- Chapitre 1 -

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 Point du vue Aëlys

              Cette fois-là fut l'une des pires. Je la vivais en boucle chaque nuit lorsque le sommeil gagnait face à mes insomnies :


J'ai quatorze ans, je suis affalée dans mon fauteuil près de la fenêtre de ma chambre, le nez plongé dans le premier tome du « Seigneur des Anneaux » de J.R.R Tolkien. Alors que la Communauté de l'Anneau fait ses premiers pas dans les mines de la Moria, j'entends un bruit de verre se brisant au sol. Alertée, je referme mon livre et sors de ma chambre en toute hâte. En me dirigeant vers l'escalier menant au rez-de-chaussé, j'aperçois le visage de mon petit frère Jayme dans l'entrebâillement de la porte de sa chambre. Il a l'air inquiet. Je lui demande de rester dans sa chambre et de ne surtout pas descendre. Il opine du chef et ferme la porte de sa chambre.

 « Hors de question qu'il ait à assister à ce genre de scène une fois de plus ! » pensai-je, serrant les poings tout en m'élançant dans les escaliers. À mesure que je m'approche du rez-de-chaussée, les cris d'hystérie de ma mère s'amplifient. En arrivant à hauteur de la cuisine, je vois Gabriel, le fils du meilleur ami de mon père, que nous avions adopté suite au décès de ses parents quelques mois plus tôt, appuyé contre le mur près de la porte de la cuisine. Il a le visage fermé, les bras croisés et semble surveiller la situation de loin. En me voyant arriver vers lui, il se tourne vers moi l'air inquiet et fait barrage.

« - Laisse-moi passer Gabe ! »Lui dis-je, plus durement que je ne le voudrais.

«- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée Lily. Retourne te coucher ! Je reste là au cas où...»

«- Hors de question ! Je ne vais certainement pas rester dans mon lit à attendre que ça dégénère... Ras le bol ! » M'écriai-je, en forçant le passage. 

Je rentre en trombe dans la cuisine et y trouve mon père, accoudé au plan de travail, le visage dans ses mains. En scrutant la pièce, je m'aperçois que de la vaisselle a été explosée au sol. Mon père relève la tête et son visage prend un air inquiet lorsqu'il me voit.

« - Ma chérie, remonte dans ta chambre. Je ne veux pas que tu assistes à ça... »

« - Où est Maman ? » Le coupai-je.

Un bruit sourd provenant du salon répond à ma question. En prenant soin de ne pas marcher dans les débris de verre au sol, je me précipite vers le salon. J'y vois ma mère, jetant un à un les livres de la bibliothèque par terre tout en se parlant à elle-même. J'ai beau avoir souvent assisté à ce genre d'épisode depuis mon enfance, je demeurai effrayée par ma mère lorsqu'elle était dans cet état. Je prend une profonde inspiration, et m'avance vers elle tout doucement.

« - Maman ? Qu'est-ce que tu fais debout à cette heure ? Tu devrais aller te coucher, tu as l'air fatiguée... » lui dis-je.

« - Il pense que je ne vois rien, mais je ne suis pas aveugle... Ils pensent tous que je suis folle, mais j'ai toute ma tête... Ils verront que j'ai raison... » Psalmodie ma mère. Tout en soupirant, je répond : 

«- Mais qu'est-ce que tu racontes ? »

« - Ton fumier de père me bat ! Regarde mes bras ! » S'écrie t-elle tout en me montrant ses bras. 

Je m'approche d'elle prudemment et regarde attentivement ses bras. Évidemment, il n'y a rien... C'est toujours la même chose lors de ses crises. Elle provoque une dispute avec Papa, elle se met ensuite en colère puis s'en prend au mobilier et finit par crier que le monde est contre elle. On a maintes fois essayé de la raisonner, de lui faire comprendre qu'elle avait besoin d'aide... Mais cela s'est toujours avéré inutile. Tout en essayant de rester la plus calme possible, je tente une énième fois de la faire revenir à la raison.

See you Muir Éireann !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant