Sans-Nom

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Je ne vais même pas vous dire qui je suis. Vous me connaissez, aussi sûrement que un et un font deux. Peut-être vous ai-je pris un être cher. D'ailleurs, sur ce point, soyons précis. Je ne suis pas une meurtrière. Vous, les humains, vous vous entre-tuez. Moi, je vous libère. J'abrège vos souffrances. Bon, qu'on se le dise, je suis débordée. Je ne vais chercher en personne que les meilleurs d'entre vous, les innocents.
C'est d'ailleurs sur le lieu de rencontre d'un innocent que je me rend. Et que je suis arrivée. C'est une fillette. Huit ans, je dirais. Étendue sur les pavés de la rue déserte de vie, le corps parsemé de blessures. Une bombe ? Non... Non, elle est intacte. Elle s'est pris une balle en plein cœur. oui, c'est ça. Je m'approche un peu plus et son corps se duplique.
Son fantôme sort de son enveloppe charnelle et regarde autour de lui. Sa peau mate est devenue gris clair, ses cheveux noirs sont devenus gris foncés. Ses blessure ont disparu. La fillette relève les yeux et me regarde.

- Pourquoi ?

- Parce que tu étais au mauvais endroit au mauvais moment.

Au bout d'une minute de silence, elle hoche la tête.

- Comment t'appelle-tu ?

Elle fait une petite moue. Ses pommettes se dessinent encore plus sous ses yeux et ses lèvres fines esquissent une grimace.

- Je n'ai pas de prénom.

- Tu n'as pas de prénom ?

- Je n'en suis pas digne.

- Si je suis là, c'est que si.

- Si vous êtes là, c'est que même la vie m'est refusée.

Je hoche la tête à mon tour.

- Tu n'as pas de famille non plus ?

- Mon frère et mon père sont morts au combat. Ma mère est morte en couche.

Après une nouvelle minute de silence, je reprend la parole.

- Je doit t'amener.

- Je sais.

Son ton est neutre mais je vois qu'elle a peur. Qui n'aurait pas peur ? Je m'agenouille devant elle et lui prend la main.

- Ne t'inquiète pas. Je ne mord pas.

Elle lève ses yeux inquiets sur moi.

- Où je vais aller ?

- Personne ne le sais. Et moi, je n'ai pas le droit de te le dire.

- Ha bon.

Nous restons ainsi encore un peu, ses mains dans les miennes, mes yeux dans les siens.

- Allons-y, décide-t-elle.

Je me relève et la prend encore une fois par la main. Nous partons pour un dernier chemin, pour une dernière marche.
Voilà ce que vos guerres attirent. La Mort. Ou je ne sait quel autre nom on me donne.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 25, 2021 ⏰

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