L'ami imaginaire

Deux

Eva lisait tranquillement un livre, assise dans la cuisine. Elle feuilletait les pages tel un recueil précieux. Maude mangeait ses céréales, leurs père lisait le journal alors que la mère coupait des légumes. La jeune fille était fatiguée, faute de ne pas avoir assez dormi. Maude se leva, déposa son bol de céréale sur le comptoir et empoigna son sac par la bretelle.

-J'y vais.

-Bye ma chérie, souffla sa mère en lui souriant.

Maude partit sans rien dire de plus. Sa mère se tourna alors vers Eva.

-Tes cours vont bientôt commencer aussi. Tu y vas?

-Oui.

Eva tourna une autre page, puis une autre avant de refermer le livre et de s'être enfermée dans sa chambre. Elle ouvra son ordi, se connecta sur sa session et commença ses cours par correspondance.

-Bonjour Eva, comment vas-tu?, demanda l'homme en arrière de l'écran.

-Bien.

-Parfait. Sors tes cahiers de mathématiques, nous allons commencer la matière.

Sans un mot, elle s'éxécuta puis suivi ses cours pendant plus d'une heure. Comme ses parents avaient peur que son comportement nuise avec les relations qu'elle pourrait façonner avec les autres, ils avaient contacter un professeur privé qui pourrait lui faire des cours en correspondance.

-Eva?

Elle reporta son attention vers son écran.

-Tu veux prendre une pause?

-Oui.

Il souria, révélant deux rangées de dents parfaitement blanches.

-Ok. Dans trente minutes nous reprenons.

Eva éteigna sa session et se leva de sur son lit.

-Joey? Tu es là?

Elle se retourna avant de sourire, regardant la chaise de son bureau.

-Tu vas bien?

Elle souria une nouvelle fois, jouant nerveusement avec le cordon de ses joggings.

-Oui, mes cours vont bien. Ils me saoûlent mais je n'y peux rien. L'avantage, c'est que je n'ai pas à mettre le pied dehors, comme si mes parents allaient essayer.

Elle rit, s'assoyant en tailleur sur le sol. Puis, elle redevint soudainement sérieuse.

-Tu étais parti où hier? Je me suis vraiment inquiété pour toi, tu sauras.

Elle soupira.

-Ça va aller.. Joey. Oh non! Ne pleure pas! Je suis désolée je ne voulais pas...

Elle se mordit la lèvre.

-Je me sens mal Joey. Je suis vraiment désolé. Je peux te faire un câlin.

Elle souria et se leva en se ruant vers la chaise de son bureau. Puis, elle entoura le vide de ses bras. Comme si elle caressait un fantôme. Hors, ce n'était pas le cas.

-Désolé, je ne voulais pas te faire mal, dit-elle en relâchant ses bras. Je n'ai envie de recommencer mes cours.

Elle fixait la chaise puis sourit en baissant les yeux.

-Bon d'accord mais je le fais pour toi.

Elle s'installa sur son lit, empoigna son crayon entre son pouce et son index avant de recommencer son cours.

À peine avait-il commencé que sa mère fit irruption dans le cadre de porte.

-J'ai préparé des crudités. Tu en veux?

Elle lui montra l'assiette garnie de céleris, de carottes, de piments et de concombres autour d'un bol d'une trempette inconnue. La jeune fille acquiesça et sa mère vint le lui emmener.

-Ça va aller?
-Oui.

Alors qu'elle s'apprêtait à partir, elle s'arrêta et se retourna vers sa fille qui s'était déjà attaquée à une carotte.

-Où est Joey ?
-Tu ne le vois pas?

Mal-à-l'aise, elle répondit du tac au tac.

-Non. Je suis vraiment fatiguée donc ma vue est plus basse que d'habitude.

Eva pointa la chaise de son bureau.

-Il est là. Tu le vois maintenant ?
-Oui ma chérie.

Un bruit surgit de l'ordinateur.

-Qui est Joey?

Sa mère sursauta.

-C'est un de ses amis.
-C'est mon petit ami!, déclara Eva d'une voix plus forte, un pointe de colère dedans.
-Désolé. Je vais y aller moi. À plus tard!

Eva ne répondit pas et reprit ses cours sans aucune autre interruption. Lorsque ce fut terminé, elle tourna vers elle-même et fronça les sourcils.

-Joey? Où es-tu?

Elle tourna autour d'elle. Plusieurs fois. Jusqu'à en avoir mal à la tête. Ses idées se mélangèrent, toujours affolée de ne pas aperçevoir celui qui fait battre son coeur. Des pas se firent entendre au loin, résonnant dans les oreilles de la jeune fille. Elle se mit à crier et à pleurer.
Maude apparut dans le cadre de porte, complètement désarçonnée.

-Maman!, cria t-elle. Maman!

Maude restait appuyé sur le mur, comme si sa vie en dépendait tandis qu'Eva lyrait complètement sur le sol, ses yeux humides et rouges et tâtant le sol à la recherche de traces invisibles.

-Maman!

Cette dernière fit irruption dans la chambre en panique. Elle s'agenouilla au-dessus de sa fille, lui caressa les cheveux et essayait de la raisonner mais rien à faire.

-Maude, le téléphone. Vite!

La jeune fille se rua hors de la chambre et sa mère reporta son regard vers la petite fille.

-Je veux Joey, braillai t-elle.

Elle semblait si innocente, si fragile à ce moment même alors qu'habituellement, elle était froide et lunatique. Maude revint quelques instants après, le téléphone à la main. Sa mère composa rapidement un numéro et colla l'appareil à son oreille.

-Oui bonjour. Oui, c'est madame Meyers. C'est une urgence. Ok merci.

Elle raccrocha, laissa le téléphone tomber sur le sol et prit sa fille dans ses bras. Maude se laissa glisser sur le sol, la tête entre ses jambes.

-Ça va aller ma chérie. Nous allons te sauver.., murmura sa mère à l'égard de sa fille cadette.

-Je veux Joey..

-Il n'est pas là.

-Il est parti?

Sa mère sondait son visage, déstabilisée.

-Non. Il n'est pas là.

-Je...

Elle ferma les yeux entre quelques soubresauts. Puis, sa mère pleura à chaudes larmes comme si les derniers instants de sa fille défilaient dans ses bras.