Nouvelle maison

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Cela faisait des mois qu'avec mon mari nous attendions cette visite. La maison nous avait tapé dans l'oeil et, finalement, après toutes les pirouettes administratives du monde, nous étions dedans.

La personne qui nous guidait n'était pas très sympathique. Une vieille maîtresse d'école habillée en noir, en plein mois d'août.

La bâtisse n'était pas grande, comme elle ne manquait pas de le souligner, pour un jeune couple qui voulait s'installer avec des enfants.
Nous comptions rénover bien sûr...
Je l'aimais beaucoup cette petite maison. Un peu à l'écart des autres, entourée de haies, avec un immense jardin et surtout, ce qui m'avait décidé à l'acheter, un mignon potager. Bon, pour l'instant tout était à l'abandon, mais avec un peu de temps et de patience, nous pourrions en faire un vrai petit coin de paradis.

Mon tendre époux, lui, en était un peu moins amoureux. En voyant l'état de la cuisine, de la salle de bain et des chambres, il n'avait cessé de se plaindre du coût des réparations qu'il allait devoir entreprendre.
Heureusement, avec un sourire, un léger hochement de tête et des battements de cils, j'avais réussi à le convaincre plus ou moins.

En repassant dans la cuisine, je remarquai une porte à laquelle je n'avais pas fait attention la première fois. Pour tout vous dire, elle était dissimulée par un petit buffet et les bibelots qui étaient dessus.
Ces choses encombraient toute la maison. À ce qu'on m'avait dit, les anciens propriétaires étaient friands d'objets décoratifs inutiles. Ils en mettaient partout !

Encore une tâche de plus à rajouter dans ma liste de travaux : enlever les bibelots. Et le plus vite possible.

Pour en revenir à la porte, je la dégageai. Ce n'était qu'un vulgaire bout de bois mais quelque chose au fond de moi m'empêchait de l'ouvrir.
Je préférai attendre comme une lâche mon mari. Quand il arriva, il me regarda avec de grans yeux.

- Chéri ? Est-ce que ça va ? Tu n'as pas l'air bien ?
- Regarde, lui ai-je répondu en désignant la porte.
- C'est impossible... Elle ne nous a jamais mentionné son existence.
- Je vais aller lui demander...
Pourtant, j'avais beau arpenter la maison de gauche à droite, de bas en haut, personne. Elle s'était comme volatilisée.
Je suis retourné à mon point de départ, la cuisine, pour découvrir ce qui se cachait derrière la porte, la curiosité l'emportant sur la peur.

Sept ou huit ans. C'est l'âge que je donnerais au pauvre enfant recroquevillé dans un minuscule coin de la pièce.
Il était pâle, amaigri par la faim, crasseux et dans une chemise qui avait du être blanche dans le passé, beaucoup trop grande pour son petit corps frêle.

Il était terrorisé et je pouvais l'étendre sangloter.

Une personne irresponsable, sans coeur, l'aurait laissé dans cet état. Cependant, moi, non, grande sentimentale, je le pris dans mes bras pour le rassurer. Au début, il se débattait. Toutefois, cela ne dura pas longtemps.
Mon époux me tendit sa veste et je la lui mis sur les épaules. Après de longues minutes à le convaincre, le garçonnet accepta de sortir de ce cagibi.

Pendant que nous attendions la police, je commençai à lui remonter le moral tout en essayant de ne pas m'imaginer ce qu'on avait pu lui faire subir.

Au moment de le confier aux forces de l'ordre, mon coeur se brisa. J'avais l'impression qu'on me l'arrachait des bras, comme si nous étions déjà une famille.


24.03.19

Recueil de nouvelles/histoiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant