+ chapitre 2

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Le lendemain matin, je fus réveillée par les rayons de soleil qui pénétraient à travers les volets fermés de ma chambre. Fatiguée, je m'enfonçais plus profondément dans ma couette et m'apprêtai à me rendormir lorsque les évènements de la veille me revinrent brusquement en mémoire. L'étranger qui s'était introduit dans ma voiture, la déposition au poste de police... Par chance, les rues étaient équipées de caméras de surveillance ce qui avait appuyé mon témoignage et convaincu les policiers que je n'étais pas complice de ce braquage. Je ne pense pas que ma mère aurait tenu le coup si j'avais fini en prison. Elle qui était devenue si fragile, si menue, ne pouvait plus supporter de malheurs. Justement, cette dernière glissa sa tête derrière la porte de ma chambre et me lança un coup d'oeil.

— Bonjour ma chérie, c'est l'heure de se lever. C'est le premier jour de ta dernière année de lycée, tu ne veux quand même pas être en retard, si ?

Le lycée ! J'avais complètement oublié. En ronchonnant, je me laissai moellement tomber du lit et attrapai les premiers vêtements qui me tombaient sous la main pour m'habiller. Puis, je descendai dans la cuisine et saluai mes parents qui m'attendaient avec un sourire. Mon père, qui lisait le journal, me tendit mes tartines de beurre quotidiennes et mon jus d'orange pressé.

— Alors Leven, excitée pour ta dernière rentrée ? me lança t-il d'un air joyeux.

— C'est ça, répondis-je en croquant bruyamment dans ma tartine. Ma dernière rentrée.

Mes parents se regardèrent, le regard triste. « Dernière » avait un sens différent pour eux et pour moi : pour eux, ce mot signifiait la dernière rentrée du lycée et pour moi, il signifiait la dernière rentrée avant ma mort. Je n'avais pas voulu les blesser, mais il fallait bien se rendre à l'évidence : je n'étais pas supposée vivre aussi longtemps. Il était donc logiquement impossible que je survive jusqu'à l'année prochaine.

Mon petit déjeuner terminé, je montai dans ma salle de bain me préparer rapidement. Puisque j'allais mourir dans peu de temps, il était inutile d'accorder de l'attention à mon apparence puisque cela ne servait strictement à rien. Après tout, je n'avais pas de petit-ami et aucun garçon ne voulait s'intéresser à une mourante. Je me contentai juste d'enfiler un pull en laine, un jean et des baskets. Rien de plus décontracté.  Une fois prête, j'embrassai mes parents une dernière fois et filai au lycée avec ma petite voiture. J'adorais conduire vite, les fenêtres ouvertes et sentir le vent dans mes cheveux : je me sentais libre et vivante. J'aurais adoré conduire une décapotable mais avec tous mes traitements et ma chimio, mes parents ne pouvaient se permettre d'en acheter une.

Je me garai sur le parking du lycée presque rempli et sortis de la voiture. Il commençait à pleuvoir et je me réfugiais dans l'établissement scolaire. Avant d'entrer, je pris une profonde inspiration. Cela faisait plus de trois mois que je n'y avais pas mis les pieds. Certes, il y avait les deux mois de vacances mais j'avais également séché un mois. Vers la fin de l'année, la routine scolaire était devenue  plus en plus pénible et mes parents m'avaient autorisé à ne pas aller en cours. De toute façon, les études ne me servaient à rien puisque je n'irais jamais à l'université. Je n'aurais jamais mon diplôme et je n'aurais jamais de boulot. Aller au lycée ne m'était donc d'aucune utilité, si ce n'était que de m'empêcher de me morfondre à la maison. L'intérieur du lycée n'avait pas changé : les murs étaient toujours vieux et usés et les classes toujours aussi fouillis. Ce n'était pas le meilleur lycée du coin, juste le petit lycée de la ville. Sans grande conviction, je me rendis dans le bureau de la conseillère pour aller chercher mon emploi du temps. 

— Leven, Leven ! Dans mes bras ! cria soudain une voix familière.

Je me retournai, prête à embrasser ma meilleure amie lorsque cette dernière me sauta directement dans les bras et s'accrocha à mon cou. Elle sentait le parfum à la violette, parfum que je lui avais offert pour son anniversaire trois mois plus tôt. 

— Ce que tu m'as manqué ma Levy ! Oh et il faut absolument que tu me racontes ce qui s'est passé hier ! J'ai poirauté toute seule pendant quinze minutes dans la rue en pensant que tu étais en retard, me dit-elle tout sourire.

Je lui contais alors mon aventure en détails tandis qu'elle m'écoutait attentivement. Une fois terminé, elle ne répondit rien et se contenta de me regarder avec des yeux ronds comme si elle ne me croyait pas. Puis, elle cligna plusieurs fois des paupières et son visage s'éclaira.

— Seigneur, on se croirait comme dans un film ! s'exclama t-elle. Et au fait, est-ce qu'il était beau, ton braqueur ?

Je levai les yeux au ciel. Birdie ne pouvait pas rester sérieuse plus de cinq minutes, mais c'était quelque chose que j'adorais chez elle. Elle commença à s'agiter dans tous les sens en imaginant une suite possible de mon aventure. L'écouter parler me fit sourire : elle était toujours de bonne humeur et pleine d'imagination, ce qui me permettait d'oublier mes soucis pour un moment. La sonnerie du lycée retentit et la centaine d'élèves qui se trouvait dans les couloirs commença à se diriger vers les classes. Par chance, Birdie et moi commençions par la même matière - mathématiques - ce qui nous laisser le loisir de continuer notre discussion en cours. Nous nous installâmes à côté et Birdie recommença immédiatement à me parler.

— Jette un coup d'oeil au nouveau devant toi, il a l'air canon ! me murmura t-elle, excitée.

Je relevai les yeux au ciel en souriant. L'individu assis devant moi était un jeune homme brun aux bras musclés. Il était vêtu d'une veste de motard et avait effectivement un casque de moto posé près de lui sous la table. C'était tout ce que je pouvais voir, étant donné qu'il me tournait le dos. Comme s'il eut lu dans mes pensées, ce dernier tourna légèrement la tête sur le côté et je vis un petit sourire se dessiner sur ses lèvres. Lorsqu'il tourna complètement la tête dans ma direction et que je reconnus son visage, je faillis m'étouffer.

C'était le garçon qui m'avait braqué hier.

a thousand firefliesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant