Parmi les habitants des tombes, il y a ceux qui n'ont pas eu le choix, ceux qui décident de faire le voyage d'eux-mêmes, etc... Chacun a son histoire.
Aujourd'hui, j'ai 13 ans. Je ne saurais décrire ces 13 années à vos côtés, entre les courts moments de joie et les longs moments de tristesse, de solitude, de douleur, de violence que j'ai subi. Quand je ferme les yeux, je revois chaque souvenir et je le revis comme si j'y étais. Incapable de bouger, d'agir, de me libérer de ces situations.
Je me souviens de cette lumière au-dessus de ma tête, mon corps nu dans l'eau, deux mains sur mon corps me toucher, me frotter légèrement avant un lourd poids écrasant mon visage, le manque cruel d'air et la lumière floue. Ton mensonge quand mes sens revinrent à la normale. La première parmi la longue liste de mésaventures.
Tu as observé mon évolution, te plaindre de mon retard. A 2 ans, je ne parlais toujours pas. Ni à 3 ans d'ailleurs. Et tu savais me récompenser ! Tes récompenses étaient les meilleures ! Tu continuais à me mettre en confiance, entre les insultes, les comparaisons et les étreintes d'amour, les petits mots doux susurrés à l'oreille.
L'école. Avec un an de retard, et de nombreuses consultations chez le psy à cause de mon silence, en tête-à-tête pour que le psy puisse mieux exercer et éviter les résultats biaisés par la présence du parent. Les nombreux médicaments. Différents à chaque fois car inefficaces. Matin. Midi. Et soir. Je dormais très bien le soir d'ailleurs.
Les coups. Les traces de tes mains, et d'objets en tout genre. Pour diverses raisons. C'était un cercle vicieux. Et j'étais la seule personne à subir dans cette situation. Car je ne devais pas me dévêtir, sous aucun prétexte, exception faite à la maison, devant toi.
Tes jeux. La pire partie. Je ne peux pas en parler.
L'école encore. Car ce n'était en rien un échappatoire. Les différentes moqueries, les personnes qui me touchent. Toujours en rigolant. Mais j'étais toujours en beauté comme tu le souhaitais, une apparence très soignée et soulignée par mes pairs, et je ramenais des notes parfaites. Ton sourire en public. Rentrer et, très vite, courir dans ma chambre une fois la porte de la maison ouverte. Essayer de la bloquer. Te voir entrer de force, ton visage reflétant tes sentiments. Pleurer. "Tu crois que ce sont des résultats suffisants ?" Crier. Hurler. De douleur. "Réponds moi quand je te pose une question !" M'excuser. Encore. ENCORE.
8 ans. Mon premier anniversaire avec mes amis de l'école. À la maison ! Vous étiez si heureux. Si joyeux. On a joué tous ensemble. Mangé un gâteau que vous aviez préparé la veille, pendant mon profond sommeil. Et les cadeaux ! Des jouets, plein de jouets, des livres ! Mon sourire reflète mon bonheur, et la sensation de bonheur générale. La plus belle journée de ma vie.
10 ans. Deux ans à slalomer entre le meilleur et le pire, mon troisième anniversaire, et puis le debut d'une nouvelle ère pour moi. Je grandis. Enfin tu ne l'entendais pas de cette oreille. A mon réveil, après une excellente nuit, un livret à ma table. Noir, fin, avec mon nom dessus. Ton écriture. Dois-je l'ouvrir ? Est-ce mon cadeau ? Première page. Deuxième page... Troisième... page... Pourquoi ? Pourquoi ces écrits existent ? Pourquoi j'existe ? Pourquoi suis-je en vie ? Cette journée est un cauchemar, comme ma vie.
Le début du collège. Grandir n'arrête pas les coups. Ni les réflexions. Je ne sais pas nager. Je ne connais pas les relations amoureuses que je lis. Je manque d'expérience de vie, mais mes parents sont heureux de me voir entrer au collège, et puis je ramène toujours des notes parfaites. Ah, j'ai un téléphone maintenant. Pour être comme les autres enfants de mon âge. Peut-être pour que je découvre le monde. Ou alors que je parte.
Je suis en couple. Et je suis bien. Apparement, avoir une apparence soignée aide. Et l'intelligence aussi. C'est si bon d'avoir une personne qui vous aime, et que vous aimez aussi. Parfois on fait nos devoirs ensemble, on s'amuse, on s'aide mutuellement ! Et puis on fait des sorties, enfin des sorties... Ce n'est pas aujourd'hui que je vais grandir. Vous sentez la fin arriver ?
Je dois dire au revoir à mon téléphone, sans raison. Enfin si. C'était beau de voir le monde extérieur. Et puis, reprendre des coups, sans raison. Ne pas manger aussi.
12 ans. Et cinquième anniversaire ! Mes parents me parlent de puberté, des différents problèmes que j'ai apportés et que je vais apporter. Cette année, nous ne sommes que trois. Nous avons failli être quatre, mais la personne avec qui j'ai été ne m'aimait pas vraiment. Elle était là pour ce que je pouvais lui apporter. Je suis assez triste, mais je l'accepte.
La situation à l'école ? Hors de contrôle. Je subis ma vie, comme depuis ma naissance.
Une personne s'est invitée à la liste d'amis. On se parle souvent, elle est toujours là, elle m'accompagne à l'école, m'aide pour mes examens, m'aide aussi à réviser, on arrive même à avoir des repas ensemble, en tête-à-tête. Je respire le bonheur, surtout quand on s'échange des mots doux, des blagues. On rigole beaucoup. Mais... pourquoi personne ne la voit ?
Ce n'est pas grave. Mais dernièrement, ses mots me parurent étranges, elle me dit de me libérer... Je crois que comprendre vaguement. Un jour, alors que je regardais mon corps devant le miroir, elle m'a dit que j'étais enfin libre. Que c'était comme ça que les gens devaient me voir. Et que j'étais moi...
J'ai entendu parler d'un lieu, par mon nouvel ami. C'est un lieu où tout le monde est heureux, chacun vit en communion avec l'autre, libre de tout jugement. Un monde parfait, sans hiérarchie ni défauts physiques, mentaux. Un monde où tout le monde est identique. Il ne m'a pas précisé comment y aller, c'était un peu vague. J'aimerais y aller. Je dois me préparer à y aller.
Aujourd'hui, j'ai 13 ans. Je ne saurais décrire ces 13 années à vos côtés, entre les courts moments de joie et les longs moments de tristesse, de solitude, de douleur, de violence que j'ai subi. Je me souviens de chaque mot prononcé, et notamment du discours de l'année dernière sur les problèmes me concernant. J'ai préparé mes derniers bagages, et pour mon anniversaire, je vous ai même fait un cadeau, j'espère que vous allez le lire ensemble. Quand je vais fermer les yeux, je ne penserais plus à rien, le passé et le futur n'auront plus d'importance. Mon ami m'attend, je me libère et je m'en vais. Je vous aime.
"Je te retire ce poids pour que tu puisses voler à nouveau. Je suis désolé pour tout ce que je t'ai fait subir et je pars à la recherche d'amour, et du monde idéal. Je sais que tu m'aimes et je t'aime aussi. Viens me voir quand tu as un peu de temps, et transmets moi ton amour. Je pars avec le sourire."
Elle m'a prise d'un coup, pour mon propre bonheur.
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Parler aux tombes rend heureux.
KurzgeschichtenPerdre un être qui était cher à nos yeux... Un événement tragique qui est arrivé ou qui arrivera à de nombreuses personnes. Que ce soit votre cas ou non, prenez votre courage à deux mains, et retrouvez cette être cher le temps d'un instant.