Chapitre 46 "Rita & Tippie"

565 38 1
                                    

[Alec]

Nous roulons à peine dix minutes et le paysage a complètement changé. Nous ne sommes plus en ville mais dans une campagne déserte. En fait, on est même plus dans la vie réelle. J'ai l'impression que l'on a pénétré dans une forêt enchantée. Je n'arrive pas à détacher mon regard du paysage. J'ai l'habitude des grandes étendues naturelles. Ma famille possède beaucoup de terres de ce genre. Mais ici, on peut voir que les habitants des environs entretiennent le lieu pour qu'il continue à leur donner de quoi se nourrir. J'aperçois quelques personnes qui portent des arrosoirs ou des paniers à champignons.

Juno s'engage sur un chemin de terre. Ses lèvres se pincent et ses yeux se plissent alors qu'elle ralentit slalomant entre les marquages des roues qui ont creusé la route. Je dois avouer que je ne suis pas très confiant. J'espère que l'on ne va pas déraper sur le côté. Mais, elle s'en tire bien. Nous atterrissons face à une petite maison. Le toit rond en ardoise et la façade en torchis et colombage me font penser à une maisonnette de lutin. Un vieil homme est assis sur un banc. Il nous observe nous garer à l'orée de la forêt, hagard. Rien ne délimite cet endroit du côté sauvage si ce n'est la pelouse verdoyante. Des géraniums trônent aux fenêtres, du lierre monte sur la devanture. Une femme sort de la maison. La ressemblance avec Marilyn me saute aux yeux même si ses cheveux sont coupés à la garçonne. Elle porte un jean avec un chemisier à fleurs et un gilet.

D'abord, elle nous observe méfiante, une main sur l'épaule du vieux. Puis, elle hurle de surprise quand Juno sort de la voiture. Elle la désigne elle, son ventre, puis moi. Je suis un peu gêné par sa réaction extravagante. Le vieil homme s'active un peu à ses côtés comme s'ils sont liés par un lien invisble :

"RITA !" Hurle la femme depuis le perron.

Une seconde femme sort. Elle met des lunettes papillon en bois. Son corps large est emmailloté dans une robe bleu nuit imprimée de lucioles ainsi qu'un long gilet beige. Rita ouvre une bouche ronde en voyant l'état de Juno :

"Mais, qu'est-ce que vous avez fait ?! Nous hurle-t-elle partagée entre la surprise et l'émotion.

-Ne reste pas là ! Rajoute la seconde. Tu vas attraper froid et le bébé aussi ! Rentrez !"

Juno rit. Elle s'est illuminée dès qu'elle a vu ces deux femmes que je devine être ses tantes. Elle glisse sa main dans la mienne et m'explique :

"La plus vieille, c'est Rita, la mère de Vanessa, et la seconde c'est Tippie, l'avant dernière de la sororité. J'aurais dû venir ici dès le début.

-Et le vieux ? C'est ton grand-père ?

-Je ne le connais pas. Ça doit être un patient de Tippie, elle est infirmière libérale."

Il nous regarde entrer dans la maison, envieux. Je ne peux pas m'empêcher de le saluer tout de même. L'intérieur est assez chaleureux. Il n'y a qu'une pièce circulaire qui fait office de salon avec un large canapé et une cuisine ouverte au mobilier daté. Rita fait bouillir de l'eau alors que Tippie sort un gâteau aux fruits, déjà entamé. Elle s'en excuse tout en mettant des assiettes. Une fois tous autour, Rita garde les mains jointes tout en me détaillant alors que Tippie nous bombarde de questions :

"Comment tu t'appelles ? Comment vous vous êtes connus ? Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?"

Elles sont satisfaites de toutes nos réponses. Rassuré de leur accueil, je pose la main sur le ventre de Juno. Rita ne m'a pas quitté du regard. Elle esquisse un sourire à ce geste. Quand Tippie finit son interrogatoire, elle prend le relais :

"Alors, c'est vous qui avez sauvé Juno de ce fou furieux ?"

Je hoche la tête. Tippie risque un œil vers sa sœur. Elle se penche pour attraper la main de Juno avec un sourire pincé :

Virées nocturnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant