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On a continué à se voir, à boire de la limonade sous les étoiles, à discuter de poésie et de planètes.

Je suis venu presque tout les soirs à la supérette où Samaël travaillait.
C'était beau.

Mais j'ai eu peur que ça s'arrête d'un coup, que le bonheur me file encore entre les doigts, qu'il se lasse de moi.

Peur que son sourire avec une dent en moins s'efface.

Je ne méritais pas ces moments hors du temps, cette douceur dans l'air et cette limonade qui nous piquait la langue.

Je me suis demandé ce qui serait arrivé s'il n'était pas passé sous le pont, ce jour là et s'il ne m'avait pas emmener me baigner dans la fontaine du petit parc.

J'ai arrêté progressivement de venir, de peur de le déranger.
Je me sentais engloutis par le vide.

Seul, paumé, triste.

Je suis resté dans mon appart, à fixer le plafond blanc pendant de longues heures. Je n'avais plus la force de sortir, de mettre mon masque, de faire semblant.
C'était trop.

Pourtant, le sourire de Samaël me hantait, ses mains pleines de cicatrice et son iroquoise pas droite.

Cette après midi là, je fumais à mon balcon quand la sonnette à retentit.

-Saturn ! Viens !

Je me suis penché par dessus le rebord et j'ai aperçu ce punk là, planté en bas de mon immeuble avec un caddie de supermarché et deux cannettes de bière.

Je suis descendu à ses côtés et je me suis retrouvé face à un Samaël surexcité.

-Regarde ma trouvaille !

C'était juste un vieux caddie en métal avec des poignée rouge et une petite plateforme pour y mettre les enfants.

-Aller viens, on va descendre la grande rue piétonne dedans !

J'ai rien dit, mais l'idée me plaisait.

-T'inquiète pas. Aller, monte dedans.

Finalement je me suis installé entre les grilles du caddie comme un gamin pendant que Samaël me poussait à bout de bras en criant. Une fois arrivé en haut de la grande rue, il est monté avec moi.
Je me suis retrouvé dos contre son ventre, ses mains sur mes épaules et j'ai eu des frissons dans toute la colonne vertébrale.

On a dévalé la pente en hurlant d'un mélange de joie et de peur. La caddie tremblait et nos cheveux filaient au vent.

C'était euphorisant, exaltant.

J'ai eu l'impression d'être vivant pendant quelques minutes et j'ai eu envie que jamais ce moment ne s'arrête. Mais y'a toujours une chute.

On a percuté une barrière et Samaël a perdu le contrôle. On s'est écrasé contre un mur et le caddie s'est renversé sur le côté.

Malgré nos membres endoloris et nos jambes qui saignaient on riait.

Je l'ai trouvé beau à cet instant précis, affalé contre le béton, les genoux en sang et les cheveux en bataille.

Bonsoir, vous avez de la limonade ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant