L'héritage Flamel : Séléné Rosewood - Partie 3/3

| L'erreur |

Séléné rêvait. 

Son corps s'agitait par soubresauts et sa bouche entrouverte laissait filtrer quelques mots difficilement intelligibles. Séléné avait toujours eu un sommeil agité, elle le savait de par les dires de ses amis, mais elle ne se souvenait jusqu'à présent jamais de ce dont elle rêvait. Elle se contentait de se réveiller parfois de manière brutale, parfois hébétée, parfois encore vibrante mais sans jamais savoir pourquoi. Elle se disait reconnaissante envers son esprit de lui accorder des moments de paix et de ne pas lui infliger, en plus de ses pensées encombrantes, le récit de ses aventures nocturnes. 

Seulement, la paix n'était plus d'actualité. Cette nuit comme depuis quelques semaines, son esprit courroucé lui menait une guerre au corps à corps. Guerre qu'il était en passe de gagner.

Elle poussa un grand cri dans son sommeil, le dos de ses mains brilla d'une légère lumière bleue et elle se réveilla derechef en sursautant. Elle jeta par habitude un regard circulaire autour d'elle pour savoir si elle avait de nouveau détruit quelque chose. Constatant qu'elle avait épargné la grange des Tonks elle se releva en maugréant.

Séléné avait fait une erreur au début de l'été, erreur qu'elle payait tous les jours depuis et notamment en ne réussissant presque plus à fermer l'œil. Ses nuits agitées lui avaient valu un exil forcé dans la grange au fond du jardin de la maison des parents de Tonks. 

Cette nouveauté incombait à ses mains, qui s'activaient telle une alarme lorsqu'elles sentaient Séléné en danger. Elles lançaient des sorts à qui mieux mieux en ne tenant pas compte de leur environnement. Elle avait comme ceci déjà mis le feu au matelas sur lequel elle dormait avec Sirius dans le grenier de la maison, fait éclater les fenêtres lors d'une sieste dans le salon, manquant de peu de crever les yeux de Tonks, et, plus récemment, elle avait risqué de s'ébouillanter en s'endormant dans la baignoire dont elle avait inconsciemment réchauffé l'eau.

Ces mécanismes de défense venaient de ses rêves qui étaient plus que jamais vivides et saisissants. Elle avait l'impression de basculer chaque nuit dans une autre dimension, elle aussi bien réelle, pour devoir y affronter des monstres, des souvenirs, des ennemis, des amis disparus, plongée dans une terreur qu'elle n'avait jamais ressenti jusqu'à présent. Rêvant qu'elle invoquait des sorts pour se défendre des pièges que lui tendaient son inconscient elle réalisa bien vite – et aux dépends de tout le monde – qu'elle les invoquaient tout court.

La sorcière soupira en parcourant le jardin des parents de Tonks, rituel qui n'étonnaient plus les Sombrals qu'ils élevaient et qui partageaient la grange et le jardin avec elle. Elle vit du coin de l'œil que la lumière dans le grenier était allumée ; Sirius ne dormait pas non plus. Séléné hésita un moment à le rejoindre puis se résigna à rester seule pour ruminer sans craindre d'être exécrable.

Dans les premiers temps le manque de sommeil ne lui pesait pas trop et elle s'était amusée de pouvoir partager ses insomnies avec celles de Sirius mais la réalité l'avait rattrapé au bout d'un mois sans pouvoir dormir correctement. Son humeur s'était alors considérablement dégradée car voir ses capacités motrices et intellectuelles diminuer lui était insupportable. Elle qui était habituée à être toujours très vive perdait patience devant sa soudaine débilité. 

L'atmosphère de cocon de la maison des Tonks n'arrangeait rien à sa mauvaise humeur et Séléné se prit plusieurs fois à détester foncièrement tout le monde, reprochant aux uns leur douceur excessive, qu'elle jugeait envahissante, aux autres leur indifférence. Elle se savait poussée à bout par l'épuisement aussi avait-elle organisé sa propre ostracisation afin de limiter les dégâts qu'elle pourrait causer et vivait désormais presque exclusivement dans la grange.