1 - Lily

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Novembre 1969.


La petite pierre de craie blanche fit un léger bruit à mi-chemin entre le frottement et le crissement en ricochant lamentablement sur le sol sableux de la rue. De sa chaussure trop grande, Severus envoya valser un deuxième caillou qui s'envola beaucoup plus haut que le premier... Trop haut. Il heurta la vitre la plus proche, celle du voisin plutôt gentil, celui qui lui demandait parfois s'il avait besoin de quelque chose, son visage prenant alors une teinte de légère compassion pour cet enfant un peu égaré et esseulé. La dernière fois, le voisin avait offert à Severus une pièce de 2 livres. Égoïstement, il s'était offert une part de gâteau à la pâtisserie de la rue des Rosiers.

Les rideaux du voisin étaient fermés. Il n'avait pas vu Severus mais il avait entendu le choc et il n'allait pas tarder à débarquer. Severus s'éclipsa rapidement et tourna en direction du parc à l'étang. De toute façon, la vitre était à peine fendillée, songea-t-il. Quand on était riche comme la plupart des gens, on pouvait se permettre de changer un carreau. Il longea la grille du parc jusqu'à arriver à l'endroit où les sapins l'empêchaient de voir l'intérieur du parc – et surtout les gens dans le parc de le voir, lui – et jeta un coup d'œil derrière lui pour inspecter la ruelle. Personne. Personne ne traînait jamais dans l'impasse du tisseur. Même à cinq heure du soir le vendredi.

Il y n'y avait pas loin de deux mètres en-dessous de Severus quand il fut en haut de la grille. Il s'étira pour atteindre la branche de sapin la plus épaisse et la plus proche. Il grimpa dessus. La branche supportait largement son poids ; on n'est pas lourd quand on a neuf ans et qu'on ne mange pas beaucoup. À califourchon dans une position inconfortable, il se pencha à travers les branches vertes pleines d'épines et observa. Elle était là comme il l'avait espéré.

« Pétunia, j'ai froid !

— Viens là, ça va te réchauffer de te balancer un peu, Lily !

— Je ne peux pas, j'ai trop froid, je suis devenue une statue. Je veux rentrer...

— Oh non, Lily, tu m'avais promis qu'on ferait un tour de balançoire ensemble, tu te souviens ? Je vais te donner mon manteau, ça va te réchauffer. »

La fillette transie s'avança vers une autre fillette, un peu plus grande et plus blonde, qui lui ressemblait un peu. Elle attrapa la veste que lui tendait sa grande sœur avec une seconde d'hésitation.

« Mais Tunie, tu vas avoir froid.

— Ne t'inquiète pas. Papa et Maman m'ont demandé de prendre soin de toi. Et puis, tu vois ? Moi je suis grande et résistante, je ne sens pas le vent. Toi, tu es plus petite, plus sensible. »

Et la petite Lily glissa ses bras dans la fourrure, avec un regard plein d'admiration pour sa grande sœur Tunie si résistante et dévouée, qui grelottait pourtant.

Severus aurait bien aimé avoir une grande sœur. Ou un grand frère. Mais sans trop savoir pourquoi, il n'aimait pas cette Pétunia.

Par contre, Lily lui était... sympathique ? Intéressante ? Elle était au moins intéressante. Il avait vu quelque chose la semaine dernière, quelque chose qu'avait fait Lily et qui était à l'origine de sa conviction : elle était spéciale. Comme lui. C'était la troisième fois qu'il venait la regarder jouer avec sa sœur en une semaine. Il savait déjà quelques choses de sa vie. Elle s'appelait Lily, ses cheveux châtains tiraient fortement sur le roux, elle allait à l'école privée du coin et elle aimait lire et les fleurs. Elle était vive, intelligente, joyeuse... Et il y avait ses pouvoirs. La seule chose que Severus n'avait pas remarqué, c'est qu'elle était aussi assez capricieuse.

« D'accord, je te pousse au début. Mais après, tu essaies toute seule, ça te va ? Tendu, plié, tu n'as pas oublié. Vas-y, assieds-toi... Non, pas comme ça, tu vas tomber. Et laisse-moi te pousser. Oui, comme ça. D'accord, plus haut... Maintenant, vas-y toute seule ! Teeendu ! Plié... tendu... plié ! »

Lily obéissait aux directives de sa sœur avec un résultat rapide et inattendu pour une gamine aussi peu débrouillarde en apparence. Elle s'élevait et redescendait assez haut déjà, le vent dans sa longue et épaisse chevelure. Ses yeux ne pleuraient pas malgré le vent glacé qu'elle soulevait. On aurait plus dit qu'elle volait. Pétunia la regardait les yeux écarquillés et essayait de la maîtriser. Severus n'était pas du tout surpris, avec ce qu'il savait...

Il aurait bien aimé être ami avec Lily.

SEVERUS ROGUE : Le sens d'une vie (ENFANCE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant