Amour prisonnier: Le sommeil de la liberté {Tome 1}

Chapitre 51: Lui et elle

Je regarde immédiatement Héphaï afin de jauger sa réaction. Je crois qu'il est inquiet aussi, mais il fait son maximum pour ne pas le montrer. Il reste digne et soutient le regard furieux de Kaël qui ne cesse pas de le fixer. Au lieu de lâcher précipitamment ma main pour s'éviter des réprimandes, il la serre encore plus fort. Mais que fait-il ? Je ne peux pas m'interroger plus longtemps car Kaël se précipite vers nous.

—    Que faites-vous ici ?

Le ton de sa voix sec et fracassant me tétanise. J'ouvre la bouche pour lui répondre que l'on ne faisait rien de mal, mais aucun son ne sort. Je reste donc ainsi, paralysée devant Kaël, la bouche grande ouverte, sûrement l'air ridicule. Par chance, Héphaï est plus courageux que moi et n'a pas peur de lui répondre.

—    Diane souhaitait simplement me faire visiter les jardins.

—    Et qui t'a autorisé à lui adresser la parole ?

—    Je ne pense pas qu'une autorisation soit nécessaire. Tu as une autre femme, Diane ne t'appartient pas. Ne te crois pas tout permis. Tu nous délaisses tous les deux, ne vient pas t'étonner si ensuite on se rapproche.

Je suis stupéfaite par son audace. Je réalise que je n'ai jamais vu personne tenir tête à Kaël auparavant car tout le monde est bien trop impressionné par lui. Tout le monde sauf Héphaï. Mais ce qui m'étonne le plus, c'est que je sens de l'énervement dans sa voix, tout particulièrement lors de sa dernière phrase.

Je ne pensais pas qu'il puisse lui aussi mal vivre la situation. Cependant j'aurai pu y penser. Kaël n'a pas beaucoup de temps libre, il n'est donc pas très étonnant qu'il ait sacrifié son meilleur ami pour cette femme. De plus, cela explique pourquoi Héphaï est disponible pour moi. Lui aussi est attristé par cette situation, c'est évident, et je m'en veux de ne pas avoir pris en considération ses sentiments. Il est très attaché à son ami et lui aussi le perd au profit d'une femme sortie de nul part. Je comprends mieux sa compassion, en réalité il vit la même chose que moi. Je ne me doutais pas que le sentiment d'amitié pouvait être aussi fort. Maintenant, je ferai plus attention à ce qu'il ressent.

Kaël ne répond pas à la provocation d'Héphaï. L'espace d'un instant je me mets à craindre qu'ils ne se battent, je me sentirais mal que deux amis se disputent à cause de moi. Je vois les muscles de la mâchoire de Kaël se contracter, rendant son visage encore plus menaçant. Il se rapproche de plus en plus et Héphaï fait de même, probablement pour montrer qu'il n'a pas peur. Ce n'est qu'à ce moment qu'il me lâche la main. Ils restent ainsi, yeux dans les yeux, sans dire le moindre mot.

Je me tiens en retrait, ne sachant quoi faire. Je ne suis pas sûre que m'interposer soit une bonne idée. J'ai peur que cela soit l'étincelle qui mette le feu aux poudres. Je reste donc là, à regarder bêtement un combat de coqs. Je ne pensais pas provoquer une telle situation. Mais comment aurais-je pu deviner que Kaël réagirait ainsi. C'est lui qui est parti avec une autre, nous laissant seuls, Héphaï et moi.

Il devrait baigner dans son nouveau bonheur et ne même pas nous remarquer. Pour me lâcher si rapidement, je ne dois pas avoir d'importance pour lui. Un peu de pression social lui a suffi pour m'oublier et partir dans les bras d'une autre. Lui veut pouvoir aller ailleurs, mais moi je dois rester désespérée à l'attendre patiemment. Je ne suis pas à sa merci, une petite chose que l'on garde dans un coin.

—    Laisse-moi tranquille maintenant ! Dégage !

Je cris sans réfléchir. J'exprime simplement ce que je ressens. Il ne peut pas vouloir me sortir de sa vie tout en continuant à contrôler la mienne. Il a fait son choix et maintenant il doit l'assumer.

Cependant je regrette rapidement mes paroles, j'ai peur d'avoir été trop virulente. Je déteste les conflits, et je crains d'en provoquer un. Mais je ne pouvais pas garder plus longtemps en moi ce que je ressens.

Les regards de Kaël et Héphaï se lâchent enfin et se tournent vers moi. Je ne sais pas lequel des deux est le plus étonné par mon audace. Kaël ignore dorénavant totalement Héphaï et se dirige vers moi. Je ravale ma salive mais ma gorge est tellement serrée que cela fait un petit bruit, signe de mon appréhension. Il se fixe devant moi et m'interroge du regard. J'aimerai bien m'excuser d'avoir était si directive mais je me retrouve une fois de plus paralysée. Puis de toute façon je dois arrêter de demander des excuses dès que je m'exprime.

—    Très bien, si c'est ce que tu veux, je « dégage ».

Il insiste sur le dernier mot, visiblement énervé, renforçant mon malaise. Je n'ai pas le temps de répliquer qu'il m'a déjà tourné le dos. Je le regarde s'éloigner d'un pas pressé. J'ai si peur de l'avoir énervé. J'espère sincèrement qu'il ne m'en voudra pas. Je ne pensais pas le dire un jour, mais j'espère qu'il va m'oublier.

J'espère également qu'il ne tiendra pas rigueur à Héphaï de cette histoire, je ne veux pas me mettre entre eux deux. Ils sont amis depuis si longtemps, j'arrive et je gâche tout. Héphaï est si gentil avec moi, je ne veux pas qu'il ait des problèmes à cause de moi, il ne mérite pas ça.

—    Héphaï je suis désolée pour tout ça ! Je ne veux pas que tu te disputes avec Kaël par ma faute !

—    Ne t'en fais pas, si nous nous disputons ce n'est pas à cause de toi. Je ne supporte pas son comportement en ce moment, je déteste cette femme, et cela m'énerve. Donc forcément, j'ai du mal à me contenir face à lui.

—    Pourquoi ne l'aimes-tu pas ?

—    C'est comme ça et c'est tout. Je ne supporte pas l'idée qu'il puisse se marier pour cette raison.

Je sens son énervement et je ne souhaite donc pas continuer cette conversation. Mais je rejoins son point de vue, se marier simplement pour faire bonne figure est inacceptable. Même s'il y a peu j'étais prête à le faire.

Je n'ai plus vraiment envie de me promener maintenant, cette altercation a tout gâché. Avant même que je ne puisse demander à Héphaï si cela ne le dérange pas de rentrer, il m'indique qu'il doit partir. J'acquiesce et je le vois, à son tour, me quitter. Décidément, cette journée ne s'est pas passée comme je l'avais prévue

Je rentre seule en direction de ma chambre, le plus lentement possible. J'ai perdu l'entrain de tout à l'heure et je n'ai pas du tout envie de retrouver ma solitude dans cette grande pièce vide. Cependant me voilà déjà devant ma porte. Mon regard ne peut pas s'empêcher d'être attiré par celle de la chambre de Kaël. Je remarque de la lumière, il est donc là.

Ce serait peut-être le bon moment pour avoir des explications, enfin. Mais cette fois-ci je ne dois pas me tétaniser. Je me concentre, prépare ce que je vais dire et respire un grand coup avant d'ouvrir la porte, sans m'annoncer comme lui a l'habitude de le faire. Je regrette immédiatement de ne pas avoir frappé. Cela m'aurait éviter de rentrer et de le voir là, sur son lit avec elle.