II.Changer, c'est quelque fois gâcher...

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Hier, pour  la première fois depuis quatre ans, on a reçu une lettre… Une lettre mieux accueillie par moi que par Miarako. J’étais excité comme une puce, mais ma sœur avait toujours cette expression d’ennui perpétuelle. Elle a lu la lettre, l’a déchiré avec un air tout nouveau sur le visage.

« _C’est qui ? De quoi est-ce que ça parle ?

_Pas tes oignons. »

Pendant deux ans encore, on recevait tous les jours déchiquetées, ou gelées puis brisées.

Un jour, ma sœur a craqué. Elle a brûlé la lettre, et à commencé à taper sur son piano de toutes ses forces. J’avais envie de la retenir. Elle avait un clavier électrique, certes, mais le piano à queue avait un son plus joli. J’aimais l’entendre jouer… J’ai détourné mes yeux du spectacle de la fin de mon seul  bonheur, et me suis mis à pleurer.

Ensuite, Miarako est rentrée dans ma chambre. Elle a emballé dans une valise, sous mes yeux stupéfaits, mes vêtements, les siens, l’épée de la famille et son clavier.

« _On part en voyage.

_Où ?

_Sur Terre. »

Chez les humains. Mais pourquoi chez les humains ?

On a pour la première fois traversé  le grand portail dimensionnel. La route était longue et désagréable. Je m’ennuyais. Alors, j’ai commencé à regarder ma sœur. Le jour où papa est mort,  elle n’a rien fait. Elle avait tout simplement vérifié que le poison n’était pas pyrogène, et s’est enfermée dans sa chambre plusieurs mois, n’est même pas allée à l’enterrement. Les avis fusaient sur elle. Certains pensaient que c’était une misérable fille indigne, les anciens disaient qu’elle avait changé, d’autres disaient que l’ange le plus puissant de la ville n’était qu’un ingrat, et qu’elle n’avait pas honte d’abandonner un « pauvre petit garçon » au destin.

D’un autre coté, on disait que la douleur de la providence et du temps l’avait détruite, que la petite fille qui jouait avec de la neige sur les épaules de son père, et caressait les oiseaux dans les bras de sa mère était aujourd’hui un pauvre ange aux ailes cassé et au cœur brisé.

La plupart des gens étaient du premier avis, les plus vieux, du deuxième. Moi, je n’étais d’aucun des deux.

Je voulais apprécier les choses de mon propre point de vue. Alors, pour moi, Miarako n’était pas quelqu’un de méchant. C’était juste quelqu’un de froid, triste, qui me détestait

Maintenant, elle est devant moi, en train de conduire, fuyant la Cité des Anges, les larmes aux yeux.

Elle a freiné brutalement.

« _Tu t’ennuies ?

J’ai cru halluciner. Bientôt cinq ans qu’elle ne me portait plus le seul intérêt.

-Oui, merci d’avoir demandé…répondis-je, ému.

_Descends. Ouvre le coffre. A coté de mon clavier, tu trouveras une boîte noire qui a la forme d’une grande bouteille. Prends-la et reviens.

C’était louche. Avait-elle l’intention de m’abandonner dans la route, entre deux mondes ??

Voyant que je tardais à m’exécuter,  elle lança :

_Tu ne me fais pas confiance ? Tiens ! » Elle m’a jeté les clefs à la figure.

La voir sourire m’a fait rire, ce qui fait qu’elle éclata de rire aussi.

Cela faisait tellement longtemps que j’avais oublié ce que ça faisait.

La boîte du coffre c’était un grand étui en cuir noir. Je l’ai ouvert. Un violon !

«  _Mais, mais… Où as-tu trouvé ça ?!

Elle haussa les épaules.

_Qu’importe ? Je l’ai acheté, c’est tout. De toute façon, mes économies ne serviraient plus à rien sur Terre… »

Ces paroles semblaient avoir un sens caché. Insinuait-elle qu’on ne reviendrait plus jamais ?

Other Life BrotherhoodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant