Prologue

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~ Onze ans auparavent.

...

Les pleurs d’enfants qui transcendaient la pièce n’eurent pour effet que de lui raidir tous les muscles du corps.

Peut-être n’était-ce qu’un effet de son esprit – et sans doute était-ce le cas -, mais chaque pas qui le rapprochait de cette source d’angoisse perpétuelle et lancinante semblait faire redoubler les hurlements poussés par les nouveaux nés. Leurs cris étaient emprisonnés dans l’espace avec lui, ils ricochaient contre les murs et finissaient par exploser contre les parois devenues douloureuses de sa boite crânienne. Orazio avait l’impression qu’une vile personne s’amusait à jeter des pierres à l’intérieur de sa tête tellement sa migraine était forte et s’accentuait proportionnellement au temps qui s’écoulait.

Ses mouvements se stoppèrent devant le berceau où reposaient les réceptacles de la lourde atmosphère qui s’était immiscée dans la gigantesque chambre. Le jeune prince posa les mains sur les bordures en acier du meuble aussi raffiné que les êtres qui l’occupaient. Ses doigts, longs et fins, redessinèrent les arabesques gravées dans le métal, avant de s’attarder sur les pierres précieusement encastrées dans la couveuse. Puis enfin, il écarta les rideaux et se pencha au-dessus des deux bambins dont les jérémiades auditivement insupportables ne semblaient plus vouloir cesser. 






Les rayons que dirigeait la lune venaient agrémenter l’ambiance de la pièce à travers les grandes fenêtres en verres. Le ciel était paré d’un bleu très sombre dont les étoiles faisaient ressortir la profondeur. La lumière de l’astre se mélangea à celle des chandelles stratégiquement disposées dans la pièce et les ombres créées de leur contraste dansaient sur la tête du berceau avant de terminer leur ballet sur les corps agités dans le lit courbé.






Les jeunes enfants étaient emmitouflés l’un contre l’autre dans des couvertures, aux riches broderies, aussi immaculées que le ciel du Paradis. Leur petit corps était secoué par des sanglots dont les larmes scintillaient comme des diamants sur leurs joues à la peau aussi lisse que l’innocence qui les caractérisait. De petits pieds et mains potelés qu’ils tendaient devant eux tous en ouvrant une bouche dénuée de dentition pour quémander au monde un besoin qu’Orazio ne parvenait pas à comprendre. Il avait la sensation d’être la mauvaise personne présente, comme si ce n’était pas lui qui aurait dû se tenir face à ces deux enfants. 

Il y avait quelque chose de prenant, de fascinant dans ce tableau. Ils étaient si minuscules. Si minuscules par rapport à l’immensité de ce monde qui ne demandait qu’à les engloutir. Comme tous les autres. L’humanité avait bien peu de choses à offrir en ce temps, mais beaucoup à prendre, elle aspirait tout avec la force magnétique des lignes de champ d’un aimant. Il les observa avec un malaise de plus en plus grandissant à l’intérieur de lui. Pareillement, à s’il serait le responsable de leur tourment futur. Ce n’était pas réellement désagréable. Mais c’était étrange. Et c’était la première fois qu’une émotion aussi inconnue et incertaine le traversait. Ces enfants dégageaient une aura comme il n’en avait jamais vu auparavant. Elle était d’une telle pureté qu’on aurait dit des créatures divines. Des êtres au-dessus de la création, dont la perfection des traits laissait penser qu’ils n’avaient pas été confectionnés avec le même soin que le commun des mortels. Puis au-delà de cela, leur aura était incroyablement intimidante, presque écrasante, quelque chose qui forçait tant le respect que personne ne pouvait s’y opposer. 

Leur potentiel était si vaste que s’en était inquiétant. Et ce n’était que des nourrissons, aussi étonnant que cela puisse paraître.

Orazio avait pensé gérer parfaitement les choses, à un moment. Pourtant, ainsi pencher face à ces êtres, qui de leur simple existence, changeaient drastiquement sa vie, fort lui était de constater qu’il n’était préparé à rien. Malgré son statut. Malgré le sang qui circulait dans ses veines. Lui, un prince, avait peur de mal faire. Il avait peur d’être une gêne, peur d’être inutile.

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 12, 2020 ⏰

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