Chapitre 5

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Cet après-midi, je travaille au garage, continuant d'assembler les pièces d'une moto pour un client. Nous avons décidé de fermer boutique avec Quil car il pleut tellement dehors qu'aucun client ne voudrait s'aventurer dehors. Mon meilleur ami est parti un peu plus tôt, me laissant seul à ruminer mes pensées.

Sara occupe une place importante dans chacune d'elles. Qu'avais-je bien pu faire pour mériter ça ? Je n'ai rien contre l'imprégnation, bien au contraire, je suis ravi – de toute façon, je n'ai pas d'autre choix – mais pourquoi elle ? Pourquoi mon élève ? Beaucoup de questions sans réponses. Pour cela, je ne remercie pas les esprits de mes ancêtres ! Pourquoi est-ce que je dois subir les conséquences du péché de mon père, quel qu'il soit ?

Gling, gling.

La sonnerie de la porte du garage retentit. Sans même lever la tête, je bougonne :

« – Désolé, on est fermé »

« – Je sais, mais j'étais dehors quand il a commencé à pleuvoir et maintenant le vent est trop fort... », intervient la voix douce de Sara, et mon cœur loupe un battement

Je lève la tête vers elle. Ses cheveux sont plaqués sur la tête et gouttent au sol. Elle porte un t-shirt blanc et une salopette en jean. J'étouffe un grognement lorsque je me rends compte qu'elle n'a pas de soutien-gorge et que, de là où je suis, j'ai une vision parfaite de ses tétons durcis par le froid.

Il ne manquait plus que ça ! , grondé-je en mon for intérieur. Je pose négligemment ma clef à molette au sol dans un soupir et me lève pour aller chercher une serviette de toilette chez moi.

Elle s'engage à ma poursuite. Je grogne doucement, me trouvant stupide d'avoir pensé qu'elle resterait sagement à m'attendre. Je fonce dans la salle de bain, Sara sur les talons. Qu'est-ce que je vais faire ?

« – Vous auriez des vêtements à me prêter ? », me sort-t-elle de mes pensées.

Je me tourne vers elle et la détaille. Ouais, elle n'a pas tort, je vais devoir lui donner des vêtements secs sinon elle risque une pneumonie. Elle rougit et se mord la lèvre. Je lui tends deux serviettes de bain et rebrousse chemin jusqu'à ma chambre.

« – Reste-là », ordonné-je. « Je trouve quelque chose et tu pourras aller prendre une douche ou un bain, ou fais comme tu veux, je m'en fiche », bougonné-je.

Dans ma chambre, je soupire un coup. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui donner ? Je n'ai aucun vêtement féminin ! Je fouille dans mon armoire dans l'espoir de trouver quelque chose qui lui irait, mais tout sera toujours trop grand...

Je prends un t-shirt au hasard et récupère un bas de jogging avec un cordon, puis je retourne dans le couloir. Je lui donne l'ensemble et lui indique que la salle de bain est à sa disposition.

Pendant qu'elle s'affaire dans la salle de bain, je retourne au garage pour verrouiller la porte. Il ne faudrait pas que quelqu'un en profite pour voler du matériel... Je coupe la lumière et ferme le store métallique. Je ferme boutique pour de bon, ce que j'aurais dû faire bien plus tôt dans la journée. Fais chier !

Je retourne dans la maison et trouve à m'occuper l'esprit en débarrassant le lave-vaisselle. J'enchaine avec le nettoyage de mon plan de travail et de ma table – non pas que ce soit sale, c'est juste nerveux – avant de finir par me faire couler un café.

Je m'adosse au plan de travail briqué et je sirote mon café brûlant. J'entends le « clac » du loquet et Sara sort de la salle de bain. Je l'entends remonter le couloir et je lève la tête quand j'aperçois ses pieds nus. Merde !

Elle est uniquement habillée de mon t-shirt. Je baisse le regard vers ses pieds qui continuent leur chemin jusqu'à moi. Je migre jusqu'à mon canapé pour éviter de me retrouver trop près d'elle. Elle fait exprès de se balader comme ça, je le sais. Tout en elle le montre. Mon t-shirt bien trop grand lui arrive au ras des fesses, ses joues sont rouges et son air se fait coquin.

Je lui ai sorti une tasse que j'avais posée près du pot de café, au cas où elle souhaite s'en servir. Sinon, je lui ferais un chocolat chaud, je n'ai pas de thé chez moi. Elle récupère le broc dans la cafetière et se sert une tasse fumante. Sara s'appuie contre le plan de travail et me regarde en battant des cils. À cet instant, si ma raison ne l'emportait pas sur le reste, je pense que j'aurais bandé en la regardant ainsi.

« – Arrête ça », grondé-je alors qu'elle me lance un regard faussement offusqué. « Ne joue pas à la plus maligne Sara, tu sais très bien de quoi je parle »

Elle souffle et s'approche de quelques pas. Je bondis sur mes pieds et passe derrière le canapé pour remettre de la distance entre nous. Elle doit déjà être à quatre bons mètres de moi, mais un mètre de plus ne fera pas de mal.

« – S'il vous plaît, Monsieur Call ! », supplie-t-elle.

« – T'es qu'une gamine », répliqué-je.

« – Et alors ? Je suis amoureuse de vous ! », insiste-t-elle.

« – T'as quinze ans »

« – C'est pas grave ça ! »

« – T'as quinze ans et t'es mon élève », terminé-je, sévère.

Je bois le reste de mon café d'une traite et je quitte la maison par le jardin sans un regard pour elle. En quelques foulées, j'arrive devant la porte fenêtre des Uley. Sam lève la tête vers moi quand je toque au carreau et Emily vient m'accueillir avec un chiffon pour m'essuyer les cheveux.

« – Je ne reste pas, je vais aller patrouiller », expliqué-je. « Mais je voulais juste vous prévenir : elle est chez moi et se balade les fesses à l'air, ou presque »

« – Je vais aller chez toi, mon chéri », me rassure Emily.

Je la remercie et me déshabille en vitesse pour muter. Même s'il pleut, ça va me faire du bien de courir et me dégourdir les pattes.

Depuis cet événement, Sara Mohutah s'est faite la plus discrète possible à mes cours. Je n'ai plus entendu le son de sa voix ni croisé son regard, sauf quand je l'interrogeais en classe.

3 ans plus tard

Installé devant une tondeuse à gazon, je passe le temps en cette fin d'année scolaire. Les vacances d'été ont débuté il y a quelques heures à peine et je m'occupe déjà l'esprit en réparant tout ce qui me tombe sous la main.

Quil est absent, parti en patrouille avec Seth et Al'. Je profite du silence de l'atelier pour faire le vide dans ma tête. J'aurais pu écouter de la musique, mais pour l'instant, je n'en ressens pas le besoin.

Gling, gling.

Je n'ai pas besoin de lever la tête pour savoir que c'est Sara, mais je le fais quand même. Elle est essoufflée, son vélo abandonné à ses pieds. Ses joues sont rouges, probablement parce qu'elle a dû pédaler à toute vitesse. Je laisse mes outils sur le sol et m'essuie les mains sur un torchon. Je la regarde reprendre son souffle, nos regards ne se quittant pas. Je me lève lentement alors qu'elle inspire une dernière fois.

« – J'ai dix-huit ans et j'ai terminé le lycée aujourd'hui ! », déclare-t-elle en se précipitant vers moi.

En un bond, elle se retrouve dans mes bras. Ses jambes s'enroulent autour de ma taille et ses mains crochètent ma nuque. Je passe mes bras sous ses fesses pour la maintenir contre moi et je la laisse m'embrasser avec passion.

« – Je le savais ! », s'exclame-t-elle, ravie. « Je savais que t'étais amoureux de moi ! »

Elle plaque de nouveau ses lèvres sur les miennes. Puis elle se détache de moi et sourit, un sourire si grand qu'elle doit en avoir mal aux joues. Elle se blottit contre moi, la tête dans le creux de mon cou, et rit doucement. Elle est si heureuse que cela me comble.

Mon rôleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant