Le cœurdonnier (OS)

Le cœurdonnier

   Le monde avancait, fade et terne. Chacun vaquait à ses occupations dans les rues de la ville aux couleurs marrons. Au milieu de cette agitation ambiante, on entendait une délicate voix crier à tous vas:

   - Qui veut acheter un cœur ? J'ai de magnifiques pièces ici.

   Cette voix d'enfant provenait d'un petite fille dont le capuchon rouge contrastait avec le marron alentour. Son petit visage de poupée était éclairé par deux rubis éclatants et ses longs cheveux argentés dépassaient de son habit. Elle tenait d'une main un panier rempli de cœurs rouges et brillant tels des coquelicots et tendait de l'autre la plus belle pièce qu'elle avait, chaude, palpitante et débordant d'amour.

   Un homme en costume s'avança vers l'enfant et se pencha sur elle. Celle-ci se retourna et fut un instant subjugué par la beauté de son client. Ces cheveux étaient d'un blanc pur d'un côté, mais le rouge de l'autre concurrencait avec le panier de cœurs qu'elle tenait. Les yeux qu'elle croisa n'étaient pas en reste. Le gris argent de l'un s'accordait parfaitement à son visage, et le bleu océan du deuxième créait un contraste puissant avec la cicatrice qui recouvrait la moitié de son visage, ce qui le rendait d'autant plus beau. L'homme l'interrompit dans sa comptenplation d'une voix douce.

   - Excusez-moi, mademoiselle. Est-ce que vous pouvez réparer un cœur brisé.

   - Oh non. Je ne fais que les vendre, monsieur.

   - Je vois...

   L'homme se releva, le visage peiné, et porta une main sur le côte de gauche de sa poitrine. Était-ce sans espoir?

   Cependant, la petite fille pointa une direction du doigt, et lui dit:

   - Mais si vous continuez par là, vous trouverez le cœurdonnier. Lui pourra vous aider.

   - Cœurdonnier ?

   Il n'avait jamais entendu parler de cette profession. Peut-être ne sortait-il pas assez de chez lui, simplement.

   Il remercia l'enfant, puis suivi le chemin indiqué par celle-ci. Zigzaguant entre les gens, il finit par arriver devant un atelier orne d'un écriteau qui annonçait sobrement "cœurdonnier". Il poussa la porte de bois sculpté, et fit sonner une petite clochette en entrant. Il se mit à regarder autour de lui.

   L'atelier était plutôt fourni. On pouvait apercevoir des instruments de toutes sortes, plus ou moins rangés, ainsi que plusieurs ouvrages rangés dans une bibliothèque. Sur l'établi principal, au centre de la pièce, un petit cœur rougeoyant tronait au milieu de fil de couture et autres ustensiles, maintenue par un pied d'Estale. Et penché sur celui-ci se trouvait sans doute le cœurdonnier.

   C'était encore une jeune garçon, peut-être âgés de quelques années de moins que lui, pensa le bicolore. Ses cheveux verts en bataille partaient dans tous les sens tandis que des taches de rousseurs ornaient ses joues blanches tel des constellations. Il portait une tenue simple composée d'un pantalon marron et d'une chemise blanche. Des gants de cuirs recouvraient ses mains manipulant l'organe en face de lui, et ses yeux étaient cachés par d'étranges lunnettes aux verres rouges qui semblaient opaques.

   Le bicolore s'arrêta un instant, le regarda, puis se raclage la gorge.

   - Um, excusez-moi...

   Le petit vert se retourna vers le nouveau venue, et releva ses lunettes, révélant de grands yeux accordés à ses cheveux émeraudes.

   - Ah, un client !

   Il sourit de toutes ses dents, révélant un visage avenant dont lui seul avait le secret.

   - Bienvenu ! Que puis-je faire pour vous ?