Le gang des Légumes

Partie 2

La poursuite s'engagea pied au plancher. En quelques secondes, l'essaim de motard traversea le grand boulevard pour s'enfoncer dans les rues étroites de la vieille ville. Malgré la traîtrise des pavés, les virages à prendre à l'équerre et les obstacles que représentait le mobilier urbains, personne ne ralentit. Tous préférait se "viander méchamment" que d'être mis dans le vent dans la course, l'orgueil des motards était en jeu.

Carotte fut presque fatiguée en entendant malgré le vent sifflant dans ses oreilles, l'arrivée du reste du gang des Féculents, arrivant derrière eux, comme vomis par les ruelles de la ville. L'embuscade était si évidente. Bientôt les motards en veste de Jean, au bandana rouges ou noir floqué de tête de morts et aux cheveux long attachés en queue de cheval, furent en large supériorité numérique.

Roq', fidèle à elle même, ne put s'empêcher de fanfaronner,

— Hé, les vieux, vous avez une sortie de maison de repos, vous faite un tours de solex ?

Tout en veillant à ne pas écraser de piétons, de ne pas se laisser surprendre par un Féculent ou ne pas buter leurs roues sur un trottoir, Poireau et Carotte se concertèrent du regard. Nav' et P.D.T avaient plusieurs centaines de mètres d'avances et continuaient d'accélérer. Les lieutenants avaient la garde du troupeau pendant que le berger se livrait à sa guérilla personnelle.

Devaient-ils ralentir la masse qui s'agglutinait autour d'eux pour couvrir les arrières de Nav' ou accélérer le mouvement pour rapprocher le peloton de la guerre des chefs ?

C'est Betrayaé qui prit finalement la décision en s'échappant du groupe dans une accélération fulgurante. Il fallait que les autres suivent. Elle fut aidée par les Brassicas qui fonceairent après avoir gratifié Blé, le second actuel de Pomme de Terre d'un coup de coude en passant. Poireau et Carotte en firent de même, sachant qu'ils ne pouvaient prendre le risque de laisser leur vieux frère seul dans ce panier à crabes.

Un peu au devant, Nav' et P.D.T ne se préoccupaient que de leur conduite. Les pneus crissaient, les moteurs étaient repoussés dans leurs retranchements, les amortisseurs et bras des motards mit à rudes épreuves, mais aucun ne parvenait à prendre l'avantage. Le chef des Féculents, avait toujours une petite avance sur Nav' mais ne pouvait creuser l'écart. Le chef des Légumes, malgré les risques toujours plus grands qu'il prenait pour ne pas perdre la moindre micro-seconde, n'arrivait à gagner le moindre pouce de terrain.

P.D.T grilla un feu rouge, fit un écart pour éviter un taxi qui arrivait sur lui et s'enfonça dans une venelle. Nav' anticipa la circulation et décida de couper sur le trottoir, esquivant une poussette et traversant un groupe de touriste. Au passage des deux ennemis, tous les piétons sur place se dispersèrent telle une volée de moineaux.

Au loin on entendit les gyrophares retentirent.

Mené par Betrayaé, qui avait pris la tête des opérations, les gangs, formant une mêlée indistinctes de blouson de cuir et de jean filant à vive allure, s'engagea à son tour dans les tréfonds de la ville. Tous devaient prendre gare au moindre écart, au moindre obstacle. Tenter d'attaquer, de renverser un de ses poursuivants était une opération périlleuse. Le moindre faux mouvement risquait de provoquer une chute désastreuse lancé à cette vitesse. Même les plus déjantés des motards n'attaquaient qu'avec une parcimonie prudente. Tous semblaient trouver plus sage de distribuer les mandales quand le champ de bataille serait plus favorable.

Malgré tout, les Féculents les moins aguerris durent abandonner la poursuite, tombèrent, ou sortirent de la route pour s'écraser contre les devantures des échoppes environnantes.

Nav' était concentré sur la moto à quelques mètres devant lui. Chacun de ses gestes, des coups de guidon le plus violent à la plus subtile pression de ses cuisses n'étaient destinés qu'à un seule chose, trouver la trajectoire parfaite, celle qui lui permettra de réduire l'écart et de désarçonner P.D.T. Il savait que tout le reste des Féculents était à ses trousses, mais il faisait confiance à son équipe de choc pour gérer le problème. Ses lascars n'auraient aucun mal à se débarrasser d'eux.