La rencontre

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Pour un public averti



Ce soir c'est mon enterrement de vie de jeunes fille et après une journée bien remplie, mes meilleures amies m'ont traîné dans une discothèque pour terminer la soirée.
Elles savent pourtant à quel point je déteste ces endroits. J'ai du m'y rendre deux fois en vingt deux ans d'existence, c'est peu mais bien assez pour moi. Je n'aime pas ces lieux. Je trouve que les femmes y sont traitées comme du gibier et les hommes, encouragés par leur meute et l'alcool, se livrent à des bassesses dont je ne veux pas être témoin.
Ayant eut une éducation très pieuse, je suis toujours mal à l’aise devant cette exhibition des corps et des vices qu’offrent ces lieux de débauche. Moi qui ai l’habitude de côtoyer des gens bien plus sages et spirituels...

J’ai toujours vécu dans une cage dorée, cédant à la volonté de mon père sur l’ensemble de mes choix. De la manière de m’habiller, jusqu'à mes activités et mes études. Violon, catéchisme,  bonne œuvres et autres occupations du même genre, ma vie est toute tracée,  je n’y ai aucun contrôle. Mais qu’importe, si c’est pour mon bien, je m’en suis toujours remise à lui.

Quand j'ai enfin quitté le cocon familial pour emménager avec Nicolas, je n'y ai acquis aucune liberté. Nicolas n'apprécie pas particulièrement la religion, mais il respecte le point de vue de mon père et m'impose lui aussi une garde robe de fille bien sage.

Nous vivons sous le même toit depuis quelques mois,  mais nous ne partageons  pas la même chambre, la condition principale de notre emménagement étant de conserver ma virginité jusqu'au mariage dans deux semaines.

Je suis encore vierge contrairement à mes amies, bien plus précoces. Je me réserve pour mon futur mari , le seul et unique homme qui posera la main sur moi.
Nous nous sommes rencontrés grâce à nos parents: le père de Nicolas est associé au mien et ils tiennent une distillerie de Whisky très prisé. Une alliance bien orchestrée depuis des années, qui mêle affaires et amour, car après notre union, il reprendra la suite de son père et sa place d'associé.

Nous sortons très peu, ou bien seulement dans les galas de charité ennuyeux, c'est pourquoi je me sens si mal à l'aise entourée de tant d'inconnus. Nicolas préfère rester à la maison,  son travail lui prend tout son temps et quand il rentre, il est éreinté. Quant aux sorties entre filles,  il faut qu'il y ait une bonne occasion,  sinon il rechigne à me laisser y aller.

Mes amies ont sans doute cru bien faire, mais si elles me connaissaient vraiment,  elles ne m'auraient jamais emmenée ici. Les filles autour de nous portent des vêtements qui ne dissimulent pas grand chose de leurs anatomie. J'ai l'impression de faire tâche avec ma jupe tailleur noire s'arrêtant juste après le genoux et mon chemisier blanc très simple et pas du tout décolleté. J'essaie de me faire toute petite tandis que mes excentriques amies commencent à accoster quelques mecs.
Gênée, je pars chercher des boissons et me retrouve accoudée au bar, tentant d'attirer l'attention du barman, en vain. Mes yeux s'attardent aux alentours, sondant la foule à la recherche de mes amies, mais je ne les aperçois déjà plus.
Soudain mon regard croise celui d'un homme, âgé d'une trentaine d'années,  assis au bout du bar. Il me scrute d'un air sombre. Son visage reste impassible, seuls ses yeux d'un gris profond semblent animés d'une certaine émotion. Je ne peux détourner le regard, je reste comme aimantée, si bien que je sursaute au moment où le barman s'adresse à moi.

Une fois mes boissons servies, un coup d'oeil vers le mystérieux inconnu m'informe qu'il a disparu. Soulagée, je pars à la recherche de mes amies et les trouve installées sur une banquette.

La soirée passe à une lenteur folle et tandis que mes amies flirtent sans vergogne avec deux hommes dont la conversation se limite à des "c'est clair" et des "graves " , moi, je m'ennuie fermement.
Quand je crois que cela ne peut-être pire, elles me laissent à nouveau seule pour aller s'amuser sur la piste de danse. Quelle idée de les avoir suivies ! Bien mal m'en a prit... J'aurais préféré être à la maison, à me laisser envahir par les notes délicates de Chopin.  Au lieu de cela,  me voici seule, et pourtant entourée par des dizaines d'inconnus déchaînés, dans un vacarme assourdissant qu'ils osent appeler musique. Je laisse mon esprit divaguer en sirotant mon soda, à deux doigts de fuir cet endroit cauchemardesque.

Whisky's glassOù les histoires vivent. Découvrez maintenant