3. Jordan

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Il se fait chier à mort,ne peut-il s'empêcher de penser en regardant d'un œil distrait le professeur de chimie qui fait son exposé.

Il soupire pour la énième fois depuis les trente-cinq minutes qu'il est assis dans cette salle de classe,et se retourne vers la fenêtre, trouvant les oiseaux,les arbres,la cour,et le concierge bien plus intéressant que ce.... il se rend compte qu'il a oublié le nom de ce professeur de "comment se faire chier dans la vie" s'il en est qu'il l'ait jamais su.

Il contemple ce qui lui semble être un pic-vert qui, la tête penchée au sol  cherche quelques vers à se mettre dans le bec. Celui-ci comme si il avait senti que Jordan l'observait,cri. Il pense à cet instant que l'Oiseau se moque de lui,mais il est connu que le cri de ces grimpeurs est semblable à un rire moqueur. Ne dit-on pas aussi qu'ils sont le symbole d'une bonne nouvelle?

Jordan se demande de quelle bonne nouvelle il pourrait s'agir dans son cas. Tout dans sa vie n'est que tristesse, désespoir, lassitude, résignation....

Il se demande comment serait-il si jamais son père ne les avait pas abandonnée lui et sa mère ?

Mère ? Il devient fou. Celle-ci ne l'est plus depuis belle lurette. Elle ne porte que le nom. Elle est plus un fardeau pour lui qu'autre chose. Que ce que devrait être une Mère.

Ne devrait-elle pas être, un guide, une oreille attentive, une main tendue, un regard apaisant,celle qui accompagne dans les choix,qui ne juge pas? Celle qui s'occupe de son enfant a part entière ? Qui occupe une place importante dans la vie de celui-ci ?
Qui aime son enfant plus qu'elle-même, qui fait tout ce qui est possible pour son bonheur sans se soucier de ce que cela implique pour elle?

Une maman n'est-elle pas celle qui,dit des petits mots doux ,fais des chatouilles,des câlins? Le synonyme de tendresse ?

Ne devrait-elle pas souhaiter que son enfant sera champion du monde car c'est ce qu'il veut? Avoir de grands rêves pour celui-ci ? Vouloir le meilleur pour lui? Vouloir en être fière ?

Sa mère à lui est tout le contraire. En ayant cette pensée les larmes menacent de couler encore une fois. Il s'était promis de ne plus en verser pour cette raison car,cette femme ne les mérite aucunement.

Nombre de fois, à l'école lors de la fête des mères, ou de l'anniversaire d'une maman de l'un de ses amis, il a haït et a maudit la sienne. Il préférerait mille fois qu'elle soit morte plutôt que cette loque qui ne lui sert à strictement rien, a part lui mener la vie dure bien sûr.

Le sortant de ses pensées,le professeur, qui a enfin remarqué qu'il n'est aucunement intéressé par le cours qui se fait l'interpelle

- Jordan si mon cours vous insupporte autant,vous pouvez vous en allez

Jordan réfléchit réellement à l'éventualité de partir. Il se demande pour la première fois ce qui le retient.
C'est clair pour lui comme de l'eau de roche qu'il n'aura pas son bac,ce n'était pas pour l'année dernière, ce n'est certainement pas pour cette année non plus. Il a déjà raté la majorité de ses examens,c'est donc sans espoir pour lui et il le sait. Qui plus est, il ne compte pas reprendre a nouveau son année.

Après cette réflexion il se dit au diable ces conneries. Il se lève et devant les yeux ébahis du professeur et des élèves se dirige vers la porte avec son sac, d'une démarche digne des plus grands mannequins. Il en est on ne peut plus fière et souris de toutes ses dents.

La distance jusqu'à la porte lui paraît soudainement trop longue,cette porte qui le sépare de la liberté. Qui le sépare du bonheur, le vrai. Du bonheur parce qu'il va enfin prendre sa vie en main,en faire ce qu'il veut,ce qui lui plaît. Dès cet instant tout ce qu'il fera ne sera que pour lui,il ne pensera pas aux autres,à ce qu'ils pourraient dire.

Seul son avis comptera.

Arrivé enfin à la porte de la liberté, il s'arrête une seconde ou deux lui paraît-il - le temps lui est si insignifiant qu'il ne saurait en être certain- la main sur la poignée et respire un bon coup,pour tenter d'apaiser le tambourinement effréné de son coeur.

Des sentiments différents les uns des autres le submergent. De la joie, de l'excitation mais aussi la peur et le doute. Les questions s'y mêlent aussi. Est-ce le bon choix ? Que va t-il faire une fois qu'il aura passer cette porte? N'a-t-il pas agis impulsivement ?

Durant une microseconde il envisage de faire demi-tour et de retourner s'asseoir bien sagement à sa place. Mais il tourne finalement la poignée et passe le seuil de cette porte pour la dernière fois,sans un regard en arrière. Il ne regrette pas son geste finalement et se dit que c'était normal d'avoir eu un doute à un moment.

Il n'a aucun ami à regretter non plus. Il est à présent certain que c'est le bon choix. Ce qu'il aurait dû faire il y a longtemps.

Il va bientôt avoir vingt ans et sera indépendant. Il n'aura de compte à rendre à personne. Il va se trouver du travail, qui bien sûr ne nécessite pas de CFES( certificat de fin d'études secondaires) ensuite il quittera la maison de sa "mère" -avec un grand plaisir - et vivra pleinement sa vie.

Il ne va pas rentrer tout de suite sinon cruella va lui poser des questions et lui faire perdre sa bonne humeur. Il ne va pas la mettre au courant qu'il a arrêté l'école. Il n'a pas à craindre que la direction l'appelle, ils ont cessé d'essayer de rencontrer un de ses parents depuis belle lurette. Donc il est calme.

Il va juste se poser dans un parc et chercher sur Google des métiers qui lui seront accessibles. Ensuite on verra.

Lorsqu'il passe la grande barrière du bâtiment aussi pour la dernière fois,il sautille comme l'enfant qu'il est au fond de lui, l'enfant qui ne quémandait qu'un peu d'amour au près d'une mère et qui n'a reçu que du rejet et du mépris.

Erreurs du passé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant