Leeloo
Fascinée de dégoût, je suis.
Oui, il m'arrive de parler comme le vénérable maître Yoda lorsque mes émotions partent en vrille, bien que les TOC de langage des personnages de Star Wars ne soient pas le sujet du jour.
Il y a des matins où, au terme d'une excellente nuit de sommeil ponctuée de rêves érotiques torrides avec son chanteur préféré (ou toute une bande de musiciens, pour ma part) on se sent en pleine forme. On se lève le cœur gorgé de soleil, l'esprit débordant de joie, le sourire godiche aux lèvres. On perçoit dès le réveil qu'une superbe journée se profile et que rien ne pourra la gâcher. Pas même les chants liturgiques bizarroïdes qui accompagnent la branlette quotidienne du voisin sous la douche, dont aucune nuance sonore ne nous échappe à cause des murs en carton de l'immeuble.
À l'inverse, il y a des matins où on regrette amèrement de s'être couché bourré la veille, surtout après avoir ramené un inconnu dans son petit nid douillet qui abrite sa prestigieuse collection de figurines Disney – oui, je suis fan de dessins animés à vingt-deux printemps, et alors ?
Aujourd'hui, manque de bol, c'est un matin comme celui-là.
Consternée, mon cappuccino à la vanille fumant sous mon nez, je scrute le type en question, assis de l'autre côté de la table située entre ma cuisine fonctionnelle et mon salon cosy. Torse nu, le parasite en puissance soutient mon regard en sucrant son café. Il agite ses sourcils broussailleux dans ma direction d'un air enjôleur à l'image du pote bigleux aux cheveux bleus de Bart Simpson quand il fait du gringue à Lisa. Mon invité aurait lui aussi besoin d'un bon coup de pince à épiler ! Son agaçant mouvement sourcilier accentue ma migraine. Celle-ci est liée à mon abus de cocktails et de shooters dans la boîte miteuse où nous avons échoué hier soir sur les conseils foireux de Stan pour fêter notre départ imminent aux USA.
Je soupire de dépit.
Ne jamais écouter Stan.
Ne pas faire confiance à Stan.
Ne pas suivre les « bons tuyaux » de Stan.
C'est la base ! Mais hormis Zara qui avait auguré une soirée pourrie d'un ton fataliste, nous avons relâché notre vigilance et avons décidé d'accorder à mon frère une chance de nous prouver qu'il pouvait avoir des idées correctes, à défaut d'être bonnes.
Fous candides que nous sommes !
Pour revenir au parasite géant avec qui je me suis envoyé en l'air cette nuit, il a eu le culot de choisir ma deuxième tasse favorite, une copie de Zip, la petite tasse trop choupinette de La Belle et la Bête, que j'utilise pour siroter mon thé à la menthe le soir.
Ce n'est pas le soir et je suis toujours en possession de ma première tasse fétiche – mon Mickey vintage – mais ça ne me plaît pas du tout.
Mais alors, vraiment pas !
Surtout avec tout ce qui a précédé ce vol scandaleux de seconde tasse préférée !
Zara, alias Sushi, mon amie et presque voisine, qualifie ce spécimen de « Facehugger. »
Lorsque notre geekette asiatique a balancé pour la première fois ce terme étrange au cours d'une raclette party pour décrire une ex collante et étouffante d'Elyas, ça a semé un grand froid dans la pièce. Nous avons échangé des regards médusés autour de la table avant qu'elle ne daigne placidement développer le fil de sa pensée. Précisons que Zara est tellement pince-sans-rire que parfois, même nous qui sommes proches d'elle ignorons si elle plaisante ou si elle est sérieuse. Là, elle était sérieuse. Avec un flegme imperturbable, elle nous a expliqué entre deux bouchées de fromage et de charcuterie que les Facehugger étaient les grandes araignées extraterrestres qui sautent au visage de leur proie dans la saga horrifique Alien. Ces créatures s'accrochent à la tête en enroulant leur queue autour du cou de leur victime, insèrent une trompe visqueuse dans leur gorge et pondent des œufs contenant des bébés Aliens ultra dangereux, qui tuent leur hôte à la naissance en pulvérisant leur estomac dans une ratatouille gore. Impossible de les déloger tant qu'elles n'ont pas pondu leurs merdes : la queue se resserre autour du cou de la victime, dont la tête est prisonnière de l'étau de huit pattes anguleuses. Si on essaie de couper la créature, son sang acide ronge la chair de l'hôte. Un peu plus tenace donc que mon dernier masque à l'argile destiné à purifier mon teint – et j'ai bien ramé pour l'enlever, celui-là.
VOUS LISEZ
Crazy Wild West (publié chez Black ink éditions)
ChickLitMannequin pieds et jambes, Leeloo collectionne les objets Disney ainsi que les aventures d'un soir. Cette pétillante femme-enfant éprise de joie de vivre milite même activement pour le Front de Libération des Tétons en Otage ! Elle s'embarque d...