Acte 1

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Je marche lentement dans cette rue éclairée par la lumière pâle des lampadaires. J'observe à demi les passants, certains saisis par le froid, s'emmitouflent dans le col de leur manteau ou dans leur écharpe. D'autres, soufflent vivement dans leurs mains pour se réchauffer. Je suis lasse de les voir vivre, ainsi que de s'évertuer à décorer la rue et les vitrines aux couleurs d'Halloween. Je foule les pavés pour rejoindre un bar à l'apparence d'une taverne moyenâgeuse. Une torche éclairée m'indique que c'est cette traboule que je dois emprunter pour m'y rendre. Je m'y engouffre sans faire un bruit, si bien que les gens derrière qui j'entreprends de faire la queue, sursautent. J'esquisse un sourire et m'excuse par politesse. Nous avançons lentement, l'endroit est quasiment plein. Les deux tourtereaux devant moi ont eu la bonne idée de réserver. Le jeune garçon qui me fait face me regarde à peine et dit d'un ton sec :

- Seule ou accompagnée, si oui combien ?

- Seule, un siège au bar fera l'affaire.

- Parfait ! Gontran, accompagne Mademoiselle s'il te plaît.

Lorsqu'il croise enfin mon regard, il se fige et déglutit. Il me reconnait, avant de suivre son collègue, je me penche à son oreille et murmure.

- Je ne viens pas pour toi Raphaël, détends-toi voyons.

Je caresse sa joue et sens les frissons s'y former. Peut-être est-ce dû à sa peur de mourir dans la fleur de l'âge ou simplement la froideur de ma peau à son contact. Ce qui est certain c'est que je profite de son sentiment d'insécurité pour m'en nourrir et y prendre un plaisir non dissimulé. Je rejoins le comptoir en souriant. La mort ne m'a pas octroyée de congés pour cette année, je tente donc de repérer ma cible. Mes yeux se pose sur la nuque d'une inconnue accoudée à sa table. Une femme d'âge mûr lui fait face. Elle lui parle mais la jeune fille semble ne peu prêter d'égard à ce qu'elle lui raconte. Mon attention est alors détournée. Un parchemin se forme au creux de ma main comme à l'accoutumé et commence à dessiner ma proie, le temps qu'il lui reste à vivre est déjà visible. La mort est parfois sadique, j'ai déjà dû attendre plus d'une semaine parfois pour enfin déguster mon encas. Dieu merci, si je puis m'exprimer ainsi, 3 jours seulement à patienter.

- Oh oh ! Mais ce sera le 31, pas besoin de déguisement ! Je vais pouvoir sortir à découvert. Riai-je.

Je détaille les traits de l'esquisse et reste muette. Je ne suis pas certaine de ce qui je vois apparaître. Mon amour... 333 ans que je ne l'avais vue. Je ne comprends pas, ça ne peut être possible. Je me lève tel un automate et me dirige vers celles que j'observais quelques minutes auparavant. Son visage se révèle à demi et mon cœur qui ne bat plus depuis longtemps se serre pourtant. Je marque un arrêt contre mon gré, sa voix fait écho et me plonge dans une léthargie qui dure bien trop.

- Hey ? C'est pas vous la serveuse ? Ajoute-t-elle.

- Mademoiselle ma fille vous a posé une question.

- Non, excusez-moi, savez-vous où se trouvent les toilettes s'il vous plaît ?

Je suis totalement désorientée, elle possède les mêmes intonations qu'Elle. L'Oracle ne m'avait pas menti. Nous faisons partie de cycles et revenons toujours sur Terre. La mort se fout de ma gueule, je vais devoir la voir mourir pour la deuxième fois. Une main se pose sur mon épaule, elle est debout face à moi.

- Je vais vous accompagner.

Elle attrape ma main et me pousse à avancer en pressant mon dos. Je bouge enfin, arrivée dans cette pièce, elle verrouille la porte. Elle me tend un papier imbibé d'eau.

- Tu es sûre que ça va, tu es très blanche.

Un rictus s'étire sur mon visage, je la remercie d'un hochement de tête mais le jette directement en me ressaisissant. Elle parait étonnée.

- T'es pas mal chelou dans ton genre ?

- Si tu savais...

Ma voix est basse et chaude. Je la détaille de haut enbas sans pouvoir m'en empêcher. C'est Elle, je suis irrépressiblement attiréepar son corps et l'enlace.

Indéfectible continuumOù les histoires vivent. Découvrez maintenant