Acte 2

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Etrangement, elle ne me repousse pas.

- Ça va aller.

Elle me serre même. Quand j'arrive à me décoller enfin, je plonge mes yeux dans les siens. J'y retrouve toute la douceur que j'avais perdu quand ils s'étaient éteints. Ce jour-là, Erin et moi étions à un bal masqué. Elle portait une magnifique robe victorienne pourpre laissant voir un décolleté carré. Son cou droit était découvert et je n'avais pu m'y perdre que très tard dans la soirée. Son loup en velours noir rappelait la couleur de ses cheveux ébène et accentuait le vert de ses yeux qui me transperçaient à chaque fois qu'elle les déposait sur moi. A cette époque, alors que je n'étais encore qu'une humaine, j'avais osé me travestir et porter un costume d'homme noir avec des coutures d'or. Mon masque suffisait à cacher mes traits féminins. Nous avions pu passer la majeure partie de cette soirée ensemble ainsi que danser sans soulever aucune question. Malheureusement son cousin soupçonnait que nous partageâmes plus qu'une amitié et avait prévenu son oncle. Nous avions quitté la fête pour marcher au bord du lac, la lune éclairait nos mains entrelacées. Nous avancions silencieuses sur le ponton lorsqu'elle me retint. Nos corps face à face, ses doigts vinrent caresser ma joue et retirer ce qui le recouvrait. Elle m'avait attirée à ses lèvres charnues. J'y goûtais avide de les retrouver depuis des heures. Elle gémit, ses bras me tenaient fermement d'un coup et je sentis une piqûre vive dans mon abdomen. Je ne compris pas tout de suite, et elle s'effondra lentement contre moi.

- Erin que se passe-t-il ?

Hagarde, j'entendais le son caractéristique de la baïonnette qui ressortait du ventre de celle que j'aimais. Elle s'était évanouie et je tombais à genoux pour tenter de la réveiller. Les hommes qui nous entouraient, riaient et m'arrachaient à elle. Ils m'attachèrent tout en m'insultant et en retirant mes vêtements. Je pouvais constater que l'arme m'avait également atteinte mais je ne ressentais aucune meurtrissure si ce n'est cette douleur déchirante de la voir mourir devant moi, se vidant de son sang. Son père la surplombait avec morgue et invitait deux jeunes garçons à la traîner dans les bois. J'hurlais son prénom.

- Faîtes la taire bon sang ! Hurla-t-il.

Les coups tombèrent les uns après les autres mais je ne me tus pas. Ils me jetèrent alors dans l'eau. Ne pouvant me mouvoir, je coulais sans pouvoir remonter. Je les vis repartir ne se satisfaisant plus du spectacle. Mes poumons se gorgeaient peu à peu d'eau mais une poigne ferme m'arracha à mon sort. Cet homme avait des cheveux argentés et des yeux si profonds que j'y restais absorbée avant de perdre connaissance. A mon réveil, il était là et avait pansé mes blessures. Louis était devenu comme un père pour moi et m'avait protégée. J'étais portée morte auprès de tous. Désabusée et meurtrie, je voulais en finir mais il me sauva à chaque fois me motivant à la vengeance. Il me promit de faire payer ceux qui m'avaient arrachée à elle. Je découvris sa vraie nature à cet instant. Il en saigna la majorité et c'est ce soir-là qu'il me proposa de me transformer en vampire. Dévorée par ce sentiment de vendetta j'acceptais. Ce fut horriblement douloureux, je sentis chaque cellule mourir en moi et s'animer d'une force que je ne connaissais pas encore. La mort à présent m'habitait et j'allais devenir un de ses sujets. Avant de la rencontrer en personne, j'étais un instrument anarchique et tuais au hasard selon ce que me dictaient mes pulsions et notamment ma faim. Je me souviens que je ne m'étais pas satisfaite que du père d'Erin et avait décimé toute sa famille et plus encore. Aujourd'hui, j'opère à ses côtés et obéit à ses directives. Lorsque l'on vit aussi longtemps voire que l'on est immortel, il faut un but dans la vie et elle me l'a donné. C'est pourquoi aujourd'hui, je me retrouve face à Elle.

- Hey ? Quel est ton prénom ? Me sort-elle de mes pensées.

- Aurore.

- Enchantée Aurore, moi c'est...

- Erin.

- Quoi ? Mais comment le sais-tu ?

Elle devient méfiante. J'attrape son poignet droit sans être trop ferme et baisse les yeux.

- Nous nous connaissons depuis très longtemps mais tu m'as oubliée. Je ne pourrais pas te l'expliquer car je sais que tu ne me croirais pas de toutes façons.

Je la relâche et la contourne pour sortir et quitter cet endroit.

- Mais attends !

Je ne lui laisse pas l'opportunité de me rattraper etdisparait dans la traboule. 

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