Chapitre 2

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"Merci pour votre témoignage, mon père... Bonne soirée à vous deux."

La porte se referma, me coupant de cette scène pour à nouveau replonger avec cette peur ainsi que cette chose qui se désignait comme le Malin lui-même. En y regardant de plus près, je pouvais voir que, loin de s'agir de mes habits, il portait ceux de feu l'ancien prêtre de l'église, qui se trouvait dans une caisse destinée aux plus démunis. Même s'il ne devait s'en douter, tout cela me répugna, d'autant plus que son sourire faux tentait de me montrer une sorte de chaleur humaine.

Le démon se rapprocha, me faisant reculer vers l'arrière de la pièce et ce jusqu'à ce que je frôle le mur jouxtant mon lit.

"Ulrich alors..."

Sa seule voix me dit craindre le pire. Elle paraissait suave, presque langoureuse, à la limite de la luxure... Comment un homme pouvait il se comporter de cette manière envers un autre..? J'en oubliais les écrits de la Bible... Sodome et Gomorrhe ainsi que les références à ce péché immoral qu'était la passion des chairs sans procréation. Je ne connaissais rien à cela et ne voulais en aucun cas avoir à faire avec ces choses.

À ce moment, j'hésitais à le provoquer. Cela aurait été le plus logique, me direz-vous mais jamais je ne me l'étais et me le serai permis. Céder à la colère ne me ramènerait qu'aux Enfers, le jour de ma mort. Tentant de garder ainsi mon calme, j'apaisis mes quelques tremblements et me redressa pour faire en sorte de totalement le fondre parmi les meubles, comme si rien ne s'était passé entre nous. Puis, comptant prier pour ce pauvre homme mort sans la moindre extrême onction, je me rendis dans la chapelle, sentant toutefois l'Autre me suivre jusqu'à la porte.

Revoir le vitrail de St Georges et ressentir sa présence me bloqua à nouveau. Rien ne pouvait l'empêcher de m'attaquer... Toutefois, il se posa à ma droite et plia un genou tout en continuant à regarder mon visage.

"Je sais c'que tu t'demandes, le froqué. J'l'ai pas buté. J'ai pas b'soin d'ça.

Pourriez-vous le prouver devant l'archange protecteur de ce lieu?, me mis-je à chuchoter.

S'tu veux."

Je le vis alors s'agenouiller et prier, me montrant sans nul doute que la religion et le miracle que j'espérais n'étaient que fabulation et malentendu. Il usa d'un latin assez basique mais avait une excellente prononciation de chaque mot, bien loin de ce charabia auquel je commençais étrangement à m'habituer.

Il se releva rapidement, sifflotant légèrement puis prit mon bras pour me remettre debout alors que j'étais loin d'avoir fini mes cantiques puis m'emmena de nouveau dans la pièce de vie. Je le savais maintenant par cette prière, cet homme qui se faisait appeler Richard était en réalité qu'une brebis égarée. Étrangement, cela me soulagea pour une simple et bonne raison, je pouvais l'aider à sortir de cette folie, de ce faux aveu. Le Seigneur me l'avait peut-être même envoyé afin de voir à quel point je croyais en lui...

"Hé! J'te parle! Tu veux bouffer quoi?

Excuse moi. J'ai une ou deux salaisons à l'arrière mais rien de frais...

T'as pas de patates?

Depuis la Grande Famine, nous mangeons principalement des pois et des haricots. La pomme de terre est bien moins utilisée désormais."

Je vis alors une certaine tristesse dans son regard. Je compatissais à cela car j'aimais moi-même en manger quelquefois. Pour autant, je ne m'attendais pas à le voir scruter les légumes avec autant de surprise qu'un enfant à la St Nicolas. Je me suis levé afin de faire tremper une livre de pois mais il m'arrêta net et me somma de m'asseoir.

Néanmoins, cela était mal me connaître. Je suis alors parti vers la gauche de la réserve et sortit de la poitrine séchée ainsi que les derniers oeufs de mon garde manger. L'homme se retourna à nouveau, posant sa main sur la mienne.

"J'm'en charge. Va te poser sur ta chaise.

Pour quelles raisons ?

Parce que j'l'ai décidé. M'oblige pas à faire comme hier. Alors tu vas t'asseoir."

Ne voulant pas faire face à ce côté aux penchants étranges, je me suis plié à sa demande et ait sorti ma Bible afin de l'étudier en attendant de voir ce que cet inconnu allait me préparer. Et, je devais l'avouer, je n'étais aucunement préparé à cela... Tout semblait cuit mais une fois dans ma bouche, une odeur de charbon se mit à emplir mes papilles. Il ne savait pas préparer quelque chose d'aussi simple...

Le pire était sans doute son regard insistant, me demandant silencieusement si j'apprécierais ce massacre olfactif. Je n'avais pas une seule épice pour tenter de couvrir cette nourriture gâchée pour ne pas arranger les choses. Et lui, dans toute sa bonne volonté, attendait ma réponse, s'impatientant même aux vues de ses doigts tapotant sur la table. Devais-je lui avouer la vérité ou mentir pour la première fois depuis mon entrée dans les ordres anglicans?

"Les senteurs sont originales, je dirais...

T'en a pas bouffé souvent ?

Je n'irais pas jusque là...

Oh."

Je ne savais, à ce moment, comment il allait réagir mais je comprenais qu'il était vexé et surtout honteux. Je craignais la réaction de ce demi colosse mais loin de s'énerver contre moi, l'irlandais s'installa sur l'autre chaise et posa ses coudes sur la table avant qu'un nouveau sifflement se fit entendre. De prime abord, je pensais que ces sons provenaient de lui, pour autant, ses lèvres fines ne bougeaient pas. Il se leva, rejoignant la porte menant vers le jardin.

D'habitude pas très curieuse, j'ai quand même décidé de le suivre silencieusement. Je découvris alors un autre homme à l'allure gigantesque. Il devait avoisiner les sept pieds et demi et possédait une musculature digne des Hercules du cirque.

*****************************

"T'en es bien sûr, Baphys ?

Certain Hassan. Parle leur de ce meurtre. Ils viendront rapidement. Je ne veux pas que George ou les autres viennent y fourrer leur nez.

Tu en as déjà un ici, derrière toi. Le sais-tu?

Oui. Mais je ne sais pas comment, il comprend pas le langage des ailés...

Je l'espère. Sur ce, prend soin de toi, mon frère, je retourne chez moi.

Passe le bonjour à Iblis. On se voit pour les fêtes, au cirque?"

Comme d'habitude, aucune réponse. En me retournant, je le vis devant le pas de la porte. Il me regardait avec ce même air peureux. Qu'est-ce qu'il peut parfois ressembler à un chien...

J'en ai jamais eu et pour cause... Je hais ce genre de regard... La pitié, la compassion, tous ces sentiments humains, même si je les avais appris et compris plus jeune, je ne les ressentais plus. Pour autant, je voulais libérer ce prêtre aux airs d'ange de cette secte qu'est l'Église et ce, quel qu'en soit le prix.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 12, 2023 ⏰

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