Chapitre 46: « J'ai gagné »

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Ce matin une excitation inhabituelle vient secouer le palais. En écoutant les ragots, j'ai compris que Kaël était sur le chemin du retour. Je ne sais pas s'il a retrouvé les assassins de mon père mais cela m'importe peu maintenant. J'ai passé le stade de la colère et de la vengeance. J'ai préféré pardonner, cela provoque beaucoup moins de souffrance.

Non, si je suis tant intéressée par cette nouvelle, c'est parce que je vais enfin revoir Kaël. J'ai l'impression d'avoir passé une éternité seule. Je sens une petite vague d'excitation me parcourir mais surtout un drôle de sentiment, serait-ce de la joie ? Je ne saurais le dire, cela fait si longtemps que je n'ai pas ressenti une telle émotion. Mais je crois bien qu'il me manque.

Je lui en ai voulu de m'avoir laissée seule durant cette épreuve qu'est le deuil. Je pensais ne jamais pouvoir m'en sortir et son soutien n'aurait pas été de trop. Mais maintenant que je réussi peu à peu à me reconstruire j'ai décidé de ne pas garder de rancœur et d'aller de l'avant.

Cela fait des mois que je me suis laissée aller, mais savoir que Kaël sera là me donne la motivation nécessaire pour aller me préparer et essayer d'être belle. Je me précipite vers mon bain et des servantes m'aident à me coiffer. Je badigeonne mon corps d'une huile scintillante qui sent si bon, autant que les fleurs des jardins. Je ne saurais dire de quoi elle est composée mais cette odeur me transporte vers de douces nuits d'été. Je décide de mettre également un peu d'huile sur mes lèvres et le haut de mes pommettes pour illuminer mon visage qui était bien terne ces derniers temps.

Lorsque je vois le reflet de mon visage, je n'aime pas ce que j'y vois. Malgré tous mes efforts, l'on voit toujours la tristesse dans mes traits. Mais je n'ai pas le temps de penser à ça bien longtemps, des cris de joie provenant de la cour m'indiquent qu'il se passe quelque chose. Je sors donc de ma chambre et je vois rapidement Kaël sur son magnifique cheval blanc. Il est triomphant, ce qui m'indique qu'il a réussi sa quête. Il est suivi par toute sa cour, tout aussi resplendissante que leur Empereur. Ce long voyage ne semble pas les avoir épuisé.

Je ne sais pas trop pourquoi une partie de la cours l'a suivi. Peut être qu'ils avaient envie de voir du pays. À leurs visages réjouis cela semble être le cas. En effet pas besoin d'être tant de soldats pour attraper quelques paysans. Néanmoins cela a bien dû impressionner le peuple. C'était peut-être ça aussi le message « ne tentez pas de me défier, regardez comme je suis puissant ».

Dans la foule je perçois Cassandre. Lorsque nos regards se croisent, je lui fais un léger mouvement de tête pour la saluer. Elle me répond avec un petit sourire en coin que je perçois comme étant hautain. Mais je ne suis pas experte en interprétation de sourire donc je peux me tromper. Cela doit sûrement être le cas car dorénavant elle se dirige vers moi, probablement pour me demander comment je vais et prendre quelques nouvelles. Nous avons énormément de choses à nous raconter.

—    J'ai gagné.

Mais de quoi parle-t-elle donc ? Que peut-elle bien avoir gagné ? Peut-être qu'elle fait référence à la chasse aux tueurs ? Je doute cependant qu'elle soit impliquée de quelle façon que ce soit dans leur capture. Quoi qu'il soit assez drôle d'imaginer tous ces soldats prendre une leçon de cette grande blonde aux idées ingénieuses. Cela ne m'étonnerait presque pas d'elle. Ou bien elle a gagné autre chose. J'ai hâte de pouvoir éclaircir ce point avec elle.

Mais je n'ai pas le temps de penser à ces mots énigmatiques. Kaël vient d'arriver et descend de son cheval. Je tente de contenir mon envie de courir vers lui. Cela fait tant de bien de ressentir enfin cette sensation. C'est l'effet Kaël, il est magique. Je marche le plus dignement possible, je ne veux pas que la première image qu'il ait après tant de semaines soit celle d'une hystérique accro à lui. Bien que nous ayons partagé un baiser, rien ne m'indique qu'il partage le même engouement que moi. Peut-être qu'il embrasse beaucoup de femmes. Tiens, revoilà mon amie jalousie, elle ne m'avait pas manquée celle-là.

Je ne veux pas gâcher ce moment avec un tel sentiment, je me concentre donc sur cet Apollon qui se tient devant moi. Il est encore plus beau que dans mes souvenirs. J'ai l'impression qu'il est encore plus musclé, ou bien c'est le fruit de mon imagination. Sa peau est moins pale qu'avant, cela se voit qu'il est sous le soleil brûlant de mon pays depuis quelques temps maintenant. Ce nouveau teint lui va bien et fait ressortir ses yeux gris. Il s'avance vers un petite estrade et monte dessus.

—    Mes chers amis, c'est avec joie que je vous informe que nous avons attrapé, jugé et puni les hommes responsable de la mort de l'ancien Roi de ce pays ! Je peux vous assurez que plus jamais un sujet de ce pays n'osera commettre un tel acte de cruauté ! Nous avons profité de cette occasion pour sillonner de nombreuses villes, pour que chacun sache qui règne ici désormais !

Des cris de joie et des applaudissements viennent résonner dans mes oreilles. La foule est déchaînée, sûrement trop heureuse d'enfin retrouver leur souverain. Cependant je ne partage pas leur allégresse. Je comprends qu'il m'a laissée seule dans ma détresse seulement pour parader dans mon pays. Qui mieux que lui sait que j'avais besoin de soutien. Quand il devait faire face au deuil il avait Héphaï pour l'aider. Tandis que moi j'ai dû me débrouiller seule. Mais lui était enfant, moi je ne suis plus une petite fille, il a dû penser que j'y arriverai sans aide. Cependant arrêtons de lui trouver des excuses, il aurait pû faire son conquérant à un autre moment. Enfin je crois. Peut-être qu'il ne peut pas mobiliser tant de personne si souvent, bien qu'à mon avis il faudrait être fou pour ne pas suivre un de ses ordres. Je ne comprends pas pourquoi il est parti si longtemps. J'aurais apprécié qu'il soit là pour me soutenir, mais il n'est pas nécessaire d'associer de la rancœur à ma peine, finalement je crois pouvoir m'en sortir seule, je n'ai pas besoin de lui.

Même si je peux combattre le deuil sans son aide, j'ai tout de même très envie de passer, dorénavant, mon temps à ses côtés. Je marche donc le plus dignement possible en sa direction. J'ai beaucoup de difficulté à me frayer un chemin parmi les nombreuses personnes présentes. Lorsque j'étais princesse tout le monde s'écartait sur mon chemin. Cette époque me manque, j'avais l'impression d'être respectée. J'arrive enfin près de ma cible, je suis fébrile et mets toutes mes forces pour me tenir convenablement devant lui. Il ne me remarque pas immédiatement et j'attends patiemment qu'il me prête enfin de l'attention. Je n'ose pas l'interpeler, je ne veux pas le déranger. Enfin mon regard capte le sien.

—    Bonjour Kaël.

—    Diane.

A peine mon nom fut-il prononcé, qu'il me tourne le dos et disparaît. Héphaï se tient à ses côtés et me fait un petit sourire timide avant de le suivre. Mais pourquoi est-il si froid ? Que s'est-il passé durant son absence ?

 Amour prisonnier: Le sommeil de la liberté {Tome 1}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant