▷un◁

17 1 0
                                    

La mélodie à peu près brutale qui me sert d'alarme me tire de mon sommeil. Étrangement, celui-ci était plutôt réparateur.Moi qui ne dors jamais bien longtemps, aujourd'hui je me sens bien. Enfin, reposée. J'éteins le réveil et quitte mon lit. Encore une journée de cours, pas d'excentricité.

- Bouge-toi tu vas être en retard.

- Du calme, il me reste quelques minutes.

- La vie de ma mère, s'ils ne te laissent pas rentrer, je viens pas t'aider.

- Ne jure pas dès le matin ! Il me reste quelques minutes je t'ai dit.

Mon frère me toise de haut en me laissant enfin déguster mes pauvres tartines au chocolat. Il est toujours sur mon dos depuis qu'il a décidé d'arrêter ses études pour aider la famille. Enfin, ça c'est plus ce qu'il dit.
Je pense qu'il l'a fait volontairement, par lassitude. Il disait toujours que connaître des mots compliqués ne paye pas le loyer. Ça ne m'étonnerait pas qu'il se soit mêlé à ces pseudos criminels en bas de l'immeuble qui revendent toutes sortes de drogues pas nettes pour des types pas commodes. Mais enfin, c'est sa vie, pas la mienne. J'ai d'autres frères.

En parlant des loups, ils me rejoignent dans la cuisine. À moitié réveillés, Yvan me quémande une tasse de lait pendant que Nolan essaie de me voler une tartine.
Je les adore ces deux-là. Ils font mes journées avec leurs bêtises. J'aimerais bien qu'ils ne finissent pas comme Dan, le plus grand d'entre nous. Ils sont encore trop innocents pour ce monde.

- N'oubliez pas d'aller à l'école.

- Azy, tu rentre au lycée et tu te crois tout permis. Dégage.

- Tu es en cinquième Yvan, tu ne peux pas comprendre.

- Et moi je suis en troisième lol.

- Mais c'est pareil en fait !

Je les laisse se disputer dans la cuisine et m'éclipse dans ma chambre pour récupérer mon sac et mon téléphone. Oui, une journée banale.
Je salue ma mère en refermant la porte d'entrée de notre appartement. Elle fait tant pour nous maman. Gérer quatre enfants toute seule c'est assez chaud, mais elle ne s'est jamais plaint. Elle n'a jamais montré un seul signe d'agacement et de fatigue. Je voudrais être ce genre de femme plus tard, forte et battante, acharnée et courageuse.

Bref, je m'égare à nouveau dans mes pensées.

Je quitte mon immeuble, sans oublier de saluer ces fameux délinquants qui passent leur vie en bas de notre immeuble pour on ne sait trop quoi. C'est par politesse bien sûr. Je ne leur accorde pas tant d'importance.
Des mètres de parcourus plus tard, j'ai le bonheur de tomber sur mon meilleur ami. Il semblait m'attendre, pas loin du portail du lycée. Des écouteurs étaient enfoncés dans ses oreilles rougies par l'hiver qui s'annonçait. Il a sourit en me voyant.

- Yo Maé.

- Salut Nell. Tu m'attendais ? C'est trop chou...

- Non, en vrai, j'ai pas envie de rentrer tout seul. Ils risquent de me mettre dehors pour retard et ça craint de se retrouver tout seul.

- Sympa.

Il me tend son coude, autour duquel j'enroule mon bras. On finit par passer le portail à deux minutes de la sonnerie, à peu près sans encombres. C'est dingue comme le règlement est strict ici. Je regrette l'époque de mon vieux collège, les surveillants étaient moins compliqués à berner et personne ne se préoccupait des absences d'un tel ou d'un tel.

- Ah ! Le couple a daigné nous faire l'honneur de sa présence.

- On a qu'une minute de retard monsieur c'est pas la fin de la planète.

L'insolence naturelle de Nell a répondu à ma place. Le visage du prof d'histoire s'étire en une grimace de colère. Plus ridicule que réellement menaçante. Mon meilleur ami est déjà passé à autre chose, il s'attèle à retirer ses écouteurs tout en cherchant son cahier et un stylo dans son sac.

C'est ennuyant les cours. J'ai l'impression de voir la même chose chaque jour. Peut-être que Dan a eut raison d'arrêter qui sait ? Je ne vois toujours pas en quoi connaître l'histoire de Napoléon Bonaparte nous servira dans la vie. Chaque leçon que je note, finira par disparaître une fois cette classe achevée. C'est une succession d'étapes inutile. Dan et ma mère me répètent que je dois avoir des diplômes si je veux une belle vie. Si je veux pouvoir m'acheter des rêves, comme on dit.
Je ne sais pas qui a tord ou raison, alors je continue d'écrire. Je continue de noter chaque mot qui quitte la bouche de ce professeur aussi ennuyant que sa matière. Mais, je me sens désintéressée. C'est sûrement ça la réalité.

- Ça te dis de passer la nuit chez moi ?

- Tu veux me faire des enfants ?

- T'es tellement bête...Non, Nolan a reçu un nouveau jeu qui peut te plaire. C'est oui ou non ?

- Oui oui. Je vais récupérer des affaires et je viens.

- À toute frère.

Nell prend son chemin et moi le mien. Encore une journée lambda, semblable à la précédente. C'est vrai que la terre ne tourne que dans un sens. On ne peut pas lui en demander plus.

Je resalue ces mêmes types qui ne quittent jamais le hall. Il me semble qu'ils sont plus nombreux cette fois. J'y aperçois même mon frère qui me fait les gros yeux pour que je rentre plus vite. Le trafique va probablement être saturé ce soir. Et c'est lui qui veut jouer les frères protecteurs alors qu'il risque sa vie pour des billets qui ne servent en réalité qu'à lui...
Belle ironie.

J'arrive dans mon couloir et c'est avec un étonnement non dissimulé que je vois des cartons qui jonchent le sol. Ils sont de différentes tailles et plutôt nombreux. Le plus surprenant, c'est qu'ils n'étaient pas là ce matin.

Je rentre tout de même chez moi et préviens les autres de l'arrivée imminente de Nell qui va passer la nuit.
Avant de m'enfermer dans ma chambre pour accéder à l'univers corrompu d'Internet, je me souviens de ces cartons derrière la porte d'entrée et interroge mes frères qui sont en train de s'exciter sur leur PlayStation.

- Oï vous deux ! Ils sont à qui les cartons dehors là ?

- Les nouveaux voisins, ils sont arrivés juste après ton départ.

- Ouais, eux-mêmes ils sont pas encore installés. C'est juste leurs affaires.

Tien, c'est surprenant. La nouveauté, c'est assez rare dans le coin. Mais, pourquoi pas ? Après tout, ça pourrait être intéressant.

chrσníquє dєs jσurs nσuvєαuх Où les histoires vivent. Découvrez maintenant