Chapitre 7 : Thomas

35 7 56
                                    

Nous étions finalement samedi matin. Nous devions partir tôt le lendemain matin pour rentrer chez nous, comme nous l'avions promis à nos parents avant notre départ. C'était donc notre dernier véritable jour tous ensemble et cela se dessinait tristement sur nos visages. Le petit-déjeuner se déroula plus ou moins dans un silence nostalgique, qu'Ed se chargea enfin d'interrompre. Sans doute se sentait-il coupable de notre abattement, bien qu'il n'en fut jamais véritablement responsable.

— Ça vous dit un tournoi de water-polo ? L'équipe perdante se chargera d'aller acheter le repas de ce midi.

L'idée parut convenir à tout le monde et bien vite les groupes habituels furent constitués : James, Ed et Sam d'un côté, Josh et moi de l'autre, ce qui ne manqua pas de faire réagir mon coéquipier :

— Vous avez pas un peu l'impression de nous arnaquer, à tout hasard ? demanda-t-il, d'un rire sardonique.

James réfléchit posément à la question et décréta avec un sourire provocateur que la situation lui semblait parfaitement juste. Je crus pendant un instant que Joshua allait se mettre en colère pour de bon et lui envoyer un flot d'insultes à la figure. De toute évidence, pour une raison qui m'échappait, il paraissait en vouloir tout particulièrement à James et le supporter de moins en moins. Samuel, qui n'avait pas son pareil pour désamorcer une situation, décida d'apaiser Joshua en se joignant à nous, ce qui se révéla par bonheur particulièrement efficace.

Ainsi, largement aidés par les étonnantes capacités physiques de Samuel, nous remportâmes notre unique victoire de la semaine. Malgré le peu d'aide que j'apportais à mon équipe, grâce à des passes décisives de Sam, je parvins même à briller sur le terrain et marquer un point particulièrement remarquable. Fou de joie, Josh me bondit dans les bras et James en profita pour tricher aussitôt. Lorsqu'il se rendit compte qu'il était en train de perdre à plates coutures, il s'empressa de contester la composition des équipes, tandis qu'Ed se moquait de sa réaction, plutôt amusé et pas fâché le moins du monde d'être victime du gage qu'il avait lui-même créé.

À la fin de la partie, ils s'éloignèrent vers le vieille voiture d'Ed. Il nous appela peu après leur départ pour nous annoncer qu'ils étaient prisonniers des embouteillages sur la route du centre-ville et qu'ils ne seraient pas de retour avant au moins une heure. « En étant optimiste », précisa James d'une voix lointaine, ce qui fit rire Ed aux éclats avant que celui-ci ne raccroche. Puisque nous avions un petit moment devant nous avant qu'ils ne reviennent, Samuel décida d'utiliser ce temps précieux pour s'adonner à l'activité dans laquelle il excellait le plus et s'allongea sur le sable chaud pour faire la sieste. Moins de cinq minutes plus tard, montre en main, Josh et moi l'entendions déjà ronfler.

— Il va se choper un coup de soleil, s'il bouge pas de là, fis-je remarquer.

— T'as raison, m'approuva Josh d'un air solennel, mais, comme je suis un vrai pote, il lui arrivera rien.

Il brandit alors un tube de crème solaire de son sac et s'appliqua à dessiner un petit visage souriant sur le torse de Samuel. Au contact de la crème, il frissonna dans son sommeil tandis que nous retenions notre souffle, mais il ne se réveilla pas. Il ne restait plus qu'à attendre patiemment.

Sans un bruit, je partis récupérer ma guitare dans notre tente et nous quittâmes le lieu de notre crime. Lorsque nous fûmes suffisamment loin pour être sûrs que Samuel ne nous entendrait pas, nous éclatâmes de rire pour de bon, hilares d'avance en imaginant la tête qu'il tirerait à son réveil, lorsqu'il découvrirait notre forfait. Une fois calmés, je posai ma guitare sur mes genoux et entamai un petit concert privé pour Joshua. Je commençai par lui jouer les chansons que je lui avais fait découvrir cette semaine et qu'il avait préférées, tout particulièrement des morceaux de Nirvana, dont il semblait être rapidement devenu aussi fan que moi. Joshua se révélait être un spectateur étonnamment enthousiaste et m'applaudissait avec force après chacune de mes interprétations, même lorsque j'avais joué un peu maladroitement, intimidé de sentir son regard braqué sur moi, son sourire franc, sans concession, collé au visage.

Premiers pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant