Chapitre 11 : William

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Après le départ de mon père, j'ai tout juste eu le temps de me glisser dans mes draps avant de me rendormir. C'est la sonnerie de mon téléphone qui m'a réveillé, quelques minutes plus tard. Un message de Brian. « T'es où, mec ? Cole va commencer » affichait mon écran. Le proviseur Cole nous réunissait tous les matins dans la salle de conférence du lycée et, après le Pledge of Allegiance, nous abreuvait de ses bons conseils pour la journée à venir. Pensez à donner le meilleur de vous-même ! Vivez aujourd'hui le meilleur de votre vie !, etc. Le Dr Cole était passé maître dans l'art des phrases prosaïques bourrées de superlatifs. Plus d'une fois, j'avais songé à sécher ses discours stupides, mais le Dr Cole avait plus d'un tour dans son sac. Pendant qu'il jouait les philosophes en herbe, nos profs passaient dans les rangs, chargés de faire l'appel. Trois manquements injustifiés au discours de ce bon vieux Cole et vous étiez invité à passer votre samedi après-midi dans son bureau. Je pouvais voir le sourire sadique de ce salaud de Silverman étirer son visage alors qu'il notait mon absence d'une petite croix rouge, juste à côté de mon nom. La traîtrise du corps enseignant n'a aucune limite.

Je rangeai mon téléphone avec un grognement, désireux de me rendormir au plus vite. Pourtant, l'inquiétude de Brian m'avait fait une drôle d'impression. Il m'était déjà arrivé plusieurs fois de sécher les cours à cause de mon père et mes amis du collège n'avait jamais rien trouvé à y redire. Il suffisait que je me pointe le lendemain avec une nouvelle histoire de bagarre pour être accueilli par des exclamations de joie, ça faisait bien rire tout le monde et puis on passait vite à autre chose. Y'avait pas de quoi épiloguer.

D'ordinaire, je ne me serai pas donné la peine de répondre. Des tréfonds de mon sommeil, j'ai repris mon téléphone avant d'écrire à Brian. « Suis malade. Vous confie le club pour la séance de ce soir. Pas de bêtise ;) ». La seconde suivante, mon portable vibrait déjà dans ma main. Un GIF de chien levant le pouce en l'air (mais depuis quand les chiens avaient-ils des pouces ?). Puis : « OK capitaine. Repose toi bien. Je t'apporte les devoirs en rentrant ». Là-dessus, je me faisais pas trop de souci. Brian oubliait toujours de noter le travail à faire et je devais vérifier personnellement qu'il n'était pas en retard dans les devoirs à rendre. Mon image de cancre commençait sérieusement à en prendre un coup. Après ça, je me suis rendormi, étrangement soulagé.

Toujours allongé dans mon lit, je venais d'envoyer mes instructions détaillées pour l'entraînement du soir à Brian, lorsque j'entendis la porte d'entrée claquer. Mon père était enfin de retour. Il monta les quelques marches d'escaliers menant à l'étage et entra sans frapper dans ma chambre. Il me fixa longtemps, sans rien dire, avant de froncer les sourcils et de fermer les yeux, en proie à une douleur indescriptible. Il soupira et les rouvrit.

— Je peux ? demanda-t-il en désignant la chaise de mon bureau.

Je hochai simplement la tête, en signe d'approbation. Il s'installa face à moi, chercha longuement ses mots et commença enfin, en triturant sa cravate :

— Je vais faire des efforts. Je ne veux plus me prendre la tête avec toi, ton avenir, toutes ces choses. On ne s'entendra jamais toi et moi, c'est comme ça. Alors, fais ce que tu veux de ta vie, continue ce sport si ça te chante, je m'en fiche à présent.

Il me fallut quelques instants pour digérer ce qu'il venait de me dire. Il reprit :

— Je sais que tu as commencé à chercher un petit boulot, en ville... Tu veux garder cet argent pour partir quand tu auras fini le lycée, pas vrai ?

Je ne lui en avais parlé qu'une seule fois, mais il s'en était souvenu. Je m'étais en revanche bien gardé de me confier sur l'usage que je réservais à mon salaire. Il aurait été capable de me confisquer l'argent. Pris de court, je répondis par l'affirmative.

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