à mon silence et il passa ses doigts sur ses lèvres avant que l'on ne frappe à la porte. Il me prit l'arme des mains pour la cacher avec un air complice auquel je ne parvins à prendre part. Entrez.

L'adieu perlait rouge au creux de ma main - NouvelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant