10. souvenirs

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Bill a refusé de payer ce soir. Et il a eu raison.

Elle était parvenue à oublier pour un moment ce qui la tourmentait plutôt dans la journée, à savoir son prénom qu'elle n'arrivait pas à se rappeler.

Mais il a fallu que Bill gémisse son nom,en plein travail.

Non, pas son nom,son pseudo.

Tout s'est alors embrouillé dans sa tête,elle à pété un câble. Elle lui a crié dessus et lorsque celui-ci a fait de même, elle l'a giflé. Il partit en criant que Gregorio serait mis au courant et qu'il n'allait pas donné un sou.

Syssy est encore planté devant la porte par laquelle il est sorti. Il semble qu'elle soit paralysée.

Un instant plus tard, elle ne saurait dire combien, cette même porte s'ouvre sur Gregorio en personne.

Celui-ci entre dans la pièce en la regardant droit dans les yeux, avec un calme qui fait peur a Syssy.

Ce n'est que le calme avant la tempête.

Elle pense aussi en le voyant que ça faisait un moment qu'il n'était pas venu dans sa chambre. Elle ne s'en rend compte que maintenant.

- ca fait un moment que t'étais pas venu ici

Elle a à peine finit sa phrase qu'elle se retrouve par terre sans savoir comment. Sa main se dirige inconsciemment vers sa joue brûlante.

Il m'a...giflé

C'est encore une première pour elle. Elle relève la tête pour le regarder,elle n'a pas encore la force de se relever. Ses membres tremblent, son coeur palpite, sa bouche est sèche, sa gorge en feu,ses yeux picotent. Jamais elle n'a été dans un état pareil.

Qu'est-ce qui se passe? Se demande t-elle, quand est ce que ça a commencé ?

- il s'est passé quoi dans ta tête ????

Elle sursaute quand il crit au dessus de lui,son premier réflexe est de baisser la tête et de fermer les yeux.

Elle comprend ce que les autres filles ressentent dans de telles situations, elle le vit et encore il n'a fait que de la giflé, il ne l'a pas battue.

Elle a encore un peu de privilège il faut croire.

- je te parle putain!!! Il s'est passer quoi dans ta foutue petite tête de merde ??!!!

Elle aurait voulue que ces cris ne soient pas après elle. Elle évite de faire quoique ce soit qui pourrait l'énerver plus qu'il ne l'est déjà. Elle évite donc de répondre, qu'est-ce qu'elle pourrait bien dire? Elle évite toujours de le regarder, elle évite de bouger,elle évite même de respirer.

Son corps est tendu plus que jamais, elle ne souhaite que son départ.

Après quelques secondes de silence, la respiration de Gregorio qui ressemblait fortement à celui d'un taureau, s'apaise. Elle l'entend marcher vers la porte, d'un pas lourd. Cependant celle-ci ne s'ouvre pas. Elle risque un coup d'oeil et le regrette instantanément lorsque ses yeux entrent en contact avec les siens. Mais il est trop tard pour les fermer à nouveau.

- tu lui dois une nuit complète dit-il d'une voix plus calme tout de même tranchante.

Il ouvre la porte,Syssy peut enfin relâcher sa respiration. Mais son corps se tend à nouveau dans la même seconde puisque Gregorio s'arrête à nouveau

- ne te crois pas irremplaçable Syssy, tu ne l'es pas lance t-il d'une voix impassible avant de s'en aller une fois pour toute.

La porte est à peine fermée qu'elle éclate en sanglots, elle retouche sa joue trempée de larmes et encore chauffante. Elle se relève tant bien que mal et se dirige vers son lit. Elle tremble. Elle est encore sous le choc.

Un choc autant physique qu'émotionnel. Elle n'arrive toujours pas à réaliser ce qui vient de se passer.

Pour la première fois depuis ses quatorze ans elle voit Gregorio sous un autre jour, elle voit un autre visage,une autre personnalité. Une face cachée.

Non elle n'a jamais été cachée,elle refusait seulement de la voir.

Bien sûr elle sait depuis toujours que quelques fois Gregorio tabasse une des filles. Elle ne voit donc pas pourquoi elle est autant choquée.

Elle soupire s'essuie les joues,et se couche. Elle ne ferme cependant pas les yeux. Elle essaie de se rappeler.

Se rappeler des choses qu'elle a cherché elle-même a oublié.

Elle entend sa mère l'appeler, mais elle n'arrive pas à entendre le prénom qu'elle prononce. Elle devait avoir douze ou treize ans.

Serait-ce Mimie qu'elle dit? Non c'est Neith qui l'appelle comme ça.

Serait-ce Jade? Non c'est le type chauve qui la nomme ainsi.

Comment se fait-il qu'elle entende sa voix résonner dans sa tête comme si elle était dans la même pièce qu'elle, comme si elle était debout près de la table de chevet ou assise à côté d'elle sur le lit où elle-même est étendue, mais elle n'arrive pas à percevoir exactement ce qu'elle dit?

Malheureusement ce n'est pas la seule chose qu'elle a oubliée. Son visage lui est tout aussi inconnue à présent. Le visage de sa mère. Elle sait qu'elle est blonde, était blonde,avait de longs cheveux soyeux qui lui arrivaient jusqu'au bas du dos, elle avait aussi une odeur de cannelle. Syssy se rappelle que chaque fois qu'elle la prenait dans ses bras elle humait  cette odeur.

C'est tout ce qu'il lui reste de souvenir, sa voix et son odeur. Elle n'a pas de photo, rien.

D'autres souvenirs indésirés viennent assombrir ses pensées. Elle se voit nettement à genoux devant cet homme, la tête entre ses jambes lui faisant gémir le nom de sa mère. Elle ressent aussi la pression dans ses cheveux que cet homme tiraient à volonté toujours en criant le nom de sa mère.

Au début elle n'avait pas compris, la petite fille de treize qu'elle était se demandait pourquoi quand elle fait des "gâteries" à oncle Devon, celui-ci n'arrête pas d'appeler sa mère morte?

Devon. Ce nom la répugne plus que tout. Son oncle mais aussi son père. L'homme qu'elle déteste le plus au monde.

Chaque soir elle pleurait lorsqu'il quittait sa chambre rassasié. Elle pleurait sa mère surtout. Pourquoi a-t-il fallu que ce cancer l'emporte ? Pourquoi a-t-il fallu qu'elle se retrouve avec cet homme qui ne cesse de la toucher de partout et de la forcer à faire des choses qu'elle ne veut pas faire.

Tout ceci dura une année. Chaque soir régulièrement elle lui faisait une pipe puis pleurait durant toute la nuit,ou la moitié avant de s'endormir. Mais le jour de ses quatorze ans, deux ans après la mort de sa mère, après un ans de souffrance elle fugua.

Après le rituel habituel, son père lui avait promis que bientôt elle aurait elle aussi du plaisir, que ce qui se trouvait aujourd'hui dans sa bouche se trouverait quelque part d'autre au profit de son bonheur.

Ce soir là par contre au lieu de pleurnicher dans son lit comme une fillette, elle s'enfuit par la fenêtre pour retrouver son seul ami. Le seul qui la comprenait.

Gregorio.




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