Il est venu chaque semaine, quarante-sept fois au total, il m'a rendu visite et m'a parlé de tout ce que je devrais vivre.
Quelle horreur d'entendre quelqu'un vous raconter ce qui devrait être votre quotidien.
Quelle horreur d'entendre quelqu'un vous faire indirectement la morale.
Quelle horreur d'entendre quelqu'un vous reprocher d'avoir abandonné.
La vieille dame qui occupait la chambre avec moi est parti il y a maintenant trois vendredis. Il faut croire que la mort la voulait comme colocataire, et que sa petite-fille n'a rien pu faire contre cette être si puissant. Comme c'est triste d'être si impuissant face à certaines choses, comme c'est triste de devoir laisser s'en aller ceux à qui l'on tient, comme c'est triste de ne pas accepter qu'ils prennent un chemin différent du votre.
« Candice, tu as été une personne merveilleuse et je suis vraiment triste que tu nous aies quittés. La vie aurait du te laisser le temps de montrer toutes tes capacités. »
Pourquoi parles-tu comme si j'étais déjà morte ? Je sais que je suis condamné, mais ne parle pas de moi comme d'une feuille qui a abandonné son arbre, je t'en prie. Je peux encore sentir le sang cogner contre mes veines, je peux encore sentir toute cette douleur, caractéristique du monde odieux sur lequel nous logeons.
J'ai alors rassemblé toutes ces forces qui m'avaient jusqu'à présent été inconnues et je crois bien que j'ai réussi à faire trembler ma paupière droite. Non, je suis sûre de l'avoir fait, puisque j'ai senti ce mouvement déambuler dans l'entièreté de mon être. Malheureusement, c'est aussi ce qui lui a donné un espoir qui a fini de le briser, c'est ce qui a été le choc thermique qui a fait exploser ce cœur de verre.
Pardonne-moi, je t'en prie.
« Je t'aime Candice » je l'ai entendu annoncer difficilement, coupé par les sanglots
Voilà donc quels ont été les derniers mots que j'ai entendus.
« Je t'aime aussi, je vous aime tous »
Voilà donc quels ont été les derniers mots que j'aurais aimé prononcés.