Je ne m'y attendais pas (○°~°○) Mike

14 3 38
                                    

JE SUIS SOUS… Elle me fixait avec ses yeux bleus apeurés, belle comme toujours, faisant bouger ses lèvres pour construire une phrase, elle me parlait. Puis elle disparut, son image s’éloignant dans une ondulation.
Je me réveillai dans un bond en transpirant et respirant bruyamment. Un serrement au cœur, voilà ce que je ressentais en ce moment. J’allumai ma veilleuse avec hâte et consultai ma montre, il était 3h07 du matin. Iris dormait, Ben bougeait légèrement dans son lit, peut-être est-il en train de faire un cauchemar lui aussi ? Pour moi, ça fait pas mal de temps que je refais le même. Cette fille apparait toujours dans mon esprit, je n’arrête pas de penser à elle. Et malgré le nombre de fois où j’ai vécu ce cauchemar, je n’ai jamais pu discerner son visage, je savais seulement qu’elle avait de beaux yeux bleus, et je n’avais jamais réussi à déchiffrer son message. Il faut une grande concentration pour cela, savoir contrôler son cauchemar, et pouvoir lire sur les lèvres. Avec cela, j’ai pu savoir les trois premiers mots : Je suis sous.
Je me lève de mon lit, et me dirige vers la fenêtre. J’écarte ses rideaux, ouvre ses battants, et sors ma tête en allongeant mon cou. Des étoiles ornaient le ciel nocturne, et la lune brillante illuminait ce dernier. Après avoir longtemps contemplé ce ciel étoilé, je m’apprêtais à refermer la fenêtre, quand devant moi se tint soudainement un spectacle tant redouté. Non, ce n’est pas possible, elle a encore frappé. Une panthère aux couleurs rouge, bleu, jaune, violet, et orange avec des nuances flottait dans le ciel. Au début, la première fois que je l’aie vue, j’avais cru à une aurore boréale, sauf qu’on n’est pas au Pôle Nord ici ! Je me rappelle avoir longtemps observé cette scène un jour quand j’avais six ans, c’était la fois où ma mère Karen était la victime de la Panthère Noire la nuit même. Je ne pouvais pas accepter de vivre avec tel souvenir, mais je m’y suis fait avec le temps.

Avec le moindre bruit possible pour ne pas réveiller Ben, je me hâtai vers la chambre voisine, celle de mon père et ma belle-mère, et j’ouvrai la porte sans toquer ni prévenir. Oops ! Je n’aurais pas dû. J’esquissai un bref mouvement de recul en entraînant la porte avec moi. Je lâchai :
   -Grouille-toi Sarah, et viens me rejoindre dans la chambre, c’est important !
Je revins dans cette dernière. J’attendis environ trois minutes avant que ma belle-mère ne fasse irruption avec une robe de chambre mise à la va-vite, et un visage colérique :
    -Hélène ! Combien de fois dois-je te répéter que…
Je l’interrompis et rétorquai en lui faisant un signe vers la fenêtre :
    -Vas voir !
Quand ma belle-mère observa la scène, l’expression de son visage se métamorphosa. Elle prit un air sérieux et attentif, puis après que l’image s’évapora, je me tournai vers elle et projetai de lui poser une question quand un toussotement m’interrompit dans mon élan :
     -Qu’est-ce qu’il y a ? Demanda mon demi-frère avec une petite voix en se grattant les yeux.
Sarah accourut vers lui et lui fit un petit câlin en caressant ses cheveux. Ben était son propre et premier fils, elle l’a eu à mes sept ans, Iris en avait neuf. Tout c’était passé très vite après la mort de ma mère. Mon père, Marcus, s’était remarié avec Sarah et un an après, a eu un enfant avec elle :
     -Ce n’est rien mon amour, rendors-toi, tu en as besoin pour tout à l’heure !
Ah oui, c’est vrai ! On était invités chez une copine, une certaine Morgane, pour le dîner.
    - Allez, bonne nuit mon cœur !
Elle prit son visage à deux mains, puis déposa un bisou sur son front. Ben se rallongea et Sarah le recouvrit de sa couette. Il se rendormit sur le champ. Ah, les enfants, quelle innocence ! Sarah se tourna vers moi, et me conseilla :
     -Tu devrais te rendormir toi aussi, il faut que tu récupères.
Sur ce, elle quitta la pièce en fermant derrière elle la porte. Sans plus attendre, je me couchai en éteignant ma veilleuse. Je pensai alors à la fille aux yeux bleus, à la Panthère Noire, puis je m’endormis sur la photo de ma mère à l’esprit.
Dès le matin, je décidai d’entamer ma dissertation. Ainsi, j’aurai un devoir en moins. Mais comme toujours, pas moyen avec Sarah. Elle choisit toujours le temps que je veux consacrer pour mes études pour me demander de l’aider à la cuisine. Je sens qu’elle n’est pas vraiment convaincue de l’utilité de notre scolarisation. Elle dit qu’elle a bien réussi sa vie, pourtant elle n’a jamais été scolarisée. Parfois, je me demande vraiment si pour elle, vivre dans un pauvre bidonville, c’est réussir sa vie ! Apparemment oui ! Une petite cuisine, deux chambres à coucher, et une chambre avec une porte blindée où on n’a pas le droit d’y entrer. Pas assez d’espace. Mais bon, j’allai préparer le petit déjeuner en abandonnant ma rédaction. On mangea ensemble, puis Iris quitta la table, et j’entendis la porte d’entrée s’ouvrir. Elle va encore sortir ! Je la rattrapai et lui demandai :
    -Tu pars où avec ton carquois et ton arc-à-flèches ?
    -J’vais sentir l’air pur de la forêt, Hélène.
    -Ok. Fais attention à toi. Lâchai-je. Et surtout reviens à l’heure !
    -D’accord j’y penserai. Allez, ciao !
    - À toute.
Je revins débarrasser la table et rejoignis ma chambre où Ben était en train d’essayer vainement de rajouter une tour Eiffel offerte par mon père lors de son dernier voyage à sa collection de porte-clés. Je l’aidai donc à l’introduire, il me remercia. Je l’aime bien ce petit, il est copocléphile. Ma sœur, elle, est chionosphérophile, une petite armoire dans notre chambre a été consacrée pour sa collection de boules de neige. Moi, et bien, je ne collectionne rien.
Quand l’heure commença à approcher, Iris rentra à la maison. Elle m’aida à choisir ma tenue, car je trouvais qu’elle avait un meilleur goût. Mon père travaille agent secret pour une coalition privée dont j’ignore encore le nom. Il a une fortune innombrable, et il vit dans un bidonville. Je sais, c’est contradictoire, mais à chaque fois que je lui fais la remarque, il détourne aussitôt le sujet en prétendant que c’est son problème, et que je devais me concentrer sur mes études pour l’instant. Tout ce qu’on désirait, on l’avait, mais la question de logement n’était pas discutable, et ça c’était bien clair. Apparemment, tout le monde était prêt. Sarah avait préparé Ben malgré ses dix ans. On dirait un petit homme d’affaires avec son nœud-papillon et son petit costume, il m’a fait rire. En plus de ça, il était un peu bouboule, ça faisait plus côté mignon. Le pauvre, il était beaucoup trop adulé par sa mère. Bref, mon père n’arrêtait pas de nous bombarder de klaxonnements avec sa voiture, une voiture luxueuse à vrai dire, et devant un bidonville, ça craint. Le pire, c’est qu’on vit dans un quartier huppé, tu remarques facilement chez tes voisins d’en face l’animosité sur leurs yeux, ils portent une grande haine sur leurs cœurs, comme si notre existence les dérangeait. Ils avaient même fini par tracer une démarcation. Franchement, il faut qu’ils apprennent à se relâcher un peu au lieu de haïr tout le monde.
Bientôt, nous approchâmes du logement de Morgane. Elle habitait une spacieuse maison entourée d’un jardin fleuri avec une piscine et une grange abandonnée, selon toute apparence. C’était la première fois que je venais chez elle, je ne l’avais encore jamais vue. On entra dans la demeure sous la voix ennuyeuse de notre hôte qui nous présentait les autres membres de la famille. Il y avait son mari, Hercules, si j’ai bien entendu, puis il y avait son fils, Mike. Je trouvai qu’il y avait une ressemblance frappante entre lui et Iris. Bref, après les salutations, je concentrai mon regard en haut, le plafond paraissait terriblement lointain. Un gros lustre multicolore le hantait, j’avais presque l’impression qu’il allait me tomber dessus vu sa longueur. De peur que ça n’arrive, je détournai vite mon regard et suivis les autres jusqu’à la salle à manger. Une fois rassasiés, je m’excusai, puis je me levai pour passer aux toilettes, plus par ennui pour ce qu’ils se racontaient entre eux, que par urgence urinaire. C’est alors là que je me rendis compte qu’en fait je ne connaissais pas le chemin. Pendant que j’étais en train d’errer parmi les couloirs, je sentis tout à coup une main se poser sur mon épaule, ce qui me fit sursauter de peur, ramener mes deux mains à ma poitrine, et lâcher un petit cri qui se perdit dans le vide. Je me tournai, et aperçut Mike avec sa casquette. Je poussai un soupir de soulagement :
    -Ah, c’est toi, tu m’as fait peur !
Il commença à se moquer de moi, puis me demanda :
    -Tu fais quoi ici, Rebecca. On pourra-…
    -Désolée, mais je m’appelle Hélène ! Lui corrigeai-je, puis répondis à sa question. Et je suis en train de chercher les toilettes.
Il eut l’air un peu sonné, puis se reprit :
    -Ah, oui. Alors on est perdue ?
    -Euh, oui.
    -C’est par là, viens. Répondit-il en m’indiquant de le suivre avec sa main.
Il commença à contourner des couloirs, et descendre quelques marches dos à moi, m’offrant ainsi une vue de derrière. Je pus remarquer que des mèches noires débordaient de sa casquette, et qu’un T-shirt rouge avait remplacé sa veste noire de toute à l’heure. On dirait un petit bonhomme vu sa taille. Je me laisse donc emporter par lui. On arriva devant une porte qui grinça sous le contact du jeune. Après l’avoir poussée, il entra en m’entraînant avec lui dans l’obscurité, je lui fais la remarque :
    -Il fait gavé noir par ici !
Il ne répondit rien, et je sentis qu’il se contenta de s’éloigner un peu de moi. Soudain, je me sentis affreusement seule. Bruyamment, la porte se referma dans un grincement, et peu après, j’entendis un bruit de chaîne. Je pris peur, et commençai à paniquer quand je reconnus le bruit d’un générateur, comme quand l’électricité n’a pas longtemps été utilisée, et qu’elle commençait à ne plus fonctionner vu la vieillesse d’un mécanisme rouillé. Puis la lumière s’alluma. Sous l’éclair soudain, je fermai les yeux histoire de m’habituer à la luminosité, puis je remarquai Mike à quelques centimètres devant moi. J’avais senti sa présence, alors sa vue ne m’étonnait pas. Je me dirigeai vers la porte d’entrée, et essaya de l’ouvrir, mais il y avait une grosse chaîne avec un cadenas neuf. Une voix grave s’éleva derrière moi :
    -Pas la peine d’essayer, elle est là la clef !
Je me tournai d’un seul coup, et vis le jeune garçon, pendant la clef avec son pouce et index. Il la mit dans la poche arrière de son jean. Je lui lançai un regard méfiant. Il commença dangereusement à s’approcher de moi avec un regard tueur. J’étais déjà morte de peur. Une fois arrivé à ma hauteur, un grand sourire malsain s’afficha en grand sur son visage. Comme si je ne m’y attendais pas, il enfonça son poing profondément dans mon ventre, ce qui me fit cambrer de douleur. Puis, comme si ça ne me suffisait pas, il profita de ma position inclinée pour cogner ma tête violemment contre son genou. Je sentis alors un liquide chaud dévaler le long de mon duvet avant d’effleurer mes lèvres. Je léchai ces dernières et constatai avec horreur que ça avait le goût du sang. Le salaud ! Il me prit, une main sur ma nuque, l’autre sur mon ventre, et avec une force invisible, il me porta sur ses épaules. Sérieusement, on me confondrait à une marchandise à ma vue. Je ne saurais pas vraiment dire avec quelle force il a réussi à me soulever avec une telle facilité puisqu’il est petit de taille à première vue. Tout ce que je sais, c’est que sous le coup du choc, je me sentais incapable de me débattre. Alors, prise de panique, j’ai essayé de ne pas penser à ce qui pourrait arriver, et de surtout garder mon sang froid, de respirer profondément avant d’entamer une technique d’attaque assez compliquée. Le problème, c’est qu’il me tenait fermement avec un seul bras. Par réflexe, en me sentant projetée, je fermai les yeux. Ma tête heurta violemment le sol, et je reçus au passage une droite en pleine figure, ce qui me fit lâcher un gémissement. Une fois au sol, je pose rapidement mes bras sur mon visage en essayant de me relever. Ma tête chancelait. Bordel, dans quoi me suis-je mise ? Il s’approcha de moi. Je me lève rapidement pour courir loin de lui même si je savais pertinemment qu’il n’y avait aucune issue possible, mais mon espoir n’était pas totalement éteint, il doit forcément y avoir une sortie. Je m’affale de tout mon long après un croche-pied. J’essaie à nouveau de me relever, mais il me plante un violent coup de pied au niveau de ma côte. Je me plis en deux, hurlant de douleur. Il s’accroupit à côté de moi. Malgré tout, j’essaie de me montrer forte et de soutenir son regard :
    -T’es une femme morte.
Je ne répondis rien sur le coup. Mon instinct de survie travaillait vivement, il cherche un moyen pour récupérer la clef. Il faut que je sorte de là, à tout prix. J’essaye tant bien que mal de me relever :
    - Tiens.

Il m’enfonça suite à ça son poing sur ma côte, me faisant ainsi lâcher un hurlement. Je me jetai sur lui en introduisant ma main dans la poche arrière de son pantalon, mon corps contre le sien. Ma main rencontra un métal, il me fallait cette clef, mais il me repoussa aussi facilement en me calant la poitrine. C’est très douloureux. Sale con. Mais cette insulte ne voulait pas sortir de ma bouche tellement j’avais envie de vomir. Je maudissais intérieurement mes parents de ne pas m’avoir inscrite dans une salle de sport alors que je leur ai déjà fait la demande. Ou bien, pratiquer n’importe quel art martial, mais ils refusent toujours sous prétexte que je sois une fille, et que je n’en ai pas besoin. La musculation, ce n’est pas pour les filles ! Pff… alors que là, j’en ai vraiment besoin de ces muscles. J’avale bruyamment le sang qui remontait le long de mon œsophage avant de recevoir son genou en plein ventre. Des larmes commencèrent à troubler ma vue en dévalant à une vitesse incroyable mes joues. Je manque de tomber, mais finis par me ressaisir. Je sais que je suis lamentable vu mon état, alors je n’essaye même pas de masquer ma douleur accrue et me laisse effondrer sur le sol puisque je ne pouvais plus tenir debout. Il entama des séries de coup de pied. Quelque chose en moi monta jusqu’à ma gorge, jusqu’au bout de l’œsophage, puis se dégagea de ma bouche : j’étais en train de vomir du sang. Il se mit à califourchon sur moi, et commença à défigurer mon visage. Je sais que c’est foutu, alors je ne pense même pas à me défendre, et me laisse défoncer par un pauvre et sale type. Mes cris résonnaient dans toute la salle, j’hurlais à m’en esquinter la gorge. Mon regard tomba sur deux verres dans un coin de la pièce, un avec un liquide orange, l’autre avec une poudre blanche. Après, je ne ressentais plus aucune douleur, et je n’entendais plus grand-chose. Ma vision devint détériorée, et les sons de plus en plus éloignés. Je n’en pouvais plus de tout ça, je me sentais partir.
      Puis, plus rien.
                       Un trou noir…

      À SUIVRE...

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jul 23, 2020 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Instinct d'une sœur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant