J'essaie tant bien que mal de suivre Thomas et ses amis. Oui, cette scène est belle et bien en train d'arriver. Phill m'a abandonné en fin de matinée pour «affaire urgente». J'opte plutôt pour le fait qu'il veuille que je me suicide.
Il est midi et Phill m'a dit de rester avec Thomas, que c'était mon seul repère. Génial le repère! Je suis à deux doigts de le perdre de vue. Le seul point positif est son ami le beau brun. Lui, il est beau à regarder et agréable à entendre. Même s'il ne parle pas beaucoup.- J'espère qu'on va pas attendre longtemps.
Même sans regarder Thomas, on peut facilement deviner par sa voix qu'il est énervé. On a rejoint une file d'attente qui fait des mètres et des mètres et qui n'avance à rien. Je n'arrive pas à croire qu'autant de monde puisse tenir dans une telle pièce, tous collés les uns contre les autres. Brouillon de mots et d'odeurs, rien est vraiment distinct. La hauteur sous plafond donne le vertige et les énormes vitres qui ornent le tout, donne envie de s'y jeter. Au Centre, plus d'une des filles que je côtoie seraient en pleine crise de panique. Enfin, du point de vue de Thomas, elles seraient en pleine crise d'hystérie.
Je m'approche à petit pas du vide, m'accroche au rebord d'une de ses vitres qui donnent sur une rue bondé d'adolescents en pagaille. Se poussent puis rient aux éclats. Se prennent en photos puis font faner leurs sourires. J'analyse le film qui se déroule devant mes yeux, paisible, ne pensant à rien, jusqu'à ce que des mots interpellent ma raison.- Tu crois que les folles ça passe prio?
Je me retourne brusquement vers Thomas, qui vient de poser cette question à ses amis. Pour qui il se prend? Je ne le pensais pas aussi... Audacieux? Arrogant?
Je pince mes lèvres pour m'empêcher de rétorquer, repensant à ce que ma meilleure amie Lisa me disait souvent "le silence répond aux cons". Je ne connais qu'elle qui pouvait sortir de telles choses au Centre. Elle était et elle sera toujours mon pilier, peu importe où elle se trouve dans ce monde.- Eh minus ! J'te cause.
Je relève la tête vers le cousin le plus détestable que je connaisse, qui me regarde méchamment et qui devait me parler depuis un moment. Sauf que je n'écoutais pas, dans la lune. Et puis au-delà de ça, j'en ai un peu rien à faire de ce qu'il a à me dire.
- Et toi Thomas, tu parles dans le vent. Je ne vais pas m'amuser contrairement à toi, à te dire tes quatre vérités devant tout le monde. J'imagine que tu veux garder le peu de dignité qu'il te reste à présent ? Très bien. Alors je m'en vais de ce pas.
J'inspire profondément et plonge dans cet amas de personnes transpirantes, à bras fermés, les ouvrant seulement pour pousser les quelques personnes qui me résistent. J'espère que mes excuses leur suffiront comme consolation. Aux grands maux, les grands remèdes ! C'est ce qu'on dit non? Dans tout les cas, je n'aurais pas supporter Thomas plus longtemps. Il est tellement... Détestable !
Malgré les mauvais regards qu'on me lance, personne ne trouve à dire quelque chose quant au fait que je les dépasse. Je scanne la carte de self que m'a passé Phill, prends un plateau puis me sers de quoi manger. Je ne fais guère attention à ce qu'il y a dans mon assiette, surtout lorsque j'arrive face à ce ramassis de tables ordonnées qui m'arrête dans ma lancée. Je reste plantée net au milieu du self, déconcertée de voir autant de gens assis sachant le monde qui attend dans la file. Je comprends mieux pourquoi ça n'avance pas.
Je marche à tâtons, cherchant un endroit où m'asseoir.Je finis par trouver une place à côté d'un groupe de filles qui ont l'air sympa. Enfin, elles sont les personnes qui sont présentement dans cette pièce dont j'ai le moins peur.
Commençant à manger, je laisse mes yeux divaguer de table en table, de filles en garçons, de rire en sourire. Je m'autorise enfin à souffler. Même lorsque que dans mon champs de vision, au-delà des tables, des filles, des garçons, des rires, des sourires, j'aperçois mon cousin et ses amis. Du moins leurs têtes qui apparaissent au dessus des palissades qui sépare le couloir de la file d'attente, à la cantine.Eux aussi me voient, me fixent. Je fronce les sourcils lorsque Thomas... Me fais un doigt d'honneur ? Je. Qu'est-ce que ?
- T'as fait quoi à Thomas pour le mettre dans cet état ?
Toujours choquée de l'attitude de Thomas, je ne fais pas attention à la personne qui me parle à ma droite, lui répondant tout de même :
- Je n'ai rien fait qu'être sa cousine...
Un rire éclate violemment sur ma droite, et, comme une onde de choc, ce rire propage d'autres rires autour de lui.
Je me tourne vers l'onde de choc, qui accapare dès à présent toute mon attention. Une blonde aux pointes rose, au sourire éclatant, percing à la lèvre inférieure. Son rire se tarit mais ses yeux noisettes témoignent de son amusement. Cette fille, beaucoup trop contagieuse, fait que j'exquisse un petit sourire.- Toi, je t'aime bien! s'exclame-t-elle. Tu t'appelles comment ?
Je donne mon prénom sans même réfléchir :
- Martha.
Son sourire s'agrandit, sachant que je ne pensait pas cela possible étant donné combien il était déjà grand. Je ne vois presque plus ses yeux !
- Oh ! Martha ! J'adore ! Je n'avais jamais entendu ce prénom. Moi c'est Gabrielle. Ça, ce sont mes potes.
D'un signe de mains, elle me désigne les personnes assises à cette table. Deux garçons et deux filles. L'un est roux aux yeux verts, l'autre châtain aux yeux marrons. L'une est blonde aux yeux bleus et l'autre châtain aux yeux noisettes. Certains me font un signe de main pour me saluer quant à d'autres qui se contentent d'un sourire.
Me sentant de plus en plus à l'aise, je sors de ma torpeur et lui répond :- Enchantée !
Gabrielle se met rire, pas aussi fort que tout à l'heure mais tout de même, puis s'exclame :
- Mais tu sors d'où M-D-R ? Enchantée ?
Perdue, je balbutie :
- Euhh et bien. Oui ?
Elle se tourne vers ses amis qui eux ne rient pas. Ne comprenant visiblement pas leur attitude, elle leur demande :
- Bein quoi ?
Le châtain se décide à prendre la parole après quelques hésitations, lançant des coups d'œil aux trois autres. Finissant par poser les regards sur moi puis sur Gabrielle.
- Gabrielle, c'est la cou-sine de Thomas...
Appuyant sur le mot cousine, baissant le volume de sa voix, comme si sa confession relevait d'une révélation. Oui, je suis la cousine de Thomas. Certes ce monsieur n'est pas facile à vivre tout les jours mais je ne vois pas le mal.
Gabrielle, elle, hausse les sourcils, ne voyant peut-être elle non plus, pas le problème.- Pierre, c'est pas parce qu'elle sort de chez les fous que j'ai pas le droit de me foutre de sa gueule. Si ?
Outch. Aïe. Aïe. Aïe. Je n'ai jamais vu mon moral chuter d'une tel hauteur. Je regarde mon assiette dont je n'ai mangé le contenu qu'à moitié, remarque que je n'ai plus d'appétit.
Au loin, derrière le silence du groupe, je visualise une pluie torrentielles arriver. À grande vitesse.
Je prends mon plateau et pars le plus loin possible d'eux. Je prends la fuite, entendant plusieurs voix derrière moi :- Eh ! C'est pas ce que je voulais dire ! Reviens !
Une main s'agrippe à mon sweat : Thomas.
- Tu fous quoi là Martha ? Je dois te surveiller je te rappelle.
Une goutte de pluie s'abat sur ma joue.
Qu'est-ce que je fous ?
Je pleure.
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Retrieve
Teen FictionPerdue entre haine et tristesse, Martha essaie de s'y retrouver. Internée de force à ses neuf ans dans un centre hospitalier spécialisé, elle en sort huit ans après sous la tutelle de son médecin. Elle reprend le chemin de l'école et se re-mêle à l...