Isaac

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On dit souvent qu'un nouveau départ permet de tourner la page, de tout recommencer sur de bonnes bases, se retrouver et se recentrer sur les choses importantes à nos yeux. On dit que le nouveau départ est comme une renaissance.
Hors cette naissance la est en tout point comme la première. Elle n'est pas choisie par moi mais par mes parents qui ont décidé de l'instant de la façon et de l'endroit. Surtout de l'endroit.
C'est eux qui ont fait que je sois là en ce moment, en haut de cette colline.

D'ici je peux voir les voitures et camions lancés à vive allure sur l'autoroute. Mais je peux aussi observer tout ce qu'il se passe en contrebas sur l'aire d'autoroute où nous nous sommes arrêtés.
Il y a cette famille en monospace qui pique-nique sur les tables en pierres blanches ; ce motard qui resserre les sangles du porte bagage ; ou encore ce routier en Marcelle blanc et pantalon usé en toile bleu qui se brosse les dents.

Je me demande où vont toutes ces personnes si elles partent en vacances ou si elles en reviennent. Si elles vont se faire de nouveaux souvenirs ou si elles sont déjà mélancolique de leur périple maintenant terminé.

Est-ce que cette famille rentre dans leur foyer ou bien va retrouver de la famille au sud ?

Est ce que ce camionneur doit encore livré sa cargaison vers l'est ou est-il prêt à rentrer au dépôts en prendre une nouvelle ?

Et ce motard part-il chercher un être aimé vers l'ouest ?

Toutes ses questions auxquelles je pense ne servent au final qu'à éloigner de mon esprit ma propre destination, à oublier ma propre route et les kilomètres qui me séparent de plus en plus de chez moi. Parce que moi je suis mélancolique et des souvenirs je n'ai que ça en tête depuis que l'on a quitté Paris.
Je n'ai que des images passées qui défilent dans ma mémoire comme les bandes blanches défilent sous mes yeux. Je ne vois même plus la route mais je sais que le flux serré du périphérique a laissé place à la vitesse entre les grands murs gris des banlieues et au grand espace à l'extérieur de la ville.

Les paysages de campagne sont apparus bien avant de quitter la région Île-de-France mais celle que je vois la est n'en fait plus partie.
C'est ce paysage que j'ai sous les yeux maintenant depuis 7h30. Ce matin encore je me demandais pourquoi si tôt, soit disant nous pouvions éviter les bouchons. Mais voilà que quatre heures se sont passées maintenant et ce n'est pas encore fini. Car nous nous sommes trompés d'itinéraire.

Ainsi, à quoi bon partir tôt si c'est pour aller dans la mauvaise direction ?

Après quand je dis "nous nous sommes trompés" je parle du conducteur. Le père, ce spécimen très particulier qui va préféré prendre un chemin qu'il "connaît" plutôt que d'écouter le GPS. Car selon lui, certes cela fait 20 ans qu'il n'est pas revenu dans ce coin paumé qu'est notre nouveau "chez nous" mais il s'est mieux que la technologie, qui on le rappelle a des images satellites qui délivrent l'information routier en temps réel.

Et à en juger par la démarche de mon père en bas près de la voiture avec des cartes de France étalées sur le capot on est pas près d'y arriver.

En bref, nous sommes perdus.

- Isaac !

Je me retourne et en entendant la voix de ma sœur. Elle monte les derniers mètres de la colline pour me rejoindre.

- Tient maman a pris ça pour nous.

Elle me tend une canette d'Ice tea le meilleur breuvage au monde et s'assoit à côté de moi.

Je désigne notre père en bas d'un coup de tête et demande :

- Est - ce que papa est toujours borné ?

Elle laisse passer un petit étonnement dans ses yeux. Elle doit être surprise que je lance une conversation, de plus sur notre père, même si c'est en mal.

Je ne suis pas très bavard depuis le début du trajet et encore moins au sujet de notre père. D'ailleurs je ne lui parle plus vraiment et ceux bien avant le début du trajet. Je pense qu'elle voudrait le relever mais elle n'en fait rien et me répond naturellement.

- Bien sûr, mais maman a réussi à lui faire changer d'avis et programme le GPS. Mais bon le temps qu'elle arrive à rentrer l'adresse on a le temps de faire une longue pause.

Je lui jette un regard curieux.

- Pourquoi tu ne l'aides pas ?

Alice est ce qu'on appelle un ange. Toujours serviable, prête à aider, à l'écoute de l'autre et super empathique. Moi à côté je passe pour l'ado rebelle et égoïste qui ne pense qu'à son sort et qui va toujours chercher à blesser.

- Oui je pourrais l'aider mais j'en ai marre d'être toute serrée dans la voiture j'ai besoin de me dégourdir les pattes. En plus ça lui apprend à être autonome avec l'électronique. Et puis je n'ai pas plus envie que toi d'arriver là-bas plus vite que nécessaire.

J'acquiesce, un peu amusé qu'elle sache aussi bien mon humeur. En même temps ce n'est pas très compliqué, j'affiche mon mécontentement depuis des semaines maintenant et le ressentiment est devenu mon humeur principal.
Alors comprendre que je ne désire pas déménager est assez simple. Mais la voir comme ça me rappelle que je ne suis pas le seul à devoir tout quitter.

- Bon je crois qu'il faut qu'on y aille maman s'est amélioré dans la maîtrise de la technologie.

Et effectivement en baissant les yeux je vois notre mère faire de grands gestes avec ses bras pour nous dire de descendre.

C'est l'heure de reprendre la route.

***

Voilà le premier chapitre, j'espère qu'il vous a plus. On se retrouve pour le chapitre suivant dimanche.

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Le Gars de ville et le Gars des champsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant