A mon réveil, je fus prise d'un violent mal de tête et me recouchai aussitôt sur l'oreiller inondé de mes pleurs. Finalement, le docteur me posa la même question qu'à la fin de chaque traitement:
- Bien, Alice. Tout va mieux n'est-ce pas?
En me relevant , je sentis ma migraine revenir et je grinçai des dents.
- Vu mon état, je ne pense pas que la question soit très bien appropriée. J'ai un marteau-pilon dans la tête et dans la poitrine.
- C'est normal, Alice. L'oubli n'est pas gratuit, dit-il avec un sourire sarcastique.
Ce sourire avait toujours eu le don de m'énerver et des fois je rêvais de le lui arracher de mes propres mains. Mais aujourd'hui je préférais l'ignorer. Pourtant je vis dans ses yeux noirs du désespoir et, me sembla t-il, un brin de colère. Peut-être qu'après toutes ces années, me supporter était devenu un fardeau pour lui et je ne pus que le comprendre. Je me dégouttais moi-même.
- Les souvenirs me rendent malade, rétorquais-je en me tenant la tête. Je voudrais...
- Te rappeler autre chose, répondit le docteur en me coupant la parole.
- Je veux oublier! J'en ai assez d'être seule, prisonnière de mon maudit passé!
Je me retins d'injurier mon thérapeute en serrant les poings et mes ongles commencèrent à me transpercer la peau, se couvrant de mon sang.
- Tu seras libre, Alice, dit-il avec ce calme froid dans sa voix et en regardant par la fenêtre. Les souvenirs nous enchaînent plus qu'ils nous libèrent. Et tu dois donc te battre.
Je desserrai les poings tandis que le psychologue parcourait la pièce en passant près du fauteuil sur lequel j'étais encore assise.
- Vous l'avez dit, tant de fois. Et...
- Et je te le répète: il faut payer pour pouvoir oublier, me lança-t-il d'une voix plus douce en s'asseyant près de moi et en me tendant un mouchoir pour essuyer mes gouttes de sang. Et je t'aiderais... Bien, avant notre prochaine séance, va donc chercher ces cachets chez l'apothicaire.
Il me tendit une liste de médicaments que je ne connaissais que trop bien et je la lui arrachai des mains.
- Très bien docteur, dis-je d'un air énervé.
Je me levai, en colère, jetai le chiffon sur les genoux du docteur et m'apprêtais à sortir de la pièce au fauteuil thérapeutique que j'avais maintenant l'habitude d'utiliser.
Au moment où j'ouvris la porte, un enfant blond passa devant moi et me dit:
- A mon tour d'oublier, Alice!
je le regardai passer avec un air désespéré. Il n'avait que 8 ans mais son passé était aussi sordide que le mien.
- Bien, Charlie, lui dit le thérapeute, ton père a été pendu pour avoir tué ta pauvre mère qui te battait sans arrêt. Il faut oublier tout ça, veux-tu? Plus de passé, Charlie. Oublie ce taudis infâme. Oublie ta famille. Oublie tout. Elle n'a jamais existée. Tout va bien, Charlie, vois-tu? Détends-toi... écoute... c'est fini...
je m'éloignai jusqu'à ce que je ne perçoive plus aucun son puis je m'accolai à un mur, laissant mes larmes couler le long de mes joues. Je n'étais malheureusement pas la seule à avoir de mauvais souvenirs, pourtant, à part le docteur Bumby, seuls des enfants arpentaient ces corridors.
Après avoir séché mes larmes et refoulé toutes mes émotions faibles, je déambulai dans les couloirs sombres et lugubres, en passant à côté de plusieurs chambres. Tous les enfants portaient des numéros autour de leur cou comme s'ils étaient des bêtes et non des êtres humains. Je ne comprenais pas pourquoi Bumby utilisait ceci... en y réfléchissant bien, je ne comprenais malheureusement pas beaucoup de ses méthodes.
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Alice in Madnessland
Horror- Bien, Alice, allonge-toi. Commençons la séance... Toute ta famille a été tuée il y a 10 ans dans un mystérieux incendie et tu en es la seule rescapée. Étonnant pour une fille qui avait seulement 6 ans à l'époque. Tout semblait t'accuser d'avoir dé...