deux merveilleux petits boutons précieux

Chapitre 8

Fin juillet, Cécile a appelé. Louise a passé la journée sur un petit nuage, je suis un peu jaloux de la voir si heureuse alors que moi j'arrive tout juste à me faire accepter près d'elle. Je la comprends, un enfant c'est la continuité, j'ai raté ça avec mes femmes. Maintenant que j'y songe, aucune des trois ne m'a jamais demandé d'enfant ; et n'en ont pas à l'heure actuelle. ça c'est une partie de ma vie que j'aurai loupé, trop tard.

Il est tard ce soir là, nous avons regardé une émission musicale et chanté à tue tête tous les deux, des vieux tubes. Avec nos 6 années d'écart, Louise 58 ans et moi 52, nous sommes quand même de la même génération et nous sommes retrouvés à aimer chanter ensemble. Elle a une excellente mémoire et une culture générale qui me fait l'aimer encore plus, si c'est possible. Louise est très cultivée, curieuse de tout elle lit de tout : des romans policier, de science fiction, d'anticipation, d'amour ; et des magazines qui parlent aussi bien des étoiles, que des anciennes civilisations, en passant par nos amis les animaux, les rois de France, les châteaux de la Loire,... je repars souvent avec de quoi lire avant de dormir. Alors que j'arrive à ma porte, je l'entends m'appeler en panique. Je rebrousse chemin au pas de course, elle est en train d'ouvrir la grande porte de la remise et me fais signe d'approcher.

- ma petite voisine vient de m'appeler de la ferme en bas, son mari vient de basculer dans un fossé avec son tracteur, elle a appelé les pompiers mais ils vont mettre plus de 20 minutes pour venir et le coin est paumé. Je sors le tank, tu peux venir avec moi ?

- biensur ! (le tank ?!)

Elle plonge dans l'obscurité de la grange et j'entends vrombir un puissant moteur. Une épaisse fumée sort, des phares m'illuminent. Louise extirpe un immense engin de la remise et me fait signe de monter.

- nous, nous sommes tout près et elle sera rassurée d'avoir quelqu'un pour s'occuper des enfants. je vais te déposer sur la route principale et tu pourras diriger les pompiers pour qu'il le trouve, Claire m'a dit où il était.

Louise conduit comme une pro du volant. Rapide, précise, elle est penchée sur le volant pour vérifier l'état de la route, nous venons de quitter l'asphalte et l'engin emprunte un chemin cahoteux sur lequel nous sommes bringuebalés, je m'accroche.

Louise freine, m'explique la direction à donner aux pompiers et repart, me laissant seul dans le noir. Les minutes passent, il fait doux mais je n'ai aucune notion du temps qui passe. Au début, j'ai presque envie de croire que c'est un test, un peu comme une caméra cachée, ou un bizutage. Je marche un peu puis reviens sur mes pas quand j'aperçois enfin des gyrophares. Je m'agite, les bras en l'air et me fait vite repérer. Les sapeurs m'accueillent dans leur véhicule et je leur répète les indications de Louise. Le chemin est vraiment pourri, c'est compliqué d'arriver mais le tracteur est là, les roues en l'air. Louise n'est pas là, le tank non plus. Il y a juste une jeune femme en panique qui attend, les bras en croix devant elle.

Je quitte le véhicule et laisse faire les professionnels. Je comprends que le jeune homme est coincé mais conscient, que ça fait des heures qu'il a la tête en bas et que c'est pas terrible comme situation. Sa petite femme lui a apporté à boire et aider à se redresser mais il est coincé dans la cabine exigüe et les pompiers l'extrait avec difficulté et précaution. Il va être emmener à l'hôpital  et j'accompagne Claire jusqu'à sa ferme. Nous marchons silencieusement, éclairés par son portable. Louise nous attendait, depuis leur salon. Les enfants dorment, ils n'ont même pas du se rendre compte de quoi que ce soit. Leur mère leur expliquera demain au lever. Nous buvons un café en silence, chuchotant des mots rassurants. Puis Louise et moi prenons congés, remerciés maintes et maintes fois par la jeune femme.

Nous rentrons, moins pressés. Louise arrête l'engin dans la cour et coupe le moteur.

- je le rentrerai demain, il est tard.