Portent-elles chance, elles-aussi ?

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Cela avait terrifié tout le monde. Shoto, du haut de ses cinq ans, n'avait pas compris.

Il s'agissait pourtant d'une bonne journée. Le soleil brillait haut dans le ciel, colorait les fleurs de cerisiers de milles nouvelles teintes de roses, et réchauffait leurs âmes meurtries. C'était une chaleur presque étrangère à Shoto, qui passait la plupart de son temps à l'intérieur de la grande maison, entre la salle d'entraînement et sa chambre. C'était une chaleur réconfortante, douce et délicate, qui lui rappelait les bras de sa mère et la voix de sa grand-mère. C'était une chaleur différente, si différente que ce à quoi il avait fini par s'habituer, différente des paroles hargneuses, des flammes avides et des mots tranchants. Shoto... Shoto s'amusait. Son père n'était pas là.

Si Endeavor devait toujours s'absenter pour la plus grande partie de la journée, partant tôt le matin et revenant tard le soir, la peur qu'il inspirait suffisait à leur faire tous suivre les règles. Shoto d'un côté, Toya, Fuyumi et Natsuo de l'autre. C'était ainsi, et Endeavor veillait à ce que cela le reste. Mais aujourd'hui... Aujourd'hui était différent. Tout était différent.

Endeavor était un héros. Un grand héros, le numéro deux. Il était connu, il était puissant, et on comptait sur lui. Cela impliquait également qu'il pouvait être appelé à n'importe quel moment pour intervenir à n'importe quel endroit dans le pays. C'était ce qui s'était produit la semaine précédente. Shoto n'avait pas tout compris, et on n'avait pas non plus tenté de lui expliquer la situation en détail. Tout ce qu'il savait, c'était que son père n'était pas là, depuis quatre jours et encore pour trois supplémentaires. Une semaine, une semaine toute entière, sans Endeavor, son pas lourd et effrayant, sa silhouette qui n'annonçait jamais rien de bon, sa voix grave qui glaçait toujours le sang dans ses veines, ses paroles dures et ses flammes terrifiantes. Toute une semaine où il était libre.

Et malgré les récents évènements, malgré l'épais bandage qui entourait sa tête et cachait son œil, malgré son léger rhume et sa toux, il s'amusait.

Il avait pu ce matin se réveiller seul, grâce aux doux rayons du soleil au travers de sa fenêtre et non à cause des pas lourds d'Endeavor dans le couloir. Il avait pu rester dans son lit et se rendormir aussi sec, serrant contre lui un petit tricératops rose qui restait la plupart du temps caché soigneusement dans le fin fond de sa grande armoire. Il avait pu se réveiller de nouveau plus d'une heure plus tard, aux calmes et douces paroles de sa grand-mère, à sa main dans ses cheveux et un sourire pour l'accueillir. Il avait pu se blottir dans ses bras et manquer de se rendormir de nouveau, sans que personne ne le lui reproche. Il avait pu manger un grand bol des céréales qui lui étaient d'ordinaire interdites, tout en continuant de serrer Ume le petit tricératops rose contre sa poitrine.

Et à présent, il pouvait oublier. Son père, son œil, la douleur persistante de la toux dans sa poitrine, l'absence de sa mère, son alter, les héros et même All Might. Il pouvait tout oublier et frapper dans le ballon, courir après Fuyumi pour essayer de le lui prendre, taper maladroitement dans la main que lui tendait Toya lorsque le ballon dépassait les cages adverses, deux chaussures disposées à environ deux mètres de distance l'une de l'autre. Il pouvait rire sans risquer à ce qu'on l'entende, taper dans une balle sans risquer à ce qu'elle soit détruite comme punition, et ne pas utiliser son alter sans s'exposer à une sévère remontrance. Il savait que le champ était libre, que lui aussi, et que Ume son petit tricératops rose l'attendait sur les marches du jardin.

-Shoto, envoie !

Shoto ralentit sa course pour repérer Toya et, maladroitement, tapa dans le ballon pour le lui envoyer. La balle ne partit pas dans la direction qu'il avait choisie, mais Toya la rattrapa quand même, frappant avec plus de force et de précision, vers les cages improvisées et Fuyumi et Natsuo.

Portent-elles chance, elles-aussi ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant