Le parquet craque. Le vent siffle. Elle descend les escaliers avec lenteur, le regard absent. Ses petits pas font grincer les marches à rythme régulier. Sa fine silhouette se déplace à travers la pièce. Elle semble tourner en rond. Son but est dur à définir, en tout cas. Elle finit par s’arrêter devant une photo. Ses yeux gris la regardent un instant, avec ce même voile d’inconscience. Elle ne sourit pas. Elle ne laisse rien paraître. Finalement, elle fait demi-tour et change de pièce. Sa petite robe bleue, d’une transparence étrange, virevolte légèrement, de même que le nœud attaché dans ses cheveux. Elle passe sous une arche qui tombe en morceaux, avant de pénétrer dans une pièce spacieuse et sombre. Au centre de celle-ci se trouve une grande table ronde entourée de nombreuses chaises … douze, exactement. Dessus règne un désordre inhumain, où se mélangent tasses à thé et crayons, livres et assiettes. Tout autour, il y a d’immenses bibliothèques –qui ne contiennent pas que des livres d’ailleurs- qui donnent un air chargé à la pièce. Elle avance, laissant glisser son doigt sur la poussière bien présente sur chaque centimètre carré. Petit à petit, le vent se calme et un silence bruyant domine l’atmosphère. Des pas se font entendre alors qu’elle est arrêtée. Il y a quelqu’un d’autre, ici. Elle semble d’ailleurs l’avoir remarqué. D’un mouvement gracieux, elle tourne la tête vers la source du bruit. Les lumières éteintes et la pâleur certaine de l’individu ne permettent pas d’en savoir beaucoup. On distingue cependant la forme de sa tête, entouré de cheveux courts ébouriffés, puis ses épaules carrées. Il a l’air mince, et se tient extrêmement droit avec un fier port de tête. A côté de lui, elle est minuscule. Elle lui arrive aux hanches à peine, mais le fixe de son regard froid, comme si elle attendait une quelconque justification pour l’avoir dérangée. Il tente de soutenir son regard un instant –enfin, impossible de le savoir exactement puisque son visage est plongé dans l’ombre- avant de détourner la tête sur le côté. Sans doute n’est-il pas aussi assuré que ce qu’il laisse paraître. Il se racle la gorge en un grognement étrange, avant de lui adresser la parole.
« Je ne faisais que passer. »
Sa voix rauque résonne dans les lieux pendant quelques secondes, avant de stopper net. Elle hoche la tête d’un petit geste, et il tourne les talons en retenant un frisson. Avec cet éternel masque d’antipathie sur le visage, elle s’approche d’un fauteuil et se hisse dessus sans difficulté. Elle retire la poupée qui se trouve maintenant dans son dos, et la dépose sur ses genoux. Le jouet est usé, sans doute par le temps. Quoiqu’il en soit, rares sont les cheveux qui sont toujours sur son crâne. Il lui manque un œil, et avec le sourire béat que la poupée a sur le visage, c’en est presque effrayant. Elle porte une robe rose clair, grisée à mesure du temps. Se redressant un peu sur le fauteuil, elle la regarde avec attention, et pendant quelques secondes on peut voir une petite flamme briller dans ses yeux. Emotion qui s’éteint aussi vite qu’elle s’est allumée. Ses cheveux blonds cristallins, légèrement bouclés, tombent en cascade sur ses petites épaules. Sa silhouette a tout de fragile. On a l’impression qu’on pourrait la briser à chaque contact. Pourtant, son visage affiche un air dur, malgré ses traits enfantins. Tout son corps a cette transparence étonnante, qui laisse voir le tissu à carreaux du fauteuil sur lequel elle est assise.
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Inevitably
Siêu nhiênUn pas, un mot, un geste, et tout bascule. Ils le savent, ils en ont fait les frais.