Sa vision à elle.

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Dans notre parc habituel.
Je l'attendais sur un fond de La Femme.
Il est arrivé à vélo.
Son parfum m'a bouleversé.
Je l'ai regardé descendre de l'engin.
Et je ne l'ai jamais trouvé aussi beau qu'à cet instant.
J'ai souri, d'un sourire triste.
On a échangé un baiser chaste.
Et on a parlé de choses et d'autres.
Afin de retarder le moment fatidique.

Le moment fatidique.

Allongée, je regardais le ciel.
Il avait mis du reggae.
Comme d'habitude.
Et le silence de nos voix était pesant.
Il m'a dit que j'étais jolie.
Je l'espérais.
J'avais mis ma chemise exprès.
Et il m'a dit :

"Alors, de quoi voulais-tu parler ?"

J'ai tourné ma tête dans sa direction.
Mon regard était désolé.
J'ai allumé une clope.
Cette fois-ci, le silence nous rapprochait, étrangement.
J'ai pris une taffe.
Et annoncé, calmement :

"Je te quitte."

J'ai recraché la fumée.
Mes mains tremblaient.
Son regard était vide.
Ça fait cliché,
Mais il a plu.
Et c'était agréable.
Car mon corps brûlait.
Et la douleur était trop présente.
Il a brisé le silence, à nouveau :

"Pourquoi ?"

Et je l'ai détesté.
Ou c'était peut-être moi que j'ai détesté à cet instant là.
Car les mots ne me venaient pas.
Et ce n'est pas faute d'avoir récité mes arguments avant ça.
Alors j'ai pleuré.
J'ai étouffé mes sanglots.
En vain.
Il a ricané.
Et il a eu raison.
Quel tableau pathétique.
Mais je voulais qu'il me prenne dans ses bras.
Qu'il me dise que l'amour, c'est inutile.
Mais il est resté là, à me regarder.
J'ai dit :

"Cette relation ne mène à rien."

En réalité, je ne savais pas.
Je ne savais plus.
Mais à quoi bon.
J'aurais préféré qu'il me trompe.
Qu'il soit laid.
Qu'il me frappe.
Le quitter aurait été plus simple.
Je pleurais encore et encore.
Pourtant la victime, c'était lui.
Il m'a finalement pris dans ses bras.
Quelque secondes.
Pas plus.
Une accolade.
Il comprenait.
Et à nouveau, je l'ai détesté.
Il comprenait toujours tout.
Même ce que je ne comprenais pas.
Je l'ai détesté d'être si bon.
Et pour m'assassiner à coup sûr,
Il a dit :

"Je comprends."

Il était doux.
Patient.
Compréhensif.
C'était insupportable.
J'aurais voulu qu'il me secoue.
Qu'il me crie dans les oreilles.
Qu'il me crache à la figure.
Qu'il me demande où est le mal.
Sa douceur était de trop.
De trop, face à ma cruauté.
J'ai allumé une seconde clope.
Et dit :

"Tu vas me manquer, malgré moi"

Il a ri.

"Je vais pas mourir tu sais"

J'ai ri.
Cette scène était trop dramatique.
Puis le soleil a remplacé la pluie.
Et un sourire a remplacé mes larmes.
J'ai écrasé ma clope.
C'est nécessaire, les clopes.
Il a posé un regard nostalgique sur mon corps.
Sa bouche s'est ouverte.
Puis refermée.
Il a souri, encore.
Puis a finalement annoncé :

"Je devrais y aller"

J'ai hoché la tête.
Ma gorge était toujours serrée.
On s'est enlacé.
Froidement, étroitement, maladroitement.
On s'est séparé.
Le vent m'a giflé la peau.
Et j'ai aimé avoir mal.
Il est monté sur son vélo.
Et son parfum m'a bouleversé.
Et je ne l'ai jamais trouvé aussi beau qu'à cet instant.

La Rupture Où les histoires vivent. Découvrez maintenant