Ce matin après que Phill m'ait réveillé, je suis allée prendre ma douche. Le pommeau de douche accroché au mur, je mets l'eau à trente degrés Celsius puis ferme les yeux. J'augmente petit à petit la température jusqu'à ce que ça bloque à trente-huit degrés. Tout mon corps se détend au contact de la chaleur et de l'eau se transformant petit à petit en vapeur, remplissant, j'en suis sûr, le miroir de buée.
Je sursaute quand on toque à la porte de la salle de bain que je n'ai pas fermé à clé, ayant trop peur d'y rester enfermée.- Martha ne prend pas des heures à prendre ta douche sinon on va être en retard.
Je coupe l'eau et masse mes cheveux avec du shampoing pleins les mains.
- J'ai bientôt fini.
J'entends les pas de Phill s'éloigner et souffle de soulagement qu'il ne soit pas entrée.
Je frotte ensuite ma peau avec un gel douche qui sent la fleur mais surtout le chimique à m'en donner la nausée. Ça me donne des hauts le cœur, ça me rappelle le parfum de maman.
Une larme coule, puis deux. Je réactive l'eau et me re-détend, mettant de côté les larmes et les souvenirs. Quand j'ai fini de me rincer, je me sèche puis m'habille d'un jean bleu ample -pour ne pas me sentir oppressée-, d'un t-shirt et d'un sweat gris.De la buée habit les miroirs comme je me l'étais imaginé. Mon reflet n'est que brouillard et les contours de mon corps informent, un peu comme mes pensées. Je prend alors le sèche cheveux que j'ai supplié Phill de m'acheter, le branche et dirige l'air chaud qu'il rejette vers le miroir. La buée s'en va petit a petit, redonnant à mon reflet peu à peu ses formes originelles. Cependant mes pensées restent floues, remplies de brouillard qui ne se dissipe pas. J'arrête le sèche cheveux quand je me vois presque entièrement dans le miroir puis le repose où je l'ai pris.
Je me souris pour me donner du courage mais les traits de fatigue et de décourage restent incrustés sur mon visage, comme un tatouage indélébile. Je me décide ensuite de rejoindre Phill avant qu'il ne s'énerve. Il est assis a la même place qu'au dîner d'hier soir et boit son café posément en regardant la télé. Je m'assois a côté de lui, remarquant une tasse face à une chaise vide. Je remue ce qui semble être du chocolat chaud et en bois une gorgée. C'est bien ça.
Je relève la tête vers Phill qui me regarde surpris puis baisse mes yeux vers ma tasse tout en continuant de remuer son contenu.- Tu faisais quoi avec le sèche cheveux?
J'hausse les épaules en me renfrognant mais il insiste:
- Tes cheveux sont encore trempés.
J'arrête de touiller et bois une gorgée les mains tremblantes. J'aimerais qu'il arrête de m'embêter, que mes mains cessent de trembler. J'aimerais crier des phrases que je ne connais même pas pour me libérer car aucun mot n'existe pour exprimer ce que je ressens. Je le sens, les mots sont là mais ne viennent pas. Je n'en retient qu'une amère frustration.
- J'aurais aimé boire du café.
Il se lève de sa chaise et me fais remarquer :
- Je ne pense pas que ça soit raisonnable.
Je prend un biscuit posé sur une assiette au centre de la table et le grignote. J'étais sûr qu'il refuserait pourtant j'espérais que sa réponse soit «comme tu veux Martha». Malheureusement, ça n'arrivera jamais. Je veux mais je ne peux pas. Je ne veux pas mais je dois. Incessant.
- Rien n'est jamais raisonnable.
Sur mes paroles, il s'en va dans la cuisine. Énervée, je bois mon chocolat chaud d'une traite. De toute façon il était presque froid; Phill ne veut pas risquer que je me brûle. Pourtant un peu de chaleur brûlante m'aurait fait du bien. Peut-être que cela m'aurait amené un peu de réconfort comme lorsque je prend ma douche.
Je me lève, me brosse les dents, mets mes vieilles chaussures noires, prend mon sac à dos tout neuf et m'avachis dans le canapé attendant que Phill soit prêt.
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Retrieve
Teen FictionPerdue entre haine et tristesse, Martha essaie de s'y retrouver. Internée de force à ses neuf ans dans un centre hospitalier spécialisé, elle en sort huit ans après sous la tutelle de son médecin. Elle reprend le chemin de l'école et se re-mêle à l...