Insupportable

                Les grands scientifiques s'étaient réunis dans l'hémicycle prévu pour les assemblées. Les grands « scientifiques »... du moins, c'est ainsi qu'on les considérait à l'époque. A tort ou à raison ? Là n'est pas réellement la question. Il y a eu dans le futur de plus grands scientifiques que ça ! Qui mirent au point les « vraies » sciences. Ceux présents actuellement dans l'hémicycle étaient loin d'avoir un raisonnement purement rationnel voire – et n'ayons pas peur d'utiliser le mot – scientifique en comparaison à ce que les scientifiques plus futuristes appelaient : la science. Mais pouvait-on vraiment leur en vouloir ? Naturellement, non. L'époque, et quand nous parlerons d'époque nous parlerons bien entendu de l'aspect temporel de la chose, faisait que l'Homme (celui avec un grand « H » car la femme est tout aussi responsable) cherchait des réponses là où il pouvait ! Bref, nous appellerons ces gens des « scientifiques ». Autrement dit, selon une étymologie incorrecte : « ceux qui posent les bonnes questions énervantes ». Le genre de questions que même les dieux finissent par ne plus supporter.

Ils étaient une trentaine dans l'hémicycle. Cela suffisait pour discuter des grands problèmes de la société. Mais aujourd'hui, quelque chose d'inattendu s'était produit. Une chose qui perturba grandement les gens et plus particulière ces fameux dits scientifiques.

Le premier d'entre eux se leva. Sa toge se souleva à la légère brise. Il dit :

-C'est réellement étrange. Nombreux de nos navires ne sont pas revenus de leur dernière sortie. La tempête les a sûrement pris. Le dieu de la mer nous ne veille plus sur nos marins.

-C'est qu'ils se sont encore aventurés trop loin, ces inconscients ! pesta le deuxième grand scientifique. Et ils sont tombés hors de la terre ! C'est pourtant connu, non ? Pourquoi s'aventurer là où on tombe ?

Après un instant, le troisième dit :

-Voici plusieurs semaines que nous prions le dieu du commerce et que les caisses de la ville ne sont pas renflouées.

-Il en va de même pour les récoltes ! renchérit le quatrième. La déesse de la culture ne semble pas encline à nous donner du soleil et un peu de pluie... juste comme il faut. Les champs sont secs comme la pierre.

Les témoignages continuèrent de voler à travers l'hémicycle pour chaque secteur de la société qui requérait le soutien d'une divinité. Le plus vieux des grands scientifiques se leva alors à son tour et proclama sans crainte d'une voix fébrile :

« Les dieux nous ont abandonné, mes chers citoyens... Nous allons tous mourir ! »

Mais le plus jeune d'entre eux répliqua à son tour :

-Non ! Ca ne peut pas se finir ainsi ! Il y a cette lumière au pied de la Montagne. Elle est apparue en même temps que nos problèmes. Quelqu'un a-t-il déjà été la voir ?

Le silence régna l'espace d'une dizaine de secondes dans l'hémicycle durant lequel le plus jeune chercha une réponse dans l'assemblée. Personne n'avait été assez curieux pour aller voir ce qu'était cette lumière. Mais soudain, une main se leva. La personne au bout du bras avoua :

-Si, moi. J'y ai été (Une trentaine d'yeux étonnés se tournèrent vers lui). J'y ai trouvé quelqu'un de très brillant, à tel point que j'avais du mal à le regarder. Son aura était si forte que je me suis prosterné devant lui.

-Mais qu'a-t-il dit ? s'impatientèrent les autres. Oui, qu'a-t-il dit ? Crachez le morceau !

-Il m'a dit qu'Il était désormais Le Seul Dieu, poursuivit-il. Que les autres n'étaient plus là pour nous aider. Il a dit aussi qu'on devait écrire Son Nom avec un D majuscule ; après, c'est un détail... mais Il y tenait, Le Bougre.