Le Syndrome de Vénus: Étoiles Naissantes

Ce jour où j'ai failli tout lui dire

    Benjamin :

    Il fait nuit. Nous sommes en plein hiver, et j'ai froid dans ma voiture. Tellement froid. Je viens de percuter un arbre. Si fort que la voiture ne veut plus démarrer. J'attends un dépanneur depuis plus d'une heure maintenant. Le chemin pour venir jusque là où je me trouve est chaotique à souhait. Surtout en hiver. J'avais eu la mauvaise idée de me rendre à une fête en pleine montagne. Là où habite Zéphir, un de mes amis.

    Dans le noir, mes étoiles viennent éclairer l'habitacle. C'est l'un des avantages du syndrome de Vénus. Je peux briller en société en toutes circonstances. Ça ne m'empêche pas d'avoir froid cependant. Tout comme ma passagère, transie de froid sur le siège à côté du mien.

    Nous avions fait la fête. Peut-être plus que de raison. Et, vers quatre heures du matin, je m'étais mis en tête de rentrer chez moi. Trop mal au crâne pour continuer à faire le zouave. Ce que je n'avais pas prévu, c'était qu'elle vienne avec moi. Mathys. Cette femme, je suis amoureux d'elle. Depuis cet été. C'est pour elle que je suis devenu un vénérien. Elle le sait. Nous partageons ce lien si particulier tout les deux.

    Si nous nous concentrons suffisamment, nous pouvons nous retrouver au carrefour de nos âmes. J'ai eu l'idée de ce nom peu après notre première rencontre. C'est le point d'intersection de nos deux esprits. À cet endroit très précis, nous pouvons nous voir. Nous entendre. Nous parler. Nous toucher si nous voulons. Ici, je n'ai pas cette épaisse brume étoilée qui me recouvre tout le côté gauche du corps. Ici, je suis normal. Même si pas vraiment.

    Ce lien que nous avons tous les deux ne nous laisse pas beaucoup d'intimité. Ce qu'elle voit, à travers ses yeux, je le vois également. Tout comme ce qu'elle entend. Et ce qu'elle ressent. C'est la même chose pour elle. C'est pour ça que je sais qu'elle souffre du froid. Bien plus que ce qu'elle veut bien me faire croire.

    C'est le moment idéal pour me rapprocher d'elle. Et, n'importe quel mec normalement constitué aurait profité de cette occasion pour faire le premier pas. Seulement, Mathys est déjà amoureuse. D'un homme que je ne pourrai jamais remplacer. Jamais égaler même. Je le sais. Depuis un petit moment maintenant. Et, ce que nous savons tous les deux Mathys et moi, c'est qu'à cause de ça, je vais mourir. Parce-que le syndrome de Vénus ne laisse pas de place au temps. Les étoiles qui recouvrent mon corps sont un compte à rebours. Chaque jour ou presque, j'en perds une. Elle disparaît dans le néant de mon désespoir. Et, lorsque la dernière aura disparu, je mourrai. Ça aussi elle le sait. Mieux que quiconque étant donné que nous sommes reliés l'un à l'autre...

    Nous savons tous les deux qu'il n'y aura jamais rien entre nous malgré cette épée de Damoclès. Pourtant, pour une raison que j'ignore, elle vient se lover contre moi. La tête sur mon épaule, son souffle chaud vient me réchauffer le cou...

    — Ça fait du bien ?

    — Oh que oui lui soufflais-je alors.

    Immédiatement, je l'imite. Ça fait naître un grand sourire sur son visage. Son regard se plonge alors dans le mien. Et je me noie dans le sien, comme j'ai pris l'habitude de le dire. Il y a une perfection étrange dans ce regard si bleu. C'est le bleu de ses yeux qui m'a fait tomber amoureux d'elle. Et qui m'a fait devenir un vénérien. Je l'aime. Tellement que l'envie de pauser mes lèvres sur les siennes me donnent envie de mourir. Je ne peux pas faire ça. Je le sais. Tout comme elle. Pourtant, malgré toutes les pensées qui envahissent mon esprit, elle continue de soutenir mon regard. Pour une raison qui m'échappe totalement.

    Quelques secondes plus tard, elle s'extirpe difficilement de son siège pour aller s'asseoir à l'arrière de la voiture. Du regard, elle m'invite à venir la rejoindre. Ce que je fais. Non sans mal également. Et je me retrouve dans ses bras. Comme si souvent depuis un petit moment maintenant...